Un pangolin dans une cage, à la suite d'une saisie des autorités indonésiennes, le 25 octobre 2017 à Pekanbaru

Le pangolin fait partie des animaux suspectés d'avoir transmis le virus à l'homme, via un marché de Wuhan.

afp.com/WAHYUDI

Les mystères restent nombreux autour du nouveau coronavirus. L'origine de la pandémie, qui a fait plus de 150 000 morts dans le monde, dont 18 681 en France, en fait partie. Si les scientifiques sont catégoriques sur une origine naturelle du virus, et qu'il a été certainement transmis à l'homme sur un marché de Wuhan par un animal, une chauve-souris, un pangolin ou un serpent, d'autres hypothèses, plus ou moins probables, ont vu le jour ces derniers temps.

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Parmi elles, récemment, la théorie d'une création par accident en laboratoire lors d'une manipulation pour un vaccin contre le VIH a été défendue par Luc Montagnier, prix Nobel de médecine très souvent conspué par la profession. Elle a été largement décriée depuis. L'occasion de revenir sur les différentes suppositions, de la plus probable à la plus farfelue, qui ont émergé à propos de l'origine du virus.

Transmission par un animal

Alors que la piste du patient zéro de la pandémie en Chine est toujours compliquée à remonter, comme le rappelait encore vendredi le site de la radio belge RTBF, difficile d'être certain de l'origine du Covid-19. La première hypothèse, et celle qui est retenue à ce jour par la communauté scientifique, est une origine animale, qu'elle provienne du pangolin, de la chauve-souris ou du serpent.

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Un article publié le 4 avril dans Futura Santé rappelle que le pangolin est considéré comme un élément déterminant dans l'émergence de la maladie, même si les preuves manquent encore. Le nouveau coronavirus est sans doute né chez la chauve-souris, mais les scientifiques pensent qu'il est passé par une autre espèce avant de se transmettre à l'homme via une mutation.

Des chercheurs chinois ont affirmé que cet animal intermédiaire pourrait en effet être le pangolin, petit mammifère à écailles, menacé d'extinction. La communauté scientifique internationale a jugé cette hypothèse plausible, mais elle n'est pas vérifiée.

Sorti d'un laboratoire de Wuhan par accident

De leur côté, les Etats-Unis n'excluent pas que le coronavirus à l'origine de la pandémie provienne d'un laboratoire chinois à Wuhan, et évoquent désormais une "enquête" pour faire la lumière sur son origine. Cette théorie court depuis la publication d'un article en février incriminant deux laboratoires à Wuhan, depuis retiré. Jeudi, le respecté Washington Post reprenait à son tour cette hypothèse, affirmant que l'ambassade des Etats-Unis à Pékin, à la suite de plusieurs visites à l'Institut de virologie de Wuhan, avait alerté à deux reprises, il y a 2 ans, le département d'Etat américain sur les mesures des failles dans ce laboratoire qui étudiait les coronavirus chez les chauves-souris.

Interrogé par Le Point, Richard H. Ebright, professeur de biochimie à l'université Rutgers et directeur du laboratoire de l'Institut Waksman de microbiologie, affirme en effet que "des preuves documentées indiquent qu'un projet sur les nouveaux virus de chauve-souris du Centre de prévention et de contrôle des maladies de Wuhan et de l'Institut de virologie employait des standards de biosécurité et d'équipement de protection individuelle, qui poseraient un haut risque d'infection pour le personnel du laboratoire au contact avec un virus ayant les propriétés de transmission du virus de l'épidémie".

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"Il suffit qu'un chercheur renverse un flacon. Malgré la hotte aspirante, un aérosol se forme et il est infecté sans s'en rendre compte. A la fin de la journée, il quitte le laboratoire, et contamine toute sa famille et ceux qu'il croise", ajoute au Monde Frédéric Tangy, chercheur à l'Institut Pasteur. Le quotidien souligne toutefois que "l'hypothèse d'une origine synthétique du SARS-CoV-2 est écartée. S'il est bien possible de créer de toutes pièces des virus, tous les indices convergent ici vers une origine naturelle de ce nouvel agent infectieux".

Une thèse également réfutée par les autorités chinoises. "De nombreux experts médicaux réputés dans le monde estiment que l'hypothèse d'une soi-disant fuite n'a aucune base scientifique", a déclaré Zhao Lijian, un porte-parole de la diplomatie chinoise, estimant que l'origine du virus devait faire l'objet d'études de spécialistes.

Créé par l'homme en manipulant le virus du VIH

C'est une autre hypothèse qui a fait parler d'elle en France ces derniers jours, via le professeur Luc Montagnier, prix Nobel de Médecine, et qui vient d'une étude indienne publiée début février et rapidement qualifiée de "théorie du complot". Elle avance que le nouveau coronavirus serait issu d'un accident de laboratoire, lors d'une tentative de fabrication d'un vaccin contre le virus du sida.

Une théorie attestée, selon le Nobel, habitué des polémiques et désormais très controversé dans le monde scientifique, par la présence d'éléments du VIH dans le génome du nouveau virus, et même d'éléments du "germe de la malaria", argumente-t-il dans un entretien au site Pourquoi docteur?.

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Elle est vivement contestée par la communauté scientifique. "Si on cherche des séquences courtes de deux ou trois lettres dans des génomes différents, on va forcément les trouver, mais ça ne veut pas dire que les deux génomes sont les mêmes ou que l'un vient de l'autre. Prenez les deux phrases 'je regarde la télévision' et 'je lis un livre' : elles partagent un même mot, 'je', mais elles ne sont pas les mêmes pour autant. On retrouve forcément des mots identiques dans des textes complètement différents", illustre Monsef Benkirane, chercheur au CNRS et directeur de l'Institut de génétique humaine à 20 Minutes.

"Je pense que cela accrédite cette 'fake news' qui circule, c'est-à-dire la théorie du complot, c'est-à-dire le refus de l'évidence", tacle de son côté Jean-Paul Stahl, professeur d'infectiologie au CHU de Grenoble, interrogé par Pourquoi docteur?.

Importé par des militaires américains en Chine

En mars dernier, dans un contexte de fortes tensions entre Pékin et Washington, c'est la Chine qui a relayé, via l'un de ses diplomates, la rumeur comme quoi le virus aurait été importé par les Etats-Unis en Chine. Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a laissé entendre sur Twitter que le nouveau coronavirus, apparu en Chine, pourrait avoir été introduit par l'armée américaine, sans toutefois étayer son affirmation. Zhao Lijian a ainsi repris des théories du complot circulant sur Internet.

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Selon certaines théories circulant sur les réseaux sociaux chinois, la délégation américaine aux Jeux mondiaux militaires, une compétition omnisports disputée en octobre à Wuhan, aurait pu apporter le virus en Chine. A la suite de cette déclaration, Washington avait convoqué l'ambassadeur de Chine aux Etats-Unis.

Une arme bactériologique

Le laboratoire de Wuhan est décidément la cible de nombreux soupçons fantasmés. Dans une interview vidéo datée du 30 janvier 2020 de Francis Boyle à une chaîne YouTube, l'ancien professeur de droit international, auteur de Guerre biologique et terrorisme. Retour sur les attaques terroristes à l'anthrax, défend l'idée de la création du virus comme d'une arme par les chercheurs chinois. Une hypothèse qui s'est vite répandue sur les réseaux sociaux, raconte Le Monde.

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Voilà ce que Francis Boyle déclarait face au journaliste : "A mon avis [les scientifiques de l'institut de virologie de Wuhan] ont fait des recherches sur le SRAS et ont essayé de le renforcer en améliorant ses propriétés fonctionnelles, c'est-à-dire en le rendant plus mortel. En effet, selon le dernier rapport, il [le virus responsable du Covid-19] a un taux de létalité de 15 %, ce qui est plus élevé que le SRAS, et a un taux d'infection de 83%."

Le quotidien souligne que l'institut de virologie de Wuhan a évidemment démenti cette théorie. Si créer des virus fait bien partie du quotidien du travail des chercheurs en laboratoire, selon Le Parisien, d'après le chercheur au CNRS interrogé par 20 Minutes, concernant le coronavirus, "il n'y a aucun doute sur le fait que ce virus n'a pas été fabriqué en laboratoire".

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