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General Electric a annoncé le 16 avril avoir conclu un accord avec Eolien Maritime France (EMF) pour se retirer de deux des trois projets de parcs éoliens offshore portés par ce consortium emmené par EDF.  GE devait initialement fournir 238 éoliennes Haliade de 6MW pour équiper ces parcs qui doivent être implantés sur la façade atlantique au large de Guérande (80 machines, 480 MW), ainsi qu’en Manche dans les secteurs de Fécamp (83 machines, 498 MW) et Courseulles-sur-Mer (75 machines, 450 MW), l’ensemble représentant une puissance de 1428 MW.

GE indique qu’il ne construira finalement que « les turbines Haliade 150-6MW du premier projet éolien en mer qui sera lancé dès que ses autorisations seront purgées de recours ». Ce parc, on ne sait pas encore duquel il s’agira, même s’il semblait ces dernières semaines que celui de Guérande paraissait devoir sortir en premier du calvaire administratif et juridique que ces projets connaissent depuis leurs débuts. Quant aux deux projets qui ne seront pas fournis par GE, EMF a conclu un accord avec Siemens-Gamesa, qui produira des machines de 6 MW dans sa future usine du Havre, où doivent être réalisées les éoliennes de 8 MW destinées aux parcs de Saint-Brieuc, Noirmoutier-Yeu et Le Tréport, soit 62 machines chacun (62 machines, 496 MW).

Neuf ans d’attente et toujours aucune décision

Comme le projet de Saint-Brieuc, porté par Ailes Marines (Iberdrola, RES et la Caisse des Dépôts), les trois parcs d’EMF ont pour mémoire été attribués en 2012 à l’issue d’un premier appel d’offres lancé par le gouvernement français pour le développement de l’éolien offshore.

Cela fait donc neuf ans maintenant et aucune éolienne n’a encore été érigée au large des côtes hexagonales. Une situation ubuesque dénoncée par les élus locaux et bien sûr les industriels, qui ont investi énormément d’argent dans ces dossiers et veulent maintenant les voir se concrétiser. Avec sous-jacent les enjeux liés à l’émergence de cette nouvelle filière, les retards ayant clairement entrainé une démobilisation de nombreuses entreprises et l’attentisme, pour ne pas dire le scepticisme, d’un certain nombre d’acteurs, notamment au sein des PME, qui ne peuvent se permettre d’attendre indéfiniment.

De premières productions limitées à l’export

Du côté des grands industriels, ce contexte est très compliqué à gérer, surtout pour ceux qui ont lourdement investi dans des moyens dédiés. C’est le cas de GE qui, à l’époque d’Alstom, a inauguré en 2015 une grande usine de fabrication de turbines et de nacelles à Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire. Un pôle industriel de premier plan conçu pour produire 100 Haliade de 6 MW par an, capacité calée initialement sur les besoins des parcs français pour son lancement puis sur l’appoint de contrats à l’export.

Quatre ans après son ouverture, l’usine est bien loin des objectifs fixés à son lancement. En 2016, cinq machines ont été produites pour le champ américain Block Island, une autre étant livrée à EDF Energies Nouvelles pour le site d'essais en mer d’Osterild, au Danemark. Montoir a également sorti en 2017 trois nacelles pour un parc pilote au large de la province chinoise du Fujian (projet Xinghua Gulf). Puis a enchainé sur son premier contrat pour une ferme commerciale, en l’occurrence le parc allemand Merkur, qui comprend 66 Haliade. Les machines ont été installées en 2018 en mer du Nord.

L’avenir n’est plus au 6 MW mais à des puissances plus fortes

Aujourd’hui, l’entreprise doit faire des choix stratégiques. Et, alors qu’on attend depuis des mois les ultimes décisions du Conseil d’Etat sur les premiers projets de parcs français, GE a tranché. En 2012, lorsque le prototype de l’Haliade de 6 MW a été réalisé, il s’agissait de la plus puissante éolienne offshore du monde. Depuis, le marché et la technologie ont considérablement évolué et les nouveaux parcs sont désormais orientés vers des machines de plus de 8 MW. C’est pourquoi GE a lancé en 2018 un vaste programme d’investissement de 400 millions de dollars sur cinq ans afin de développer une nouvelle éolienne. Il s’agit de l’Haliade-X, d’une puissance de 12 MW, au plus haut niveau du marché. Pour l’industriel, ce n’est plus la 6 MW qui représente l’avenir mais bien cette nouvelle machine de très forte puissance, sur laquelle il a décidé de concentrer ses moyens.

D’où ce retrait de deux des trois parcs français d’EMF, dont les études remontent bientôt à une décennie mais qu’il n’est pas possible de modifier, par exemple avec moins d’éoliennes mais des turbines plus puissantes, non seulement du fait du coût d’études supplémentaires, mais surtout en raison du risque de devoir reprendre une interminable procédure.

GE participera néanmoins au lancement du premier projet français qui sera purgé de recours. Il aurait pu éventuellement s’en désengager également, mais l’enjeu ici est de ne pas retarder encore la construction du premier parc hexagonal, aucune alternative n’étant à ce jour possible pour la production en France de machines puisque l’usine havraise de Siemens-Gamesa n’est pas encore sortie de terre.

Priorité à l’Haliade-X, dont les prototypes sont en construction

GE va donc jouer le jeu sur un projet, mais pas plus. Car pour la suite, c’est-à-dire à horizon deux ans, GE mise clairement tout sur sa nouvelle Haliade-X. Deux prototypes sont actuellement en cours de production à Montoir, où leur achèvement est prévu cet été. Le premier consistera en une nacelle avec sa turbine, sans pale ni mât. Elle sera testée sur le site d’essais britannique ORE Catapult de Blyth, où la machine sera « torturée » afin notamment d’éprouver son comportement en conditions extrêmes. Le second prototype de l’Haliade-X sera quant à lui une éolienne complète, avec son mât et ses trois pales longues de 107 mètres réalisées à Cherbourg par LM Windpower. Cette filiale de GE achève en ce moment la fabrication de la première de ces pales géantes. Le prototype complet d’éolienne sera installé à Rotterdam, où il sera testé pendant un an en vue d’obtenir ses certificats permettant sa mise sur le marché. A ce jour, GE prévoit de lancer la production en série de l’Haliade-X en 2021, sachant que le groupe répond actuellement à de nombreux appels d’offres avec cette nouvelle machine, pour un total de 10 GW de puissance.

Réduction des effectifs en attendant une remontée en puissance

En attendant de décrocher ses premiers contrats avec sa 12 MW de nouvelle génération, GE poursuit son développement dans ses bureaux d’études de Nantes. Mais la charge de travail, compte tenu notamment des retards pris par les projets français, n’est pas suffisante. L’industriel a donc décidé d’initier un plan de départs volontaires sur 80 postes, sachant que le site nantais emploie aujourd’hui 268 personnes. Quant à Montoir, qui a employé jusqu’à 400 salariés et sous-traitants, les équipes de GE comptent actuellement 120 personnels, la seule production aujourd’hui étant celle des prototypes d’Haliade-X. Une activité de support, notamment pour les éoliennes déjà livrées, s’y ajoute. Mais la production en série ne reprendra pas avant un bon moment, même pour les 6 MW. En effet, si le Conseil d’Etat donne son feu vert demain, il faudra pour relancer la machine entre 10 et 12 mois, le temps pour l’usine de se réapprovisionner en pièces et matières premières. Enfin, même si GE se concentre désormais sur l’Haliade-X, le groupe n’exclut pas en plus du premier parc d’EMF de prendre de petites commandes de 6 MW pour compléter sa production en attendant de passer sans doute exclusivement au 12 MW.

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