La maitrise de l’énergie solaire, l’énergie solaire thermique, comment passer à l’action ?
Bernard REYNIER, Ingénieur Physicien de l’Institut National Polytechnique de Grenoble.
Mots clés : solaire, soleil, energie, thermique, lacunes, optimisation, progrès, stockage, economies.
De façon générale, le procédé est le suivant : le soleil chauffe un fluide, lequel véhicule les calories au sein des habitats ou locaux industriels. Le cycle thermodynamique peut être inversé et produire du froid, le soleil est ainsi utilisé pour climatiser des locaux.
Introduction
L’énergie est au cœur de notre quotidien; la hausse exponentielle des prix des énergies fossiles et des énergies dérivées, la promulgation de la future loi sur l’énergie vont avoir un important impact sur nos modes de consommations des énergies.
Tous les analystes sont catégoriques, malgré l’important potentiel de ses zones ensoleillées et ses capacités industrielles, la France est en retard dans le développement de l’énergie solaire thermique ainsi que dans l’efficacité de sa politique de maîtrise de l’énergie.
Le débat n’est plus d’opposer les énergies dites renouvelables aux énergies de masse fournies par le nucléaire ou les énergies fossiles. Chacun a bien perçu que nous aurons encore besoin durant quelques décennies de ces productions nécessaires ne serait ce qu’au maintien de l’équilibre des réseaux électriques les jours sans vent et sans soleil…
En effet, nos civilisations n’ont pas d’autres alternatives crédibles à l’horizon de cette fin de siècle, ce qui représente trois à quatre générations de chercheurs qui sauront découvrir de nouvelles sources d’énergies, soyons en assurés. Entre temps nous devons réagir.
Le retard français
Le pays doit s’engager dans la mise en oeuvre d’une démarche active de développement d’un mix énergétique pragmatique de par son réalisme économique… L’ENERGIE SOLAIRE THERMIQUE présente des atouts conséquents; nous devons et pouvons la domestiquer.
Ce sera un travail de longue haleine, un chantier de plusieurs années dans le contexte énergétique tendu actuel. Encore faut il s’y engager et nous donner les moyens de nos ambitions.
Le sujet de l’énergie solaire thermique mérite d’être clarifié, avec pédagogie. Pour le citoyen » lambda « , l’énergie solaire thermique est trop souvent associée d’une part à la production d’électricité dans des conditions techniques complexes et d’autre part à l’idée de coûts de revient toujours onéreux.
Pour le grand public, de nombreux élus, l’association – SOLEIL – EAU CHAUDE – CHAUFFAGE D’EAU SANITAIRE – CHAUFFAGE PARTIEL DE LOCAUX – CLIMATISATION – n’est pas immédiate. Il suffit de lire les articles de presse dans le cadre du débat sur l’énergie pour mesurer l’importance du déficit de communication – compréhension au sein des médias…
Peu d’écrits évoquent le gisement énergétique moyen attaché à un habitat de 100 m². On évoque des m² de capteurs, des coûts, mais quasiment jamais le potentiel énergétique en unités légales lisibles et compréhensibles par le plus grand nombre.
Le potentiel solaire en France
Pour un habitat individuel de 100 m², équipé de 16 m² ( 8 m sur 2 ) de capteurs plans, le gisement annuel moyen s’élève à 8800 KWh environ pour le chauffage partiel de l’eau sanitaire, de l’eau consommée par les appareils ménagers, lave vaisselle, lave linge et le chauffage partiel de l’habitat.
Pour un bâtiment type salle des fêtes d’un village, hôtel, maison de retraite, le potentiel annuel moyen est proportionnel à la surface de capteurs, qui, dans ce type d’ouvrages, peut être très importante.
Enfin, les industries utilisant des fluides chauds ( tout l’Agroalimentaire, Industries papetières, etc. ) sont très concernées par cette énergie; disposant d’importantes surfaces de toitures, des potentiels de 50 000 – 100 000 KWh sont courants…
A ces gisements s’ajoutera, dés que possible, le bénéfice de la climatisation solaire, tout aussi important…
La présente réflexion explicite les conditions du développement de l’emploi de l’ENERGIE SOLAIRE THERMIQUE et ses conséquences dans :
– la réduction des consommations d’énergies traditionnelles et des émissions de gaz à effet de serre,
– la réduction des dépenses financières des collectivités et des citoyens,
– le développement de l’emploi dans des métiers nobles, porteurs de plus values sociales,
– la mise en oeuvre d’une pédagogie active auprès des citoyens ayant besoin d’être guidés dans la maîtrise de l’énergie,
– le rayonnement de la France qui apporterait une contribution efficace et exemplaire aux pays les moins riches.
Depuis des années, le marché et les offres d’installations solaires thermiques sont comme la poule et l’œuf. Le marché attend les offres qui attendent le marché… Dans le marché de la construction neuve, 60 000 pavillons sont susceptibles d’utiliser des équipements solaires thermiques. A ce flux s’ajoutent les immeubles collectifs, les bâtiments tertiaires de l’hébergement ( hôtels, maisons de retraites, etc. ) et certains bâtiments industriels.
Quant au secteur de la rénovation de l’habitat et du remplacement des appareils et modes de chauffage devenus obsolètes ( chauffe eau électrique, installations de chauffage ou climatisation, etc. ) leur volume annuel est quatre à huit fois plus important… Il s’est vendu un million et demi de chauffe eau électriques en 2004 à comparer aux dix mille chauffe eau solaires…
Le potentiel est communément évalué à 250 000 d’installations annuelles, comparées aux 10 000 ventes de 2004…La fourchette basse du gisement énergétique moyen annuel s’élève à 1250 GWh
Les freins au développement du solaire thermique en France
Comment vendre des produits qui ne sont pas connus? La communication média, réduite à la portion congrue, est trop peu lisible du grand public. Les consommateurs, habitués à « voir et toucher », ne connaissent pas les appareils lesquels ne sont pas présentés par les grandes surfaces du bricolage. La distribution est confiée à quelques milliers d’artisans labellisés « ADEME » dont les produits solaires thermiques sont rarement prépondérants dans leurs revenus. Alors que l’on installe soi même un chauffe eau électrique, un radiateur, une cheminée, voire des matériels plus complexes, il est presque impossible d’acquérir les matériels solaires thermiques en kit, interdisant ainsi leur auto-installation !
Dans les communes, dans le secteur industriel, lors d’appels d’offres pour la construction d’hôtels, maisons de retraite, peu d’entreprises proposent des installations combinées avec l’énergie solaire thermique. Quand les devis existent, au regard des technologies développées, les tarifs sont élevés ( voir excessifs ). Pourquoi, à service rendu comparable, les matériels solaires sont-ils trois à six fois plus onéreux que des appareils classiques ? L’analyse de la valeur n’explique pas le différentiel de prix entre un chauffe eau électrique et un ballon solaire thermique, finalement peu innovant…
Les appareils sont sujets à des dégrèvements fiscaux et au versement de primes ( Conseil Régional, etc. ). Ces aides substantielles à « l’achat + pose » freinent l’émulation et la concurrence, limitent les offres de nouveaux fabricants souvent découragés face aux contraintes de l’obtention des labels adhoc. En outre, la faible dynamique du marché n’incite pas les industriels à rejoindre cette activité.
Faut il vraiment poursuivre la politique de versement de primes ? Ou bien encourager la production de matériels à des prix réalistes en « ouvrant » le marché à de nouveaux entrants ?
Les industriels et acteurs énergétiques doivent maintenant développer des actions industrielles et commerciales conjuguées, inversant ce cycle inhibiteur et sclérosant en proposant des « tarifs marché ».
Les démarches à engager
Dans un premier temps : communiquer différement et diminuer les coûts.
La communication média doit être améliorée, en mettant en oeuvre des campagnes télévisuelles et dans la Presse Régionale.
Faut il imposer des normes aussi drastiques aux fournisseurs? Libérons rapidement le marché. L’énergie solaire étant gratuite, le CSTB ne devrait pas légiférer mais apprécier le seul rendement des installations sans autre forme d’appréciation. Cela afin d’éclairer l’acquéreur tout en dynamisant positivement la concurrence.
Le tarif de vente des matériels devrait être compris dans une fourchette de 700 Euros à 2000 Euros ( aujourd’hui la fourchette basse est supérieure à 1200 Euros ). Les frais de pose méritent ils d’être facturés au tarif d’une main d’œuvre de BTS ?
Dans un second temps, développer et industrialiser les innovations.
Les enjeux imposent de réduire au plus tôt les temps de retour sur investissement à 6 – 8 ans comparativement aux énergies classiques. Ce challenge réaliste trouvera solution dans des innovations allégeant les coûts de fabrication puis par la croissance de la demande qui s’en suivra.
Les services de recherche des commercialisateurs d’énergies peuvent faire changer d’époque les technologies désuètes utilisées. Les nouveaux matériaux tels ceux à changement de phase, l’électronique de régulation, peuvent être insufflés avec un fort intérêt dans les technologies des matériels solaires. La FRANCE doit engager des recherches adaptées dans ce domaine.
La filière solaire thermique Européenne représente aujourd’hui moins de 10 000 emplois, dont 2 – 3% à peine concernent la FRANCE. Les recherche, fabrication, pose et entretien de ces appareils présentent un gisement de milliers d’emplois à forte valeur ajoutée, attrayants pour notre jeunesse. Le potentiel d’un million d’emplois en Europe est souvent évoqué.
D’autre part, nous ne pouvons évidemment délaisser la fabrication des matériels. Nous devons aider les créateurs de productions innovantes. Dans les régions où des industries de la métallurgie, de la plasturgie, de l’électronique, de la micromécanique, disparaissent, des compétences pourraient être recyclées dans ces voies.
Enfin, la climatisation solaire doit rapidement faire l’objet de recherches pour des usages dans les locaux tertiaires, notamment les locaux d’hébergements et autres maisons de retraites ( qui, suite à la canicule 2003, pourraient faire l’objet d’actions test ), etc. Les collectivités locales sont les premiers clients intéressés par ces moyens de confort devenus nécessaires dans une large partie de leurs parcs immobiliers.
Cette technologie ancienne, industriellement délaissée ( qui n’a pas connu en camping les réfrigérateurs à gaz où avec » du chaud on fait du froid « ? ), présente pourtant de véritables enjeux. Les étés caniculaires à venir, largement prédits par les experts, dynamiseront l’installation de climatiseurs aux conséquences fâcheuses sur les consommations électriques d’été alors que les conditions de fonctionnement des centrales électriques seront loin de leur optimum.
La climatisation solaire contribuera à solder ces difficultés. ( Suite à la canicule de 2003, l’explosion des ventes de climatiseurs aux performances médiocres doit être impérativement contenue faute de générer de futures difficultés tant dans la production – distribution d’énergie électrique en été que dans l’élévation des températures de l’atmosphère et l’aggravation des effets de serre liés aux différents effluents… )
Former à la maitrise de l’énergie
La mise en oeuvre de la politique de maîtrise de l’énergie et du développement de l’usage des énergies renouvelables impose d’engager dans le même temps une politique de formation lourde afin d’accompagner le corps des salariés qui interviendront sur cette longue chaîne de valeur. La transition culturelle s’échelonnera sur plusieurs années durant lesquelles il va falloir accompagner ce profond changement. La liste des domaines impactés par ce point d’inflexion culturel proposée ci après à des fins de pédagogie ne peut être exhaustive.
On citera particulièrement :
– Les activités de pose d’installations solaires thermiques desservant tous bâtiments ( y compris Industriels ),
– Les architectes devant acquérir de nouveaux savoirs en échanges thermiques, ensoleillement, etc…
– Les bureaux d’études chargés des études thermiques dans la construction et rénovation de bâtiments,
– L’ensemble des corps de métiers du bâtiment qui utiliseront de nouveaux matériaux ( exemple la brique « Monomur » ), des planchers solaires, de nouveaux revêtements de toitures intégrant des capteurs solaires thermiques ou photovoltaïques,
– Les bureaux d’études experts en études énergétiques de process industriels ( forcément complexes et variés ),
– Les activités de pose, réglage, maintenance d’installations solaires photovoltaïques, notamment les organes de protection pour les couplages aux réseaux électriques de distribution,
– Le domaine de l’électrotechnique de puissance pour les génératrices d’éoliennes ou de petites centrales hydrauliques, les couplages électriques des installations de production d’électricité aux réseaux d’EDF Distribution,
– Les emplois du secteur des transports : nouveaux moteurs, régulations électroniques, etc…
Le potentiel de cycles et sites de formation, de formateurs compétents dans ces domaines relativement nouveaux où la demande sera en forte croissance sont aujourd’hui insuffisant pour satisfaire les besoins dés les années 2008-2010.
Simultanément, les importants départs en retraite des » baby-boomers » vont amplifier la pénurie en compétences.
La thermodynamique, les lois des échanges thermiques et circulations de fluides sont relativement complexes à acquérir. Elles nécessitent des recyclages lourds lorsque ces compétences sont peu utilisées. Aujourd’hui, ces savoirs sont peu répartis et maîtrisés au sein des professionnels du bâtiment ou de l’industrie.
De la même façon les domaines de l’électronique de puissance, des calculs mécaniques nécessaires aux fabrication – maintenance de génératrices hydrauliques ou éoliennes, sont complexes, peu répandus dans les cursus de formation généralistes.
Il en est de même des concepts de fonctionnement des matériels tels que les pompes à chaleur dont l’usage va s’accroître exponentiellement au travers des climatisations et chauffages réversibles.
Les métiers du solaire
Sans un effort considérable de formation d’artisans, le passage d’un rythme annuel de pose de 10 000 chauffe eau solaires en 2004 à un volume de 200 000 dés 2010, soit un facteur de croissance de 20, ne peut être réaliste. D’autant que la réussite du challenge sera liée au professionnalisme des artisans installateurs fortement impactés par les départs en retraite des « baby-boomers « .
L’accroissement des besoins de maintenance des systèmes géothermiques ou pompes à chaleur va nécessiter de former de nouvelles promotions de professionnels notamment dans le secteur de la maintenance.
Les besoins en maîtres d’œuvre vont s’accroître. Ce sont eux qui d’une part garantiront la conformité des constructions aux règles et d’autre part faciliteront la migration des nouveaux concepts au sein de l’artisanat. Ces métiers étant à l’origine de la qualité des bâtiments sont une des clés de voûte de la réussite des objectifs fixés par la loi.
Les bureaux d’études vont être particulièrement sollicités par les industriels qui vont devoir réaliser d’importantes économies et qui feront appel à des compétences pointues en process industriels complexes.
Le couplage d’installations de production d’électricité ( éoliennes, photovoltaïque, petite hydraulique ) aux réseaux de distribution électrique est complexe et, de façon générale, les techniques sont peu connues des artisans électriciens. D’autre part, la maintenance des génératrices ( éoliennes, hydraulique… ) nécessitera de nouveaux savoir faire quantitatifs et qualitatifs.
Dans le secteur de la mécanique ( mise au point moteurs ), de l’électrotechnique de puissance, de l’électronique, les besoins vont s’amplifier.
En quelques années, la demande va croître d’un facteur 10
La courbe des âges au sein des salariés de l’enseignement technique ajoutant une difficulté complémentaire au challenge…
Par Bernard REYNIER
Lire une autre publication de Mr Reynier à propos du stockage de l’énergie
Les réactions d’un lecteur
Bonjour,
Bonne analyse, mais à notre point de vue, entachée d’une contradiction, au demeurant partielle, car l’article est plus général que cela. Nous estimons que cette contradiction ne correspond pas nécessairement aux opinions de l’auteur, mais que l’auteur l’a formulée dans l’objectif, conscient ou non, de ne fâcher personne. C’est un long chemin qui n’est jamais fini que d’acquérir des idées claires sur quelque sujet que ce soit et ensuite que de les dire. Nous prions l’auteur de ne pas prendre ce qui va suivre négativement.
Nous nous proposons donc de soulever cette contradiction et d’ainsi apporter une pierre au débat.
La contradiction : s’il est exact (et l’auteur l’a mis fort à propos en italique) que l’explosion des (inutiles qui font les) normes sur le matériel et allouent les subventions sur la base des dites normes, pèse sur le développement de toutes les applications sur le terrain du solaire thermique, cela devient alors contradictoire d’appeler de ses voeux une innovation industrielle qui va aller encore d’avantage dans le sens de cette normalisation en proposant des produits « boite noire » qui seront d’autant plus hors de portée de l’artisan de base et devront encore plus… être sujets à des normes.
Il y a dans cette histoire de high-techisme et de normalisation un objectif dissimulé de monopolisation du marché qui a pour but de transformer les installateurs de base en équivalent de vendeurs de télés. Or alors simplement, comme dit le poète, un phénomène de « vitesse acquise » ou de « pensée unique » dans le sens qu’on pense le développement technique de cette manière, à savoir « développement technique » = « développement de produits ».
Un tel « développement » profitera à terme aux mêmes grosses structures industrielles qui posent pour l’instant des chaudières à mazout que l’artisan de base est justement incapable pour beaucoup déjà de comprendre, et pour 99%, de fabriquer. Or si on veut intéresser l’artisan de base, il faut lui proposer quelque chose sur lequel il possède un pouvoir et une connaissance concrète, et qui rende son activité dans son domaine plus « robuste » face au marché mondialisé. A savoir par exemple contre les dumpings qu’il y aura avec des produits fabriqués par des esclaves en Chine pour tuer justement le marché décentralisé des indépendants de base.
Si le diagnostic est donc celui là, il faut non pas proposer de nouveaux produits qui, même s’ils sont mieux, ne feront pas plus que des produits existants qui font déjà bien, sans pourtant que personne n’en veuille.
Il faut proposer une connaissance technique en tant que telle. Cette connaissance technique doit se baser sur un produit « ouvert » dans le sens des technologie libres, comme par exemple Linux est ouvert. Il doit aboutir à des installations solaires thermiques de type « mecano » (c’est là où nous sommes résolument à contre-courant des opinions dominantes en la matière), de manière à ce que l’artisan de base puisse intervenir sur elles à chacun des stades de leur installation, les modifier en vue de résoudre des problèmes particuliers d’installation (qui toujours se posent en rénovation, or la rénovation concerne 99% du parc construit) ou de dimensionnement, les démonter pour les réparer/modifier, les remonter etc. ce que ne permettent pas les « kits » ou des produits « boite-noire » high-tech et compacts du marché.
De plus, une « installation mecano », dont une grande partie de sa « valeur » git dans le travail de construction/montage même, peut difficilement être volée car elle ne peut être emportée d’une pièce. Cela rend donc de telles installations solaires thermiques « socialement plus sûres » au contraire des installations photovoltaïques ou des installations « high tech » (par exemple les kits sous vide), soumises à des vols continuels en France (les panneaux/capteurs sont revendus sur le marché gris allemand). Une telle technique rend aussi la tâche plus facile et épargne la santé et le portemonnaie de l’installateur, dans le sens que des éléments « mecanos » sont plus léger/ moins encombrants, et donc faciles à déplacer/ transporter/ installer pour des petites entreprises dotées d’un outillage de base (la camionnette et le matériel et les outils dedans). Ce qui les rends justement intéressant pour ces petites structures (en clair, avoir un capteur de 3m2 d’une pièce moins cher ne sert à rien si on est obligé de payer une grue pour le monter sur le toit, sans compter que s’il a un problème ou qu’il faut faire une modification, il faut entièrement le changer soit donc, le redescendre et en remonter un autre…). Nous pourrions énumérer d’autres avantages génériques et de simple bon sens qui vaporisent ainsi tous les fameux avantages spécialisés de produits industriels pensés selon une logique « hors-sol ».
Mais pour revenir à l’installateur de base, c’est parce qu’il a la liberté de modifier et d’adapter son produit qu’il est amené à s’intéresser aux modalités de son installation, et que par ce biais il améliore sa compétence dans ce domaine. Ce qui en fait un artisan, soit un métier, et non pas un vendeur, soit une occupation de working poor à siège éjectable. Car un vendeur de télés, même s’il vend beaucoup de télés, est sauf exception cosmique, incapable de dire comment fonctionne une télé et comment la réparer. Il est donc remplacable du jour au lendemain par un autre vendeur de télé (polonais?) qu’on peut payer encore moins cher vu que la compétence de base demandée est de toute façon proche de zéro. C’est la fameuse foire aux métiers imbéciles que promeut notre civilisation en lieu et place du minimum universel d’existence que les progrès de la science rendent non seulement possible, mais nécessaire sous peine de guerre civile généralisée à brève échéance. La contrepartie de ce fait, difficulté à laquelle nous avons affaire en Suisse un peu et en France beaucoup, c’est que personne ne peut se bombarder du jour au lendemain « installateur en solaire thermique » (et surtout pas après avoir suivi une formation bidon qualisol). Seul le coaching continu et l’activité sur le terrain permettent la production d’une réelle compétence. Cela demande donc une patience que beaucoup, par inclination, désespoir, ignorance, orgueil ou stupidité, n’ont pas.
Bien sûr, il faut veiller à ce que les modifications et adaptations locales de la technique soient valides, de manière à ce que les installations fonctionnent à satisfaction et que donc les clients soient contents (ce qui est vital, n’en déplaise aux vendeurs hors-sol, à la réputation d’un artisan qui reste intégré dans son milieu, au contraire du vendeur qui disparaît dans la nature une fois le produit vendu). Dans le cas contraire on tomberait dans le foutoir des années 70 et toute la mauvaise réputation du solaire qu’il a généré. Mais des kits standards, y compris apparemment pas chers et/ou bardés de normes, installés – on pourrait dire « vomis » – n’importe comment sur n’importe quel toit pour n’importe quel usage – y compris quand on pourrait faire mieux avec le même argent, par exemple en isolant – c’est aussi le foutoir.
Ce qu’il faut donc à ce stade, ce n’est pas un industriel qui fabrique un énième superproduit miracle de plus sur lequel on aura mis un label comme on met des croix dans les formulaires ISO, mais des gens qui rendent le sercice aux installateurs de base de juger de la validité, technique et en terme d’efficacité énergétique globale sur le bâtiment, de leurs applications d’une technique générique. Et là nous rejoignons l’auteur. Une telle structure peut contenir des ingénieurs, mais aussi des… artisans de base qui ont de la bouteille dans la technique considérée et ainsi coachent les nouveaux venus, voire même des autoconstructeurs, à condition qu’ils aient également de la bouteille. Les artisans doivent franchir le pas psychique difficile de lutter contre la tentation de sécuriser leur marché en refusant toute aide à de potentiels concurrents, mentalité issue tout droit du néolibéralisme qui aussi concourt au fait que le solaire thermique, comme tant d’autres choses, ne se développe pas. Et pour les aider dans cette tâche, il y a la pression exercée par la montée en compétence des autoconstructeurs, du fait que la technique est libre justement.
C’est ce que nous essayons de faire au sein de Sebasol, une association qui pose comme condition si ne qua non pour en faire partie, d’avoir réalisé de ses mains au moins une installation solaire thermique qui fonctionne selon une technique éprouvée fournie en premier lieu. Une telle association voit collaborer ensemble des autoconstructeurs et des installateurs de base, avec une circulation continue de l’information technique des uns aux autres. La rétention d’information est interdite et les artisans et autoconstructeurs du réseau sont la base pour la formation de stagiaires avec pour objectif d’en faire des installateurs. Donc des gens qui seraient selon une logique actuelle étroite pour ne pas dire dégénérée, leur propres « concurrents ». La contrepartie évidemment est que le cursus de formation est long, et que de tels « concurrents » auront alors à terme acquis une culture réaliste issue de l’expérience du terrain. Leurs installations seront belles, fonctionnelles, et concourront dès lors à la bonne réputation du solaire thermique en général et de tout le réseau en particulier. Sans compter qu’à travailler ensemble, si parfois on s’émule parmi, le plus souvent on se donne des coups de main…
Remarque : par ce modeste avis nous estimons avoir contribué au débat et espérons que cela sera utile à l’auteur. Nous lui donnons permission de transmettre cet avis à qui il désire, sous réserve évidemment du respect du texte. Nous sommes très occupés et n’aurons pas le temps d’alimenter une polémique. Nous souhaitons bonne chance au solaire thermique en France, où d’ailleurs nous faisons notre possible dans les limites de notre taux de surcharge, pour que les choses avancent.
Salutations ensoleillées
Pascal Cretton
Sebasol Vaud/Solar Support