Conflit. Israël lance une opération terrestre au Liban
L’armée israélienne a annoncé dans la nuit de lundi à mardi avoir commencé à mener des “raids terrestres localisés” dans des villages du sud du pays, affirmant cibler le mouvement islamiste Hezbollah. Aux États-Unis comme en Israël, beaucoup redoutent un enlisement, note la presse internationale. Frappe israélienne dans le sud du Liban, vue depuis le nord de l’Etat hébreu, le 1er octobre 2024. JALAA MAREY / AFP“La tension est montée d’un cran au Liban lundi [30 septembre]”, dans la soirée, lorsque des responsables américains ont annoncé une incursion israélienne imminente, raconte L’Orient-Le Jour. Puis, “tôt, vers 2 heures [du matin]”, mardi, Tsahal a annoncé avoir commencé à mener des “raids terrestres localisés” dans des villages du sud du pays, affirmant cibler le mouvement islamiste Hezbollah, note le quotidien libanais.
La confirmation que les troupes israéliennes opéraient du côté libanais de la frontière est intervenue plusieurs heures après la diffusion d’informations contradictoires circulant sur les réseaux sociaux et dans certains médias arabes quant à savoir si certaines troupes avaient déjà traversé la frontière, relève The Times of Israel. “Les troupes libanaises ont encore alimenté les spéculations lorsqu’elles se sont retirées lundi soir d’environ 5 kilomètres de leurs positions le long de la frontière, choisissant apparemment de rester à l’écart, comme elles l’ont toujours fait dans les conflits majeurs avec Israël.”
Risque d’enlisementL’armée israélienne a précisé dans un communiqué que les assauts terrestres seraient “limités” et “ciblés”, “fondés sur des renseignements précis”, et viseraient le Hezbollah dans des villages libanais proches de la frontière qui représentent une “menace immédiate” pour les communautés israéliennes du nord de l’État hébreu. Tsahal a ajouté que l’aviation et l’artillerie israéliennes menaient des “frappes précises” en appui des troupes au sol. Des habitants de la ville libanaise d’Aïta El-Chaab, à la frontière, ont de leur côté rapporté de lourds bombardements et la présence d’hélicoptères et de drones.
“J’espère vraiment que nous parlons d’une opération terrestre limitée”, a déclaré lundi soir l’ancien ministre de la Justice israélien Yossi Beilin, interrogé depuis Tel-Aviv par la chaîne qatarie Al-Jazeera. “Nous savons que c’est très difficile à contrôler, même si le gouvernement est sincère dans son souhait d’y mettre fin rapidement et d’atteindre son objectif principal, qui est d’entraver les combattants du Hezbollah et de permettre aux Israéliens de retourner dans leurs villages du Nord.”
Une inquiétude partagée par l’administration Biden. Un haut responsable américain s’exprimant sous le sceau de l’anonymat a affirmé au Times of Israel que, “même si l’administration Biden comprend et accepte ce qu’Israël essaie d’accomplir, Washington craint que l’armée israélienne ne s’enlise au Liban ou ne soit amenée à étendre sa mission ultérieurement”.
“Le plan pourrait encore évoluer vers une invasion plus importante”, remarque lui aussi The New York Times, qui rappelle que “des milliers de soldats supplémentaires ont été déployés dans le nord d’Israël ces derniers jours, ce qui laisse penser à une opération plus large et prolongée”.
Mardi matin, après s’être entretenu avec son homologue israélien, Yoav Gallant, le ministre de la Défense américain, Lloyd Austin, a déclaré être convaincu, comme l’État hébreu, de la “nécessité de démanteler les infrastructures d’attaque” du Hezbollah, “afin de garantir qu’il ne puisse pas mener des attaques du type de celles du 7 octobre contre les communautés du nord d’Israël”. Une “résolution diplomatique est nécessaire” pour assurer la sécurité des civils “des deux côtés de la frontière”, a-t-il toutefois réaffirmé.
Le “risque de voir l’histoire se répéter”Pour The Wall Street Journal, l’État hébreu “entre désormais dans une nouvelle phase du conflit, qui pourrait être plus difficile pour l’armée israélienne”.
“Après la série de coups que l’organisation Hezbollah a subis au cours des deux dernières semaines, il est raisonnable de penser que sa force de frappe contre Israël a été considérablement réduite”, remarque Ha’Aretz. “Néanmoins, le début de l’offensive terrestre entraînera des affrontements avec les membres du Hezbollah restés dans le sud du Liban, qui entraîneront probablement des pertes.”
Si Israël “choisit de s’emparer et de conserver le territoire libanais, il risque de voir l’histoire se répéter”, prévient de son côté le Wall Street Journal. Le quotidien conservateur américain rappelle que l’État juif “a mis fin à dix-huit ans d’occupation du sud du Liban en 2000, après des années d’attaques du Hezbollah”. En 2006, Israël avait “frôlé le désastre militaire” lors d’une guerre d’un mois contre le groupe chiite, qui était parvenu à “neutraliser les chars d’invasion israéliens et à tuer plus de 121 soldats israéliens”.
Noémie Taylor-Rosner