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Le glyphosate est-il cancérigène ? La communauté scientifique toujours divisée

L'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a estimé mercredi que cet herbicide, principe actif du fameux Roundup de Monsanto, ne doit pas être considéré comme cancérigène.

Par Enrique Moreira

Publié le 15 mars 2017 à 18:08

Le glyphosate doit-il être considéré comme un pesticide susceptible de déclencher le cancer chez l'humain ? Cette question divise l'Europe depuis plusieurs mois et la communauté scientifique internationale avec elle. L'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a rendu ce mercredi 15 mars ses conclusions attendues par Bruxelles quant à la classification de cette substance herbicide, dont le représentant le plus connu est le Roundup de l'américain Monsanto.

Pour les scientifiques européens, il ne doit pas être classé comme cancérogène. Le rapport de l'ECHA sera ensuite remis "avant les vacances d'été" à la Commission européenne qui pourra alors décider du renouvellement ou non de la licence d'utilisation du glyphosate dans l'UE.

L'annonce de l'Agence européenne des produits chimiques a fait bondir les ONG de défense de l'environnement. Elles lui reprochent notamment d'avoir "rejeté des preuves scientifiques flagrantes de cancers chez des animaux de laboratoire, passant outre les avertissements de plus de 90 scientifiques indépendants, et se basant sur des études non publiques commandées par des producteurs de glyphosate".

Débats au sein des agences scientifiques

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Pour contredire l'ECHA, et demander l'interdiction de cet herbicide, elle s'appuie également sur les conclusions du Centre international de recherches contre le cancer (CIRC), une branche de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Celui-ci a en effet évalué le risque cancérogène du glyphosate comme "probable". Mais cet avis du CIRC, l'agence chargée d'inventorier les causes de cancer, est loin de faire l'unanimité.

Au sein de l'agence de protection de l'environnement (EPA) américaine, par exemple, le débat fait rage. Entre deux départements de l'agence, celui de recherche et développement (ORD) et celui de l'évaluation des pesticides (OPP) le torchon brûle, comme le révélait ce mardi 14 mars, Le Monde, qui a eu accès à un mémo interne.

Selon cette note, les scientifiques de l'ORD se trouvent sur une ligne plus proche des conclusions du CIRC. Tandis que les membres de l'OPP considèrent le glyphosate comme "improbablement cancérogène", dans un rapport publié par erreur sur le site de l'EPA, dès fin avril 2016. L'ORD reproche essentiellement deux points à ce rapport : le premier, à demi-mot, est "de ne pas respecter les conventions internationales dans l’analyse de la cancérogénicité du glyphosate", rapporte Le Monde.

Le second, c'est de ne pas prendre en compte correctement les études menées sur des animaux. Des études de deux ans sur des souris et des rats ont en effet permis d'observer des tumeurs "dans la thyroïde, le foie, la peau, le pancréas, la lymphe, le testicule, la glande mammaire, les reins et le poumon", relève le mémo. Ce sont notamment ces études qui font dire au CIRC que le glyphosate est un cancérogène "probable". Or, selon les méthodes statistiques employées pour analyser ces résultats, il est possible de considérer l'incidence de ces tumeurs comme n'étant pas significative. L'ORD demande donc à l'OPP de révéler quelle méthode statistique a été employée.

Des études discréditées

Par ailleurs, des documents rendus publics ce mardi 14 mars, à l'occasion d'un procès intenté par un panel international contre Monsanto auprès de la Cour de justice de San Francisco, rapportent d'autres divergences. Le département de recherche et développement de l'EPA "a soulevé des inquiétudes quant à la robustesse d'une évaluation effectuée" par l'OPP, comme l'explique le New York Times.

Et pour cause, ces documents, dont des mails saisis chez Monsanto, montrent un échange entre la firme et Jess Rowland, un haut fonctionnaire de l'OPP. Ce dernier avait ainsi prévenu les dirigeants de l'entreprise des conclusions du CIRC, plusieurs mois avant que celles-ci ne soient rendues publics. Cela avait permis au fabricant du Roundup de préparer et conduire une campagne de communication bien avant que le glyphosate ne soit officiellement classé comme "cancérogène probable".

Enfin, les documents révélés par la Cour de justice de San Francisco mettent en évidence que Monsanto avait pour habitude de payer des scientifiques pour signer des études et des rapports qu'ils n'avaient pas écrits. Dans un échange de mail, un des dirigeants de Monsanto y fait même explicitement allusion. Si la firme, qui appartient désormais à l'allemand Bayer, continue de démentir d'éventuels recours à ses propres scientifiques, les ONG de défense de l'environnement, elles, ne manquent pas l'occasion de discréditer de nombreuses études classant le glyphosate comme non cancérigène.

Utilisation réglementée dans les parcs et jardins publics

Reste à la Commission européenne de se déterminer sur la licence qu'elle attribuera à cet ingrédient clé des herbicides les plus utilisés par les agriculteurs européens. Lors de la dernière évaluation, en juin 2016, elle n'avait pas réussi à convaincre ses Etats membres. Lors d'un vote au sein d'un comité scientifique, la France et Malte avaient voté contre et sept pays s'étaient abstenus (Allemagne, Italie, Portugal, Autriche, Luxembourg, Grèce, Bulgarie), bloquant la décision.

L'exécutif européen s'était alors résolu à accorder une prolongation de 18 mois à la substance. Des restrictions à son utilisation ont tout de même été instaurées, soit l'interdiction de certains adjuvants du glyphosate et des règles pour limiter son exploitation dans des endroits comme les parcs et les jardins publics. Il reviendra toutefois à chaque Etat membre d'autoriser ou non l'utilisation de pesticides à base de cette substance sur leur territoire.

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