Pour qu’une unité de biométhanisation en porcherie avec sa cogénératrice électrique soit rentable, il faut étudier de près les rendements fermentaires en production de méthane, un rendement notamment conditionné par le taux de matière sèche du liquide à fermenter. Il faut ensuite un module générateur d’électricité adapté au volume d’émission de gaz de l’unité de biogaz.
Il faudrait enfin que les acheteurs potentiels d’électricité en France payent l’électricité à un prix du kW conforme au prix européen.
Les acheteurs potentiels invoquent une meilleure rentabilité de l’électricité nucléaire, omettant d’inclure dans son coût de production, le démantèlement des centrales à venir, une situation qui pénalise le développement des énergies renouvelables en général et l’exploitation énergétique du lisier de porc en particulier.
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Le non respect de la réglementation européenne
Au tarif européen de l’électricité payée au producteur à 0,10€/kWh, une cogénératrice sur biogaz de lisier d’une unité de 350 truies et engraissement pourrait être rentable. Mais au tarif français d’achat à 0,059 €/kW, soit à peu près la moitié, cela devient plus difficile…
Contrairement à leurs voisins Luxembourgeois, Allemands, Belges et Suisses, les agriculteurs-éleveurs porcins français se sont jusqu’à présent vus opposer un blocage lorsqu’ils proposaient des projets d’installation de biogaz à partir du lisier. Une situation qui solutionnerait pourtant en partie de nombreux problèmes dont les émissions de carbone à effet de serre, les émissions de nitrates et le renforcement de la solidité financière des exploitations sans cesse tiraillée par les charges. Rappelons que le méthane naturellement dégagé par les fosses à lisier, s’il n’est pas récupéré, est 21 fois plus nuisible en tant que gaz à effet de serre que le CO2. Un livre blanc publié par la Commission européenne en novembre 97 (Com ( 97) 559) a fixé pourtant comme objectif à 12 %, la part que représenteront les énergies renouvelables dans la consommation totale en 2010.
Ce blocage implicite, d’ordre financier, est lié à la rentabilité d’une cogénératrice, elle-même dépendante du prix de l’électricité payée à l’agriculteur.
Le principe
Dernièrement, un groupe d’agriculteurs, éleveurs porcins en Lorraine, se sont réunis dans un projet d’étude de rentabilité des unités de méthanisation et de cogénération. L’étude de faisabilité porte sur une ferme de 170 ha comprenant une porcherie, naissance et engraissement de 350 truies. L’EARL de la Carrière à Cléry (55)
Rappelons en deux mots de quoi il s’agit. Dans la fosse à lisier se produit une fermentation dite anaérobie (sans air). Le processus anaérobie conduit à une dégradation des molécules carbonées en petites molécules à un seul carbone, du méthane CH4 et du gaz carbonique C02, lequel méthane constitue un gaz énergétique de choix.
Le principe de la transformation d’une fosse à lisier en digesteur est simple mais coûteux. La fosse peut être simplement recouverte d’une bâche étanche au biogaz pour collecter les gaz. Il faut y adapter un agitateur et un chauffage à 35 – 45 °C – l’idéal pour les fosses à lisier – pour activer la fermentation et pour dégazer. Le volume des fosses peut aller de 300 à 1 000 m3. Les mélangeurs modernes plus efficaces peuvent brasser jusqu’à 1700 m3 d’un lisier contenant jusqu’à 15% de matières sèches.
Le temps de rétention théorique du lisier est d’environ 28 jours. Il faut en général compter 50 jours pour optimiser les performances. Cela suppose d’installer une nouvelle fosse pour la rétention des digestats et une pré-fosse, toutes étant recouvertes pour collecter les gaz.
Le méthane collecté doit d’abord être épuré de ses composés soufrés, type H2S, réputés corrosifs, ceci en injectant 3 à 6 % d’air. Le gaz peut enfin alimenter un moteur couplé à une génératrice d’électricité. Une partie de l’énergie servira à chauffer le lisier et la porcherie.
La matière sèche, facteur limitant
La porcherie étudiée en Meuse, de 350 truies et engraissement, soit 415 UGB, produit quotidiennement 16,4 m3 de lisier (6000 m3/an). Selon différentes études, l’optimum de rendement fermentaire en gaz de 0,925 m3 de biogaz/UGB/jour, est obtenu avec un lisier a environ 9 % de MS (matière sèche). Ce taux de MS dépend notamment du type de nourriture des porcs, sous forme solide ou de soupe. La soupe conduit à des lisiers moins chargés de 4 à 5 % de MS. Dans ce cas, pour optimiser le rendement de fermentation, il est nécessaire de complémenter le lisier en MS – à partir de jachères, de déchets verts de collectivités ou d’industries agroalimentaires, etc. Le taux de MS étant un facteur limitant la rentabilité de production de biogaz.
Au Luxembourg, les installations de biogaz fonctionnent avec de l’ensilage de jachères et d’intercultures. La réglementation européenne en vigueur (Nr : 1251/1999) permet d’utiliser les jachères dans cet objectif énergétique. La paille de maïs grains, actuellement enfouie au labour, pourrait aussi être valorisée.
Du biogaz à l’électricité
Une fois le volume optimum de production de biogaz atteint (0,925 m3 de biogaz/UGB/jour) se pose la question du choix du module producteur d’électricité. C’est aussi de ce choix que découlera la rentabilité de l’investissement. Dans le cas de la ferme de La Carrière à Cléry, deux cas ont été étudié : une installation fonctionnant avec un module de 65 kW avec des lisiers à 6% de MS et une autre avec un module de 100 kW et un lisier porté à 9% de MS, grâce notamment aux cultures de la ferme.
Un module de 65 kW produit annuellement 465 000 kWh. Le besoin annuel de la porcherie et de la chauffe du lisier de 390 000 kWh exclut d’emblée toute rentabilité.
Dans le second cas, celui du module de 100 kWh avec un lisier à 9% de MS, la production annuelle atteint 840 000 kWh et assure un surplus effectif de 450 000 kWh.
Rentabilité de l’installation
Dans le cas de cette ferme, le coût de l’investissement à partir des installations existantes, auquel il faut ajouter une cuve de 800 m3 pour le gaz, la transformation de la fosse en digesteur, la pré-fosse et la fosse à digestats (2500 m3), un module de cogénération de 100 kW, et enfin l’équipement électrique et les conduites de lisier, se monterait à environ 280 000 €.
Le prix de vente européen appliqué en Allemagne, Belgique et Luxembourg est de 0,10 €/kWh. En France, l’arrêté tarifaire relatif aux matières non fossiles d’origine végétale ou animale dans le cadre de l’obligation d’achat de l’électricité d’origine renouvelable (parution le 16 avril 2002) renseigne un prix d’achat de 0,059 €/kWh, soit près de la moitié.
Selon cette étude de faisabilité, l’installation sur cette ferme pourrait être rentabilisé à partir d’un prix d’achat à 0,09 €/kWh. Au prix proposé par les opérateurs français de l’électricité, il faudrait quasiment doubler la porcherie, soit 800 truies plus l’engraissement pour rentabiliser l’installation.
Les acheteurs potentiels invoquent la plus grande rentabilité de l’électricité d’origine nucléaire, omettant d’inclure précisément dans leurs calculs de rentabilité le coût du démantèlement et du retraitement des déchets démantèlement quand celles-ci seront en fin de vie.
S’il faut admettre que l’électricité nucléaire est incontournable, elle ne doit cependant pas pénaliser le développement des énergies renouvelables sous prétexte d’une rentabilité insuffisante face au nucléaire, une rentabilité ne pouvant, pour l’instant, pas être objectivement évalué.
David Lefebvre