Jardinage : le purin d'ortie est-il efficace ?

On se passe la recette entre jardiniers. On se réjouit des bons résultats. Et pourtant, rien ne permet de dire que le purin de plantes protège nos jardins.

Riches en azote, les orties donnent «un petit coup de fouet» à votre jardin concèdent les scientifiques.
Riches en azote, les orties donnent «un petit coup de fouet» à votre jardin concèdent les scientifiques. LP/VINCENT LESAGE

    À partir du 1 er janvier 2019, les jardiniers amateurs ne pourront plus acheter de produits chimiques pour traiter leur jardin. On voit les rayons se remplir de solutions réputées propres, au premier rang desquels figurent les purins ou macérations de plantes.

    Chez Botanic, pionnier dans les solutions bio pour le jardin, le purin d'ortie caracole en tête des ventes qui progressent de 20 % par an. Mais ces macérations sont-elles efficaces ? Une question délicate à soulever tant le sujet est passionnel. C'est dans les années 2000 qu'éclate la « guerre de l'ortie » opposant les partisans de ces préparations à l'administration. Cette crise débouche sur la création d'une catégorie de produits, les PNPP (préparations naturelles peu préoccupantes), qui autorise leur commercialisation. Mais les tensions persistent. Ainsi, selon l'Aspro PNPP (Association des producteurs de ces préparations naturelles), un distributeur d'extraits végétaux type purin d'ortie de l'Oise aurait subi un contrôle de l'administration il y a quelques semaines, afin d'en interdire la commercialisation.

    Un rapport qui fait débat

    Au début des années 2010, le conseil scientifique de la SNHF (Société nationale d'horticulture de France) se penche sur la question et publie un rapport en 2012, passé inaperçu. Selon ce rapport, l'efficacité de ces macérations serait toute relative. « Elles ne sont pas homologuées. Si elles l'étaient, on aurait un dosage et des prescriptions précis. Elles n'ont fait l'objet d'aucune expérimentation au sens scientifique du terme, dont le principe de base est que les résultats constatés soient reproductibles partout... » explique Daniel Veschambre, un des auteurs du rapport qui prend l'exemple d'un test prometteur sur des pommes de terre. « Le problème, c'est qu'il n'a jamais pu être reproduit ailleurs », indique-t-il. Le conseil scientifique concède malgré tout que ces préparations peuvent « donner un petit coup de fouet ». Rien d'anormal, l'ortie est riche en azote.

    Parmi les partisans de ces décoctions naturelles, Jean-François Lyphout, président de l'Aspro PNPP, crie au scandale, dénonçant la partialité des auteurs du rapport. Il cite des utilisateurs emblématiques tels que la roseraie de Monaco ou les jardins de Marqueyssac. Il existe bien un document européen qui établit un certain nombre de recommandations d'usage, mais rien en France. Une lacune que Jean-François Lyphout envisage de combler en lançant un programme d'expérimentation.

    «Il n'y a pas de données fiables»

    Chez les distributeurs de ces produits, on temporise. « L'efficacité est loin d'être nulle, mais les gens doivent comprendre que cela n'a rien à voir avec celle des produits phytosanitaires classiques. Leur intérêt, c'est qu'ils apportent de l'azote, donc qu'ils agissent comme stimulants et renforcent la vigueur de la plante. Nous préférons utiliser le terme de cure de vitalité », explique Marion Vitupier, responsable marketing chez Scotts, qui commercialise les marques Naturen ou KB. Mais elle reconnaît que « le problème repose sur l'absence d'une base de données fiable ».

    Même son de cloche chez Botanic. « Les industriels ne veulent pas investir dans les recherches car le marché n'est pas suffisant », reconnaît Jean-Michel Pougnet, conseiller jardinage de l'enseigne. « Depuis toujours, on s'appuie sur les témoignages que nous recevons dans nos magasins de la part des jardiniers amateurs. Ils constatent des résultats au quotidien. Ce sont eux qui constituent notre base de données. Cela nous donne un panel plus crédible que cette étude », ajoute-t-il.

    Le débat est bien loin d'être clos. Et en 2019, faute de pouvoir se procurer des pesticides, il va bien falloir trouver des remèdes efficaces pour protéger les jardins de manière naturelle.

    Les missions du conseil scientifique de la SNHF.