Un très bon article de
Jean Marc Jancovici sur le concept très douteux de
"développement durable":
A quoi sert le développement durable ?
Les modes sont des facteurs puissants pour guider le comportement des représentants de notre espèce. Que les résultats en aient été heureux ou malheureux, le propre de la mode a toujours été de substituer l’émotion à la réflexion, et de remplacer l’analyse par le mimétisme. Cela a bien sûr valu pour les idées encore plus que pour les objets.
Aujourd’hui, l’unes des idées très à la mode est la notion de « développement durable », imparfaite traduction du terme anglais « sustainable development » (développement « soutenable »), et qui se définit comme « un développement qui satisfait les besoins de la génération actuelle sans compromettre ceux des générations futures ».
Cela part assurément d’un bon sentiment de souhaiter l’épanouissement de tout le genre humain, présent et à venir, partout et tout le temps, mais l’existence d’un tel concept est-il d’un quelconque intérêt pratique pour mieux y parvenir ? Permet-il de déboucher sur un projet de société particulier, ou de tracer des voies particulières pour l’avenir ? A bien y regarder, cela n’est hélas pas le cas : cette définition n’a malheureusement aucune portée opérationnelle, en ce sens qu’elle ne fournit de réponse objective ou d’aide à la décision pour aucune des deux questions précédentes.
Parlons environnement, tout d’abord : le développement durable nous aide-t-il à fixer des limites à notre empreinte sur la planète ? Non : il est parfaitement impossible de faire correspondre à la définition du « développement durable » un état particulier du monde physique, car personne ne sait définir les besoins des générations présentes de manière univoque, et donc la quantité de ressources nécessaires qui y correspond. Avons nous « satisfait nos besoins » depuis que notre espérance de vie a dépassé 40 ans ? Où faudra-t-il attendre que chacun d’entre nous vive 120 ans pour que nous nous estimions repus ? Avons nous « satisfait nos besoins » lorsque nous disposons de 10 m² chauffés par personne, ou cela sera-t-il le cas uniquement quand tout terrien disposera de 150 m² chauffés, plus un jacuzzi et un sauna privé par personne ? Avons nous satisfait nos besoins lorsque chaque terrien dispose de 0,5 tonne équivalent pétrole d’énergie (niveau d’un Indien, en gros), ou est-ce 7 tonnes équivalent pétrole par habitant de la planète (niveau d’un Américain) qui correspond à cet état de plénitude ?(...)
Un passage très pertinent:
Les 17 objectifs du développement durable de l’ONU. Tout objectif de la liste est antagoniste à au moins un autre objectif de la même liste. Par exemple, éradiquer la pauvreté (objectif 1) suppose que les revenus monétaires augmentent (ce qui est aussi nécessaire pour les objectifs 8, 9 et 10), donc le PIB, donc la production, or cela augmente par ailleurs les pollutions de toute nature, la pression sur les écosystèmes, et l’augmentation de la consommation d’énergies non renouvelables, puisque c’est précisément l’énergie fossile qui a permis la croissance économique (objectifs 12, 13, 14, et 15).
De même, maintenant que nous sommes 7,5 milliards, améliorer la santé (objectif 3) augmente la taille de la population et donc augmente la pression sur l’environnement (par exemple les populations animales en Afrique disparaissent à mesure que la population y augmente, et c’est mécanique, puisque les hommes et les animaux sont en compétition pour la même terre pour se nourrir), etc etc.
En l’état actuel, ces objectifs du DD nous poussent donc à faire l’exact inverse de ce que doit faire un gestionnaire en univers contraint : réfléchir à la gestion de ses priorités. C’est une incitation à l’insouciance, alors que la question du jour est de savoir ce que nous acceptons d’abandonner pour préserver le reste !
La suite ici:
https://jancovici.com/transition-energetique/choix-de-societe/a-quoi-sert-le-developpement-durable/
"Le Génie consiste parfois à savoir quand s'arrêter" Charles De Gaulle.