Après des mois de bataille juridique et médiatique, Elon Musk a voulu éviter le procès qui devait s’ouvrir pour l’obliger à tenir sa promesse d’achat de Twitter à 44 milliards de dollars. La plus grosse fortune du monde est devenue officiellement propriétaire du réseau social. Il dit vouloir le faire au nom de la liberté d’expression, a pris possession des locaux et a aussitôt viré le trio de direction dont la directrice juridique qui a banni Donald Trump de Twitter. Elle est devenue en quelques heures la cible d’une campagne de haine. Peu probable que le nouveau "Chief Twit" mette un frein à ce genre d’excès. 

Fin de partie boursière pour Twitter, dont Elon Musk est officiellement devenu propriétaire le 27 octobre 2002 après une longue séquence médiatique et juridique. Il a préféré effectuer le rachat du réseau social à l’oiseau bleu au prix convenu (44 milliards de dollars), qu’affronter le procès qu’avaient intenté les dirigeants de Twitter pour l’obliger à tenir sa promesse sur laquelle il était revenu. Fidèle à son style "cool" Elon Musk a pris possession des locaux en faisant un peu de déménagement.


Il a affirmé avoir libéré l’oiseau bleu et s’est rebaptisé sur son profil Twitter "Chief Twit" – ce que l’on pourrait traduire par "crétin en chef". Côté ressources humaines, la rumeur évoque le licenciement de 75% des 7 500 salariés du groupe. Elon Musk a commencé par virer sur le champ les dirigeants du réseau social dont la directrice juridique, Vijaya Gadde, responsable de l’éviction de Donald Trump. Elle a aussitôt été l’objet d’une campagne de haine sur Twitter par les fans de Trump, qui se réjouissent de voir disparaitre celle qu’ils appellent "la grande inquisitrice".
Cette nouvelle campagne résume l’essentiel des craintes que la reprise en main par Elon Musk de Twitter, sous couvert de liberté d’expression, fait peser sur la qualité des échanges sur le réseau. Pour rappel, le lanceur d’alerte Peiter Zatko, dit Mudge, ancien directeur de la sécurité de Twitter, a saisi les régulateurs américains début 2022 pour les alerter sur les failles de sécurité du réseau qui laissent proliférer les faux comptes permettant la diffusion massive de désinformation. 

Les GAFAM n’ont plus la cote


La défense de la liberté d’expression selon Musk s’apparente plus à la vision américaine selon laquelle tout peut être dit, y compris n’importe quoi ! L’inquiétude est renforcée par le fait que le rachat de Twitter n’est pas une aubaine financière pour le propriétaire de Tesla et de SpaceX. Les valeurs tech ne sont plus les reines des indices boursiers. Côté GAFAM, Microsoft a décroché sur un an avec -30 %, Amazon 35,6%, Google 36,7% en un an, et Facebook fait pire sur la période avec -70% de valeur boursière. Apple, qui ne fonctionne pas sur le même modèle limite ses pertes : -5 % sur la même période.
Leurs performances boursières passées ont pour principale conséquence d’avoir donné des fortunes spectaculairement considérables à une poignée d’hommes – Elon Musk, Jeff Bezos ou Mark Zuckerberg – ainsi qu’un pouvoir colossal. Corentin Sellin, professeur agrégé d’histoire et spécialiste des États-Unis explique sur Twitter de quelle façon ces derniers sont en capacité de transformer la démocratie américaine en ploutocratie. Il écrit : "La puissance financière quasiment sans limites de ces milliardaires est le résultat d’un processus dérégulé (évasion fréquente des impôts étatiques pour ces immenses fortunes et/ou leurs firmes) et d’accumulation inégalitaire des richesses. Ils ont la capacité de réinvestir ces fortunes dans le financement politique aux États-Unis et/ou le rachat de médias. La puissance de milliardaires comme Elon Musk sur les États dépositaires de l’intérêt public chargés de les réguler est quasi illimitée d’autant plus qu’ils sont souvent en relation commerciale avec eux comme SpaceX avec la NASA."


Le poids des réseaux sociaux dans les scrutins démocratiques est de plus en plus déterminant. L’extrême-droite, partout dans le monde, s’appuie dessus pour progresser. Jair Bolsonaro par exemple y a investi 12 millions d’euros pour sa campagne de second tour. S’il est réélu au Brésil, ce sera une preuve des résultats de la "liberté d’expression" telle que la défend Elon Musk. Elle est en fait un boulevard pour les vérités alternatives qui perturbent la construction de l’opinion publique et, in fine, conduisent au pouvoir des clones de Donald Trump. 
Anne-Catherine Husson-Traore @AC_HT_

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes