Le train file vers la Belgique, la patrie de Jean-Claude Van Damme, kickboxeur, acteur culte et créateur d’aphorismes qui ne le sont pas moins (« Il ne faut pas écouter les bruits du monde, mais le silence de l’âme »). On a pensé à Van Damme quand on a reçu ce SMS de Francis Lalanne : « Je veux vous accueillir sur mes terres, à Bruxelles. Je serai dans une vibration plus proche de mon bien-être. Mais je vous en supplie, ne faites pas de test PCR, ne vous faites pas enfoncer un écouvillon par le nez. Cela peut compromettre votre membrane hématoencéphalique. »
« Vous savez… Nous sommes tous atteints par un virus mortel. La vie. » Francis Lalanne
Autant dire qu’on avait hâte. On mesurait surtout notre chance de rencontrer l’auteur-compositeur-interprète, parce que, selon l’un de ses proches, l’acteur et metteur en scène très sympathique Jean-Luc Moreau, « quand Francis vous donne rendez-vous le 15 avril, ça peut être celui de l’année suivante. Vous le voyez à Bruxelles ? Une fois, je l’y avais croisé. Il écrivait sur un banc, avec une plume d’oie et un encrier ».
Lalanne est difficile à suivre, même sur la Grand-Place. Il cavale partout, frénétique, sans masque, dans un ensemble vestimentaire mi-Seigneur des anneaux, mi-groupe de hard rock. Il se plante devant la maison de Victor Hugo, « le parangon de la liberté absolue. C’est ici, exilé, qu’il a écrit ses pamphlets contre Napoléon III, Napoléon le Petit. »
Il traverse la place au pas de charge, le temps de signer un autographe à un jeune couple belge fasciné par tant d’excentricité encuirée, stoppe devant la chaumière de Karl Marx : « Il y fonda la première ligue communiste… » Pas réussi à noter tout son commentaire audio. On était à bout de souffle. Puis il nous a emmené dans un estaminet qui sentait pas mal la bière. Il y avait des bougies partout, des gens ivres qui pleuraient beaucoup et qui enlaçaient Lalanne.
Une normalité différente
A 62 ans, Francis Lalanne est tel qu’en lui-même, dans une normalité différente. A ceci près que, il y a trois heures, il a appris le décès de l’ami qui l’a accueilli à Bruxelles il y a vingt ans et qui tenait ledit estaminet. Endeuillé, donc. Il s’arrête net et scrute l’horizon, comme s’il regardait l’avenir. « Vous savez… Nous sommes tous atteints par un virus mortel. » Lequel ? « La vie. » Longue pause, puis il fait : « Non… Je suis navré, mais je ne sais pas si je suis en état de répondre à vos questions. »
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