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Des micro-algues pour soigner les vignes

Des pesticides naturels à base de micro-algues permettraient de lutter contre le mildiou, la bête noire des viticulteurs.

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Publié le 11 septembre 2018 à 15h39, modifié le 11 septembre 2018 à 15h47

Temps de Lecture 4 min.

Les vignes du producteur de cognac Christophe Brandy, en Charente.

Sous l’œil, au microscope, c’est un bal de cellules dorées. Ces micro-algues, pas plus grandes que 10 microns, pourraient bientôt venir en aide aux viticulteurs pour lutter contre le mildiou, le botrytis et autres champignons.

Depuis trois ans, une équipe de recherche de la start-up Immunrise Biocontrol travaille sur le développement d’un bio-pesticide capable de repousser les maladies de la vigne et de stimuler les défenses de la plante. Comme eux, de nombreuses équipes de recherche dans le monde travaillent à l’élaboration de solutions d’origine naturelle pour remplacer les produits phytosanitaires. Des produits dits de « biocontrôle » homologués existent déjà, mais la plupart utilisent comme co-formulant du cuivre, qui n’est pas dégradable et se concentre dans les sols. Et surtout, aucun n’est capable aujourd’hui de rivaliser d’efficacité avec les produits chimiques. Le bio-pesticide idéal n’a pas encore été inventé. Mais de nombreux scientifiques travaillent dans cette direction.

« Il leur a fallu quinze ans de recherche, mais ils ont trouvé une solution naturelle »

Les viticulteurs ont déjà relevé le défi à la fin du XIXe siècle pour faire face à l’invasion de phylloxera, qui détruit alors tout le vignoble français. A l’époque, quelques vignes américaines résistent à la petite araignée : des chercheurs ont alors l’idée de faire des porte-greffe (assembler un pied de vigne américaine résistante avec le greffon d’un cépage local). « C’était déjà du biocontrôle, commente Laurent De Crasto, co-fondateur d’Immunrise Biocontrol. Il leur a fallu quinze ans de recherche, mais ils ont trouvé une solution naturelle. Aujourd’hui, nos sols sont gorgés de phylloxera et on ne traite pas pour autant. Nos vignes sont devenues résistantes. C’est important que les politiques et les acteurs économiques comprennent que le biocontrôle, ce n’est pas un rêve. C’est au contraire une solution très puissante. »

C’est son associé, Lionel Navarro, directeur de recherche à l’Institut de biologie de l’ENS, qui a l’intuition de chercher la perle rare parmi 200 souches de microalgues. Les micro-algues sont ensuite élevées à la lumière naturelle dans des petites piscines dans le laboratoire de Pessac, près de Bordeaux. « Ces algues ont la particularité de sédimenter, détaille Yann Thomas, ingénieur production. Tous les jours, je viens racler le fond de la piscine pour récupérer les micro-algues. Cela donne ensuite une pâte que l’on stabilise avec de l’éthanol. »

En laboratoire, la micro-algue a fait ses preuves pour bloquer le champignon. Reste à passer l’épreuve de la réalité du champ. Les premiers tests ont été réalisés en 2017 sur 1 000 m2 de vignes de Christophe Brandy, producteur de Cognac en Charente. Depuis dix ans, ce vigneron s’est attelé à réduire l’utilisation des pesticides, et affirme en consommer jusqu’à 50 % de moins que ses collègues charentais. Le vigneron s’est d’abord équipé d’une station météo, assortie d’un outil de modélisation des maladies qui lui permet de diminuer considérablement les doses de produits phytosanitaires en fonction des conditions observées. La première année l’utilisation de la solution à base de micro-algues d’Immunrise s’est avérée encourageante. « J’ai pu observer les mêmes effets que sur mes rangs traités avec des molécules de synthèse », affirme-t-il.

Une année difficile avec grêle et pluie

En 2018, des tests sont menés dans une dizaine de châteaux du Bordelais et de Charente. Mais l’année a été particulièrement difficile, remarque Laurent de Crasto : « Un épisode de grêle a éliminé plusieurs châteaux du test. Et les épisodes de pluie étaient si fréquents que les viticulteurs, qu’ils soient en conventionnel ou en bio, ont eu du mal à suivre le rythme des traitements. » Dans le Bordelais, les exploitations accusent une perte de 20 % de la récolte, directement liée au mildiou. « Mêmes les vignes traitées avec les produits phytosanitaires n’ont pas résisté. » Pour Immurise, les résultats de l’année 2018 ne sont pas encore définitifs, mais ils montrent que des ajustements sont encore nécessaires.

Dans tous les cas, Immurise peut compter sur des viticulteurs enthousiastes à l’idée de trouver des traitements plus naturels. « Les viticulteurs étaient le maillon manquant pour accélérer la recherche de produits de biocontrôle, juge le viticulteur Christophe Brandy. Nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir mener des tests. Nous n’avons rien à perdre et nous pouvons dire tout de suite si ca marche ou pas. »

Reste à confirmer les bons résultats de la première année, et surtout de trouver les fonds nécessaires pour tenir dans la durée. Aujourd’hui, les start-up œuvrant dans le domaine des bio-pesticides sont soumises aux mêmes processus d’homologation que les produits phytosanitaires – les délais atteignent jusqu’à six ans. Un frein indéniable à l’émergence de ces solutions plus respectueuses de l’environnement.

Les bio-pesticides et l’utilisation des ressources des océans seront l’une des grandes thématiques abordées lors du Festival de l’innovation Novaq.

Les 13 et 14 septembre, la région Nouvelle-Aquitaine, en partenariat avec « Le Monde », organise deux jours de débats, conférences, pitchs et ateliers au H14, à Bordeaux.

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