Les flocons de neige tombent dru, mais ils ne démentent pas le réchauffement

Villages isolés, routes bloquées, avions retardés… Les flocons tombés en abondance ces derniers jours ont frappé les esprits. Les neiges d’antan étaient de retour ! La machine climatique, que l’on croyait détraquée par la folie des hommes, avait repris son cours ancestral. La nature était finalement la plus forte. On l’entendait à ce petit bruit oublié dans nos villes : le crissement de la neige sous les semelles.
Les 7 cm de neige mesurés le 23 février à Paris-Montsouris et à Orly, 5 cm à Saint-Brieuc, 10 cm dans le Calvados, 15 cm dans la Manche, ou même 20 cm à Bocognano (Corse), sont pourtant peu de chose comparés aux 40 cm de poudre blanche tombés en 1946 à Paris, 85 cm en 1954 à Perpignan, 70 cm en 1956 à Ramatuelle, 60 cm en 1969 à Belfort, 54 cm en 1971 à Saint-Etienne, 38 cm en 1985 à Nice, 50 cm en 1986 à Langres, ou 22 cm en 1993 à Carcassonne. Plus près de nous, en janvier 2003, 15 cm de cristaux s’étaient déposés sur le Finistère, l’Aquitaine, la Provence et la Corse.
Les récentes précipitations neigeuses « ne sont pas exceptionnelles », souligne Pierre Bessemoulin, directeur de la climatologie à Météo France. « En remontant dans les annales jusqu’à l’après-guerre, on trouve une quinzaine d’épisodes neigeux remarquables par leur intensité et leur durée », rappelle-t-il.
Les 8 jours où la neige s’est manifestée à Paris entre le 1er janvier et le 20 février 2005 sont loin du record de 24 jours établi sur la même période en 1963. Il en va de même pour Rennes (3 jours contre 10 en 1985), Lille (12 contre 26 en 1963), Strasbourg (15 contre 30 en 1952 et 1965), Lyon (7 contre 25 en 1953) ou Bordeaux (4 contre 9 en 1956 et 1987).
« La variabilité interannuelle de l’enneigement est très grande », observe Pierre Etchevers, directeur du Centre d’étude de la neige (CEN) de Grenoble. Celui-ci dispose d’une série continue de mesures réalisées depuis 1960 au col de Porte, à 1 320 mètres d’altitude, dans le massif de la Chartreuse. Elle fait apparaître une alternance d’hivers fortement ou au contraire faiblement enneigés, dont la succession semble purement aléatoire.
Il s’en dégage toutefois une tendance globale à la baisse. En quarante ans, la hauteur de neige au col de Porte, mesurée sur les dix derniers jours de février, a diminué de plus d’un tiers, passant de 1,5 m à moins de 1 mètre.
En faisant tourner des modèles d’évolution du manteau neigeux en fonction des paramètres météorologiques, les chercheurs grenoblois ont pu reconstituer l’enneigement des massifs alpins depuis la fin des années 1950. « Dans les Alpes du Nord, le niveau de l’enneigement est resté stationnaire jusqu’à la fin des années 1990, puis une diminution marquée apparaît, décrit Pierre Etchevers. Dans les Alpes du Sud, la diminution la plus marquée date des années 1960, puis des années 1980. »
Cette raréfaction de l’or blanc est clairement corrélée à la hausse des températures qui, sur la même période, ont augmenté de 1 à 3 0C sur les reliefs alpins. Au col de Porte, la température hivernale moyenne s’est ainsi élevée de 2 0C en quarante ans.
Qu’en sera-t-il dans les prochaines décennies ? Le réchauffement climatique annonce-t-il la disparition des neiges hivernales ? Pour le savoir, les chercheurs ont repris leurs modèles et les ont appliqués à 34 massifs des Alpes et des Pyrénées, en supposant une hausse de 2 0C de la température de l’air. Leurs calculs prévoient deux comportements différents du manteau neigeux selon l’altitude. Au-dessus d’une ligne située entre 2 000 et 2 500 m, l’effet du réchauffement serait faible en hiver, mais la fonte printanière serait plus précoce et plus rapide.
En moyenne montagne, en revanche, le coup de chaud aurait un impact important. Vers 1 500 m, la saison blanche serait écourtée d’au moins un mois et la couche de neige fondrait comme peau de chagrin.

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Source : www.lemonde.fr

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