La fonte du permafrost, en libérant des gaz à effet de serre, pourrait mettre à mal les efforts entrepris par l’humanité pour limiter le réchauffement climatique, selon une étude publiée dans Nature Geoscience. Mais au-delà du CO2 et du méthane, cette libération des sols gelés présente de nombreux autres dangers environnementaux et sanitaires.

Le permafrost couvre environ 25 % des terres de l’hémisphère Nord. Cela représente 12 à 14 millions de kilomètres carrés ; à comparer aux 10 millions de km² que couvre le Canada. Avec des températures moyennes supérieures de 1°C par rapport à l’ère préindustrielle, le permafrost a commencé à fondre lentement. Or celui-ci abrite des quantités de méthane et de CO2 équivalentes à environ 15 années d’émissions humaines.
Selon cette étude, avec la prise en compte des gaz à effet de serre relâchés par le permafrost, l’objectif de 1,5°C serait déjà hors de portée. "Nous devons nous préparer à l’éventualité que nous ne puissions peut-être jamais revenir à des niveaux plus sûrs concernant le réchauffement", avertit Thomas Gasser, chercheur à l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués en Autriche.
Le permafrost, oublié du GIEC
Le permafrost pourrait connaître ce que les scientifiques appellent un point de basculement : au-delà d’une certaine hausse des températures, il continuera à fondre et à relâcher des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, peu importe la baisse des émissions. "Il existe le danger que, plus nous allions de l’avant, plus nous risquions de déclencher des phénomènes que nous ne comprenons pas", avertit le scientifique.
"Les projections les plus pessimistes du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) avec un réchauffement à 4 ou 5 °C n’incluent pas les processus de dégel du pergélisol", prévenait déjà Florent Dominé, directeur de recherche au CNRS, spécialiste des interactions neige-climat-pergélisol. "Chaque année, on découvre de nouvelles rétroactions positives qui modifient les dynamiques thermiques en cours", explique le chercheur du CNRS.
Preuve en est, le 5 septembre dernier, dans la Geophysical Research Letters, des chercheurs de l’université d’Alberta au Canada ont mis en évidence que les eaux de fontes du pergisol drainent de l’acide sulfurique. Celui-ci participe à l’érosion des roches sous-jacentes qui, elles-mêmes, piègent du dioxyde de carbone. L’étude ne permet pas encore de savoir quel sera l’impact de cette érosion sur les émissions de CO2.
Les plus grandes réserves de mercure
Mais le permafrost ne cache pas que des gaz à effet de serre. En février dernier, une étude, publiée dans le National Snow and Ice Data Center, mettait en évidence des stocks de mercure deux fois plus importants dans le permafrost que sur le reste de la Terre. 863 millions de kilogrammes se trouvent dans cette couche superficielle du sol. Avec le dégel, ce métal va finir, au moins en partie, dans les océans et contaminer toute la chaîne alimentaire.
Auparavant, entre 2013 et 2015, quatre types de méga-virus, des virus au matériel génétique surdimensionné, ont été découverts dans la glace. Ils étaient enfermés depuis des dizaines de milliers d’années. Leur réactivation interroge sur la santé humaine. En 2014, dans le journal du CNRS, Didier Raoult, spécialiste des maladies infectieuses, expliquait que "plusieurs études montrent un lien entre des pneumonies et la présence de Mimivirus (un méga-virus, ndr) chez des patients. Et il n’est pas impossible que d’autres virus géants se révèlent eux aussi pathogènes".
Ludovic Dupin @LudovicDupin

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