Procès Sarkozy : reconnu coupable de corruption, pourquoi ne va-t-il pas en prison ?
La Rédaction, Mis à jour le 17 Mai 2023 18:43
Procès Sarkozy : reconnu coupable de corruption, pourquoi ne va-t-il pas en prison ? SARKOZY. Nicolas Sarkozy a a été jugé coupable de corruption et de trafic d'influence. Condamné à trois ans de prison, dont un ferme, il n'ira pas derrière les barreaux et prévoit de se pouvoir en cassation.
[Mis à jour le 17 mai 2023 à 18h43] Nouveau procès mais même verdict pour Nicolas Sarkozy. L'ancien président de la République a à nouveau été déclaré coupable de "corruption active sur magistrat et trafic d'influence active sur personne dépositaire de l'autorité publique" par la Cour d'appel de Paris. Une décision rendue ce mercredi 17 mai 2023 à l'issue du procès en appel dans l'affaire des "écoutes", aussi connue sous le nom de l'"affaire Paul Bismuth". Un dossier très médiatisé dans lequel Nicolas Sarkozy est accusé d'avoir, lorsqu'il était locataire de l'Elysée, usé de son pouvoir auprès d'un magistrat (Gilbert Azibert) pour obtenir des éléments sur une enquête en cours le visant, en échange d'un poste prisé, à Monaco. Son avocat Thierry Herzog a fait l'intermédiaire.
Jugé coupable, Nicolas Sarkozy a été condamné à la même peine qu'en première instance. Un verdict qui ne convient pas au prévenu, ni à son avocate, Me Laffont, qui a assuré aller "jusqu'au bout" dans cette affaire. Il faut comprendre que l'ancien chef de l'Etat va se pourvoir en cassation pour revenir sur la décision en appel. L'avocate a soutenu au micro de BFMTV qu'il y a un "problème de droit sérieux depuis le premier jour dans cette affaire" pointant du doigt "l'absence totale de preuves" et l'irrecevabilité des écoutes pourtant inscrites parmi les pièces du dossier. Le camp Sarkozy dénonce l'utilisation d'enregistrements de conversation entre l'ancien chef de l'Etat et son avocat Thierry Herzog qui relèvent du secret professionnel, ce qui constitue à leurs yeux une atteinte à un principe fondamental. La Cour de cassation sera amenée à statuer sur ce point et à, en fonction, confirmer ou casser le verdict en appel. Conséquence : la condamnation pourrait être maintenue ou annulée.
Pas de prison mais un bracelet électronique pour Sarkozy ?
La Cour d'appel de Paris a ainsi prononcé une peine de trois ans de prison, dont un an ferme. Le délibéré va au-delà des réquisitions puisque seuls trois ans de prisons avec sursis avaient été requis. La peine prononcée est similaire à celle en première instance. Pour autant, Nicolas Sarkozy ne va pas aller en prison. En effet, la durée de la peine de prison ferme qui a été prononcée n'entraîne pas une mise sous écrous. Elle est aménageable et sera purgée par le port d'un bracelet électronique, à son domicile. Par ailleurs, l'ex-chef de l'Etat s'est vu priver de ses droits civiques pour trois ans.
Cependant, il est à noter que l'exécution provisoire du jugement n'a été prononcée. Cela signifie donc que tant qu'une condamnation définitive, sans plus aucun recours judiciaire derrière, n'a été prononcée, la peine ne s'applique pas. Comme prévu, Nicolas Sarkozy a annoncé se pourvoir en cassation et ne portera donc pas, d'ici là, de bracelet électronique. La décision rendue ce 17 mai est suspendue.
De leur côté, Thierry Herzog et Gilbert Azibert ont été condamnés à trois ans de prison, dont un ferme, une peine là aussi purgée avec le port d'un bracelet électronique au domicile. Trois ans d'interdiction d'exercer la profession d'avocat ont été prononcés contre Thierry Herzog et Gilbert Azibert s'est vu priver de ses droits civiques pour la même durée. Mais avec leur pourvoir en cassation, il en est de même que pour Nicolas Sarkozy : les peines ne sont pas (encore ?) appliquées.
Dans ses explications, la présidente Sophie Clément a indiqué que "la cour considère que ces faits sont d'autant plus graves qu'ils ont été commis par un ancien Président de la République (…) qui a été le garant de l'autorité judiciaire" et que Nicolas Sarkozy "avait le devoir d'être un citoyen respectueux de la loi. Or, il s'est servi de son ancien statut de Président de la République (…) pour servir son intérêt personnel."
L'affaire des ecoutes
Qu'est-ce que l'affaire "des écoutes" ?
L'affaire des "écoutes" a débuté à la fin de l'année 2013. A l'époque, la justice enquête sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle victorieuse de Nicolas Sarkozy en 2007. Les juges décident alors de mettre l'ancien président sur écoute, mais s'aperçoivent qu'il discute avec son avocat, Me Thierry Herzog, par le biais d'une autre ligne, via un deuxième téléphone avec une puce prépayée, ouverte sur le nom de Paul Bismuth. Cette ligne "occulte" est mise sur écoute en janvier 2014.
En analysant ces écoutes, les magistrats découvrent que les deux hommes semblent être au courant d'informations qui sont pourtant couvertes par le secret de l'instruction Au total, 19 conversations entre l'ancien chef d'Etat et son avocat sont recensées par les juges. Au cours de leurs échanges, ils évoquent à plusieurs reprises un contact du nom de "Gilbert" qui travaille à la Cour de cassation. Il s'agit de Me Gilbert Azibert, qui est alors premier avocat général auprès de la Cour de cassation.
A l'époque, la Cour de cassation doit rendre une décision attendue au sujet de la saisie des agendas présidentiels de Nicolas Sarkozy dans le cadre de l'affaire Bettencourt. L'ancien chef d'Etat est alors poursuivi pour "abus de faiblesse" sur Liliane Bettencourt, rappelle Franceinfo. Nicolas Sarkozy bénéficie finalement d'un non-lieu dans cette affaire, mais maintient son pourvoi en cassation afin que les informations contenues dans ses agendas présidentiels ne puissent réapparaître dans d'autres procédures judiciaires.
Lors d'une conversation entre Me Thierry Herzog et Nicolas Sarkozy, les deux hommes évoquent un service que l'ancien chef d'Etat pourrait rendre à Gilbert Azibert. "Il m'a parlé d'un truc sur Monaco", indique l'avocat à l'ancien président de la République. Ce "truc sur Monaco" est en fait un poste au Conseil d'Etat dans la principauté. La justice soupçonne donc Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog d'avoir tenté d'obtenir des informations, voire d'avoir essayé d'influencer la décision de la Cour de cassation sur les agendas présidentiels, par le biais de Gilbert Azibert, en échange d'un poste honorifique pour l' ex-magistrat.
Comment Nicolas Sarkozy s'est-il défendu ?
Nicolas Sarkozy a toujours réfuté avoir scellé un quelconque "pacte de corruption" -tels les termes utilisés lors de sa condamnation en première instance-, évoquant simplement un "coup de pouce". "J'ai passé ma vie à faire ça", a-t-il asséné à la barre. Au début du procès en appel, le sexagénaire avait affirmé, dans un propos liminaire : "Je n'ai jamais corrompu qui que ce soit. C'est une corruption étrange, sans argent, pas un centime pour qui que ce soit, sans avantage et sans victime. Personne n'a été lésé."
A la barre, Nicolas Sarkozy a donc non seulement contesté les chefs d'accusation retenus à son encontre mais, surtout le fait d'avoir été placé sur écoute lors de ses conversations avec son avocat. "Le PNF a indiqué que j'avais un comportement de délinquant chevronné. De délinquant chevronné ! De délinquant chevronné, madame ! Tout ça parce que j'avais utilisé un portable dédié. Depuis, la cour d'appel d'Aix a estimé que c'était tout à fait légitime...", a-t-il clamé, citant un arrêt rendu par la magistrate qui l'avait condamné en première instance dans cette affaire.
Nicolas Sarkozy condamné en première instance
En mars 2021, Nicolas Sarkozy a été condamné à trois ans de prison, dont un an ferme, dans l'affaire des "écoutes" pour "corruption et trafic d'influence" par le tribunal correctionnel de Paris. Il a par la suite fait appel de la décision. A l'époque, le tribunal avait estimé qu'un "pacte de corruption" avait été conclu entre Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog et Gilbert Azibert. Christine Mée, présidente de la 32e chambre correctionnelle de Paris, avait alors déclaré que Nicolas Sarkozy s'était "servi de son statut d'ancien président pour gratifier un magistrat ayant servi son intérêt personnel" dans des déclarations rapportées par Le Monde.
Thierry Herzog a également été reconnu coupable de "corruption active" et de "violation du secret professionnel", et a été condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis, assortis d'une interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant cinq ans. Gilbert Azibert a de son côté été déclaré coupable de "corruption passive" et de "recel de violation du secret professionnel", et a été condamné lui aussi à trois ans de prison dont deux avec sursis. L'avocat comme le haut magistrat avaient tous les deux fait appel de la condamnation.
Sarko n'ira pas en prison
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La Raison c'est la folie du plus fort. La raison du moins fort c'est de la folie.
[Eugène Ionesco]
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