Interpol

L'homme d'affaires Ziad Takieddine arrêté à Beyrouth

L'intermédiaire en fuite est doublement poursuivi par la justice française, dans les affaires Karachi et Kadhafi. Il a été arrêté à Beyrouth à la suite d'une notice émise par Interpol.
par Renaud Lecadre
publié le 4 décembre 2020 à 17h15

L’intermédiaire et homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine vient d’être arrêté au Liban suite à un mandat d’arrêt international lancé par la justice française. Une source judiciaire a confirmé ce vendredi l’information de BFM TV. Il est doublement poursuivi pour corruption dans deux affaires de financement de campagnes électorales, celle d’Edouard Balladur en 1995 et celle de Nicolas Sarkozy en 2007.

«Réseau imposé par le pouvoir français»

Dans la première, il a été condamné en juin à cinq ans de prison ferme, et s'était depuis réfugié au Liban. En cause, ses commissions perçues lors de la vente de sous-marins au Pakistan et de matériel militaire en Arabie Saoudite, sous la deuxième cohabitation de la présidence Mitterrand. «Sans utilité démontrée ni justification économique», a pointé le tribunal. Et pour cause : la Direction des constructions navales (DCN), qui fabriquait les sous-marins français, avait déjà arrosé le mari de la présidente pakistanaise et l'Etat-major de la marine locale. Inutile, donc, de graisser d'autres pattes. En Arabie Saoudite, plusieurs dignitaires de la famille royale avaient également été gâtés directement, sans besoin d'intermédiaire. Alors pourquoi rajouter une louche ?

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«Le réseau Takieddine a été imposé par le pouvoir politique français, permettant de faciliter le retour d'une partie des sommes dans le but de financer la campagne électorale d'Edouard Balladur», affirme le jugement correctionnel, sans pour autant pouvoir le démontrer formellement. En cours d'instruction, Ziad Takieddine avait avoué au juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke la remise d'espèces à Matignon, avant de se rétracter à la barre du tribunal.

«Mon rôle consistait à transporter les mallettes»

L'intermédiaire franco-libanais n'est plus à un revirement près – tout ce qui sort de sa bouche, dans un sens ou dans l'autre, est à prendre avec des pincettes. Le plus récent et plus spectaculaire concerne son implication dans l'affaire libyenne, toujours à l'instruction. Après avoir été mis en examen pour corruption, il avait avoué des remises d'espèces à Claude Guéant, bras droit de Nicolas Sarkozy, en vue de la campagne présidentielle de 2007. Avec un luxe de détails : «Mon rôle consistait à transporter les mallettes en avions de ligne. Craignant d'être intercepté à la douane, j'avais prévenu Guéant que si ça arrivait, je dirai d'où vient l'argent et à qui il est destiné. Je n'ai jamais eu de problème, il est probable que Guéant avait donné des instructions.» Avant de se rétracter le mois dernier dans une double interview à Paris Match et BFM TV : «Je reconnais les sommes perçues mais je conteste le but de financement politique.»

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L'enquête pénale a en effet permis de démontrer qu'il avait encaissé six millions d'euros du régime libyen, sur le compte d'une société basée au Liban. Puis de constater la quasi-absence de retraits en cash… Ziad Takieddine aurait donc conservé l'essentiel pour lui. Le chef des services de renseignements libyens, Abdallah Senoussi, son principal donateur de l'époque, aujourd'hui dans une prison locale, interrogé à l'occasion d'une commission rogatoire internationale, s'est dit persuadé d'avoir financé la sarkozie : «Takieddine m'a informé que les sommes ont été reçues, qu'il avait personnellement remis l'argent en espèces à Nicolas Sarkozy, dans son bureau, à plusieurs reprises.» Encore un gros mensonge ?

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