Interview

«L'homme n'a jamais grimpé aux arbres». Pour Yvette Deloison, l'australopithèque n'est pas notre ancêtre.

par Sylvie BRIET
publié le 23 février 1999 à 23h51

C'est révolutionnaire et simple: l'australopithèque n'est pas

l'ancêtre de l'homme. C'est un primate bipède primitif qui a donné naissance à trois lignées: les grands singes, les hommes et les australopithèques. Yvette Deloison, chargée de recherche au CNRS, également membre de l'équipe d'Yves Coppens, spécialiste de la locomotion

et de la bipédie, en est aujourd'hui convaincue: le primate a marché avant de grimper dans les arbres. Grâce à «Little Foot», aux douze os de pied qu'elle a passés au peigne fin, elle a conforté sa théorie. On savait déjà qu'Australopithecus anamensis, le vieillard de 4 millions d'années découvert au Kenya, était doté d'articulations plus humaines que Lucy, plus jeune avec 3,2 millions d'années. Le nouveau squelette sud-africain, également plus vieux que Lucy, présente lui aussi des caractères plus «humains»: «Il a une bipédie plus affirmée, explique Yvette Deloison. D'après l'articulation tibia-astragale et l'arrière du calcanéum, le pied ne semble pas avoir été tourné comme chez les grands singes qui s'appuient sur le bord externe. Ce qui confirme que chez les australopithèques, le caractère arboricole s'est développé, alors que je pense que l'homme n'a jamais été arboricole. Pour moi, c'est une évidence depuis des années, mais j'ai étudié le pied d'Afrique du Sud sans idée préconçue.»

Ainsi la façon dont les grands singes marchent, appuyés sur les deuxièmes phalanges des doigts, peut montrer qu'il s'agit d'une nouvelle adaptation à la quadrupédie, car ils avaient un ancêtre bipède. «Il n'y a jamais de retour dans l'évolution, les spécialisations se développent: les cétacés sont devenus aquatiques mais sont restés mammifères, tout comme les chauves-souris lorsqu'elles se sont mises à voler. Un arboricole ne peut donner un bipède, c'est impossible.»

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