Centralisation de la Presse à Paris. Et si ca changeait?

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Centralisation de la Presse à Paris. Et si ca changeait?




par Christophe » 04/04/11, 18:09

Non non c'est pas un appel à la révolution style printemps arabe, mais un appel à la reflexion sur la décentralisation parisienne de ("grande") Presse française...

Et si on faisait exploser les rédactions ?

Les journaux nationaux vont mal ? Et s'il était temps de les révolutionner en les faisant véritablement exploser ? En les installant à travers les grandes villes françaises et pas seulement Paris.

Voila une proposition qui me vaudra peut-être une réputation de terroriste, mais ce serait mal me comprendre. Car lorsque je propose de faire exploser les rédactions des quotidiens, je ne pense ni au plastique ni à la dynamite, mais à une décentralisation radicale.

Tous les quotidiens nationaux français sont situés dans une seule et même ville : Paris. Et la quasi-totalité des effectifs de ces rédactions y sont aussi regroupés.

Pourquoi ? Quelle en est la raison véritable, la justification qui expliquerait objectivement cette sur-concentration journalistique ? Le nombre de lecteurs potentiels ? Selon l'Insee, la ville de Paris représente un peu peu moins de 2,2 millions d'habitants, soit à peine plus de 3% de la population du pays… Serait-ce parce que l'actualité du pays se fait à Paris ? L'actualité politique, oui, en partie, mais en partie seulement. Et pour suivre l'actualité des ministères et des deux chambres de l'assemblée, les quotidiens nationaux ont-ils vraiment besoin de l'intégralité de leurs rédactions ? La réponse va de soit. La culture (si, si, il y a de nombreux théâtres et autres salles de concerts dans les régions), et le reste de l'actualité en général peut tout aussi bien être traité depuis n'importe quelle capitale régionale, Lille, Lyon, Marseille ou Bordeaux. Les grands mouvements de société que les journalistes tentent de comprendre, de vérifier et d'expliquer se déroulent aussi bien dans le reste de la France qu'à l'intérieur du périphérique parisien. Et peut-être même plus tant Paris est une ville aux problématiques spécifiques n'ayant, dans bien des aspects, pas grand chose à voir avec ce qui se passe dans le reste de la France.

Le Monde, Le Figaro, Libé… Des quotidiens parisiens ou nationaux ?

La France est un pays extrêmement centralisé, et les quotidiens nationaux en sont le reflet. La tête est à Paris, toujours, et les yeux ne sautent le périphérique que s'il se passe quelque chose d'exceptionnel. Ce phénomène n'est sans doute pas pour rien dans la faiblesse des ventes des quotidiens nationaux en France (moins de 1,7 millions d'exemplaires chaque jour, source OJD) :

- Le Figaro : 330 237exemplaires par jour
- Le Monde : 319 022
- Aujourd'hui en France : 173 576
- Les Echos : 120 444
- Libération : 118 717
- La Croix : 106 151
- La Tribune : 79 164
- France Soir : 77 106
- L'Humanité : 51 010

Comment les 45 millions de Français de plus de 20 ans, en âge d'acheter un quotidien donc, et qui vivent ailleurs qu'à Paris, pourraient se retrouver dans des journaux pensés, élaborés et réalisés presque entièrement depuis Paris ? Chaque territoire à son identité propre, ses particularités, ses problématiques qui sont souvent à 100 lieues de ce que traitent les quotidiens nationaux. Comment des journaux dont la quasi intégralité des équipes rédactionnelles sont basées dans une seule et même ville peuvent-ils capter la diversité d'un pays, ses problématiques et intéresser les lecteurs de ces régions ?
Le Monde ne serait-il pas plus représentatif de la France si sa rédaction était installée à Paris, mais aussi à Lille, Lyon, Bordeaux, Marseille et Nantes par exemple ? Bien sûr, ces journaux disposent de correspondants dans les régions, qui font aussi bien leur travail que leurs collègues parisiens. Mais ils n'ont que peu voix au chapitre, hélas. Comment faire passer un sujet seul depuis Lyon, lorsque la réunion de rédaction se tient chaque jour à Paris avec l'ensemble des autres rédacteurs en chef ? Le résultat se retrouve dans les pages des journaux où l'actualité "parisienne" est sur-représentée. Il ne s'agit donc pas d'avoir des correspondants, mais bien d'y installer une partie importante de la force de frappe éditoriale.

ENA et journalistes, même combat ?

Si cette décentralisation était très compliquée hier (mais pourtant faisable comme le prouvent les quotidiens nationaux italiens ou allemands qui ne sont pas tous installés dans la capitale), elle est techniquement possible aujourd'hui. De très nombreuses entreprises, à l'organisation sans doute plus complexe que celle d'un journal, travaillent aujourd'hui sans problème de façon décentralisée.
Répartir une rédaction nationale en plusieurs cellules installées dans les capitales régionales serait une révolution organisationnelle et surtout humaine. Les journalistes sont-ils prêts à quitter Paris ou seraient-ils atteints du même syndrome que les étudiants et professeurs de l'ENA qui ont longtemps trainé des pieds pour éviter d'aller vraiment à Strasbourg ? On peut se poser la question tant nombre de mes collègues peuvent souvent se montrer dédaigneux de ce qui n'est pas parisien. Allez, camarades, n'ayez pas peur, passez le périphérique, vous verrez, on y survit, on parvient même à y travailler et les loyers sont nettement moins fous !

Un tel pari serait audacieux et mettrait fin à cette particularité très française de regrouper l'intégralité des quotidiens nationaux dans la capitale administrative du pays. Se rapprocher de ses lecteurs, c'est souvent efficace pour les intéresser un peu plus à ce qu'on écrit... A moins qu'il ne soit déjà trop tard.


Source: http://www.erwanngaucher.com/RSS,0.media?a=602
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