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Covid-19 : l'hydroxychloroquine a-t-elle causé la mort de 16.000 personnes durant la première vague ?

Publié le 24 juin 2022 à 14h09

Source : TF1 Info

Une étude française estime aujourd'hui que l'hydroxychloroquine a causé pas moins de 16.000 décès à travers 8 pays, dont la France.
Les auteurs restent prudents quant à la précision de leurs résultats, mais mettent en avant une surmortalité due à ce traitement.

Lorsque l'épidémie de Covid a débuté en Europe et dans le monde, les scientifiques ont exploré des pistes variées afin de tenter d'isoler un traitement efficace réduisant les risques pour les malades. C'est ainsi que du côté de Marseille, le Pr Didier Raoult a défendu bec et ongles une molécule bien connue, l'hydroxychloroquine, souvent associée à de l'azithromycine. Après de longs mois et une série d'études sérieuses, l'efficacité d'un tel cocktail médicamenteux a été écartée, si bien que les médecins qui continuent aujourd'hui à défendre ce traitement sont devenus très minoritaires.

Si l'on en croit certaines publications, l'hydroxychloroquine aurait même eu un effet inverse à celui escompté dans le cadre de l'épidémie. Plusieurs chiffres ont circulé sur les réseaux sociaux, évoquant entre 9000 et 16.000 décès rien que lors de la première vague. On fait le point.

Un chiffrage réévalué par les chercheurs français

À travers 8 pays, l'hydroxychloroquine aurait causé pas moins de 16.274 décès. Ce nombre, repris assez largement et critiqué par les militants hostiles à la vaccination, provient de travaux menés par des chercheurs de l’université de Lyon. Leurs conclusions, présentées au congrès de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT), ont ensuite fait l'objet d'une reprise par l'agence APMnews, spécialisée dans l'information médicale.

Qu'ont cherché à faire les experts français ? "On a voulu reconstruire a posteriori l’impact de la prise d’hydroxychloroquine", a confié au Parisien l’un des auteurs de l'étude, le Pr Jean-Christophe Lega. Un sujet, il le sait, particulièrement "sensible". APMnews a initialement évoqué un autre nombre, indiquant à ses lecteurs que "près de 9500 morts attribuables à l'hydroxychloroquine" avaient été déplorées. Un décalage avec le bilan désormais communiqué et qui s'explique par un réajustement des calculs, ont souligné les chercheurs.

Quelle confiance accorder à ces travaux ? Tout d'abord, il convient d'expliquer qu'ils ont été basés sur les volumes de patients pris en charge jusqu'à juillet 2020, ainsi que sur des mesures de l'utilisation d'hydroxychloroquine au sein des 8 pays passés au crible dans l'étude. Celles-ci varient de manière très significative, allant de 6% à 97%. Partant de là, les experts ont dressé des parallèles avec les taux de mortalité "toutes causes confondues" imputables à l’hydroxychloroquine évalués par chercheurs et qui ont fait l'objet d'une publication dans la revue Nature au printemps 2021. 

Si l'hydroxychloroquine est jugée très utile pour le traitement notamment du lupus, il ressort que dans le cadre d'une utilisation en population générale pour lutter contre le Covid, cette molécule induit un accroissement du risque de mortalité de l'ordre de 11%. Dès lors, les chercheurs ont effectué une série de calculs pour tenter d'évaluer le nombre de victimes imputables à la prise de ce médicament, et qui auraient pu être évitées. 

Une grande prudence affichée

L'essentiel des décès aurait été déploré aux États-Unis, apprend-on. Lors du premier semestre 2020, au cœur de la première vague, entre 115 et 293 personnes auraient péri en France à cause de l'hydroxychloroquine. Les auteurs estiment que leurs conclusions chiffrées à l'échelle mondiale se révèlent très probablement sous-estimées, "en raison du manque de données dans la plupart des pays". 

"On ne cherche pas à produire un résultat exact, on voulait surtout montrer quelles peuvent être les conséquences concrètes lorsque l’on prescrit un médicament potentiellement toxique", tranche le Pr Lega auprès du Parisien. Il reconnaît en effet volontiers qu'effectuer des calculs très précis se révèle impossible. La faute notamment aux informations disponibles quant au nombre de patients s'étant vu prescrire la molécule controversée. Des experts soulignent par ailleurs que le taux de surmortalité retenu pour l'hydroxychloroquine (de 11% comme évoqué plus haut) reste à utiliser avec parcimonie. L'intervalle de confiance pour le définir est en effet très large, entre 2% et 20%.

En résumé, on comprend que le travail des chercheurs français a, en priorité, visé à mettre en avant l'impact potentiel du recours à l'hydroxychloroquine, en cherchant à évaluer de manière assez large la surmortalité que cette molécule avait pu engendrer. Si les chiffres doivent être avancés avec précaution, notons toutefois qu'il ne faut pas oublier une conséquence annexe de la prise de ce traitement. En effet, croyant se sentir à l'abri du danger grâce à la prise de ce médicament ou par le fait qu'il existe en cas de contamination, des patients ont pu se détourner de moyens de prévention plus efficaces, qui auraient pu les protéger de façon bien plus efficace. On pense ici forcément aux vaccins, que nombre de partisans du Pr Raoult et d'opposants à la politique sanitaire du gouvernement ont refusé en bloc durant l'épidémie.

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Thomas DESZPOT

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