Covid-19 : 11000 morts de plus en Ehpad ? Non, juste un changement de décompte...

Plus de 11 000 nouveaux décès en Ehpad sont apparus dans les données de Santé publique France mardi soir, alors que le compteur n’avait plus été mis à jour depuis plus d’un mois. Il s’agit en réalité d’un changement dans le décompte. Explications.

L'Ehpad Korian Coeur Volant a été le premier établissement d'ile de France touché par le Covid-19 lors de la première vague. (Illustration) LP/Arnaud Dumoutier
L'Ehpad Korian Coeur Volant a été le premier établissement d'ile de France touché par le Covid-19 lors de la première vague. (Illustration) LP/Arnaud Dumoutier

    Non, il n’y a pas eu plus de 11 000 morts du Covid-19 cachés en Ehpad qui seraient apparus d’un coup. Certains ont instillé un doute lorsque le compteur dans le jeu de données de Santé publique France a explosé mardi soir, passant de 26 500 à près de 38 000. Un tel changement avait, légitimement, de quoi intriguer. Il s’explique en réalité par un simple changement dans la méthode de décompte utilisée par l’agence sanitaire, comme nous le confirme celle-ci ce jeudi. La correction est en cours et pourrait apparaître dès ce soir.

    Il faut commencer par expliquer comment sont comptabilisés les décès liés au Covid-19 de résidents d’établissement médico-sociaux (en grande majorité d’Ehpad, terme que nous utiliseront dans la suite de cet article pour plus de simplicité). Ceux-ci peuvent avoir lieu soit à l’hôpital, soit au sein de l’établissement. Dans le premier cas, ils sont comptabilisés avec tous les autres patients - quel que soit leur âge - décédés en milieu hospitalier. Dans le deuxième cas, ils sont comptés à part.

    Doublon dans le total

    Au 30 août, le jeu de données affichait 87 565 décès hospitaliers. Le nombre de morts recensés en Ehpad n’était lui plus mis à jour depuis mi-juillet, restant bloqué à 26 505. Santé publique France n’était alors pas en mesure d’indiquer quelle en était la raison.

    Finalement, le 31 août, est apparue la valeur 37 944 dans la colonne des décès en Ehpad. Il y aurait donc eu 11 000 résidents ayant perdu la vie en un mois et demi, soit… 250 par jour. Un chiffre en apparence totalement incohérent, puisqu’il serait supérieur au pic le plus élevé depuis le début de la pandémie (220 début novembre 2020).

    Contactée dans la foulée pour comprendre d’où venait le problème, Santé publique France nous a répondu le lendemain, soit mercredi 1er septembre au soir. Le nombre de décès de résidents d’Ehpad décédés était alors passé à 37 959, dont « 26 680 dans les établissements et 11 279 à l’hôpital », nous a-t-on répondu. On comprend ainsi, alors que cela n’était jamais arrivé auparavant, que la colonne « décès Ehpad » cumulait à présent les décès de résident en Ehpad ET ceux à l’hôpital. Ce que Santé publique France nous confirme définitivement ce jeudi.

    Le souci, c’est que ce 11 279 n’a pas été retiré de la colonne des décès à l’hôpital (87 880 au 1er septembre). Logiquement, le total des décès recensés en France depuis le début de la pandémie et qui apparaissait dans le jeu de données était donc de 125 839. Si on retire 11 279 de ce total, on tombe sur 114 560. Soit un nombre très proche de celui affiché sur le site de Santé publique France (et non dans les données disponibles en open data), à savoir 114 577. Il faut savoir qu’il y a toujours eu de petits écarts entre les totaux en fonction de la source utilisée... et on retombe donc sur nos pattes.

    Efficacité des vaccins déclinante et doses de rappel

    Toute cette histoire peut donc se résumer à un changement de définition pour une colonne de données, qui n’a pas été pris en compte au moment de calculer le total. Aussitôt intrigué - comme nous - mardi soir, Yann Reboulleau, directeur du groupe Philogeris qui compte une vingtaine d’établissements, avait contacté les cabinets ministériels à la Santé. « Je leur ai fait comprendre que ça allait leur retomber dessus s’ils n’agissaient pas rapidement », indique le responsable.

    En effet, dans le contexte actuel, il n’est jamais anodin de diffuser des chiffres incohérents. Dès mardi soir, plusieurs messages sur les réseaux sociaux ont laissé entendre que des décès pourraient avoir été « cachés ». « Ça fait en moyenne 204 morts supplémentaires par jour sur cette période. Sans canicule. Ils ont fragilisé les anciens dès janvier et voilà le résultat 7 mois plus tard. Bravo la stratégie », écrit l’un des comptes les plus actifs.



    À noter cependant : même si on est donc très loin d’atteindre les 11 000 décès en un mois et demi, le nombre de résidents d’Ehpad perdant la vie quotidiennement en lien avec le Covid est en légère augmentation ces dernières semaines. Dans son dernier point épidémiologique du 26 août, Santé publique France avait dévoilé - pour la première fois depuis longtemps - les nombres de cas positifs et de décès. 87 résidents avaient perdu la vie en 3 semaines (du 2 au 22 août), soit 4 par jour. C’est davantage qu’en juin, lorsqu’il n’y avait plus qu’un décès par jour - en moyenne - en Ehpad.

    Ceci peut s’expliquer, notamment, par une diminution de l’efficacité des vaccins au fil du temps. Les personnes âgées vivant en Ehpad ont été vaccinées en priorité, et elles seront toutes appelées (sauf contre-indication médicale) à recevoir une dose de rappel à partir du 13 septembre. Le but : donner un « coup de boost » à leur immunité.