Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Sur Facebook, un « convoi de la liberté » français aux revendications floues

Sur le réseau social, l’un des groupes qui rassemblent les partisans de ce mouvement est passé de 50 000 à 350 000 membres en deux semaines. La tonalité des messages rappelle les prémices des « gilets jaunes ».

Par  et

Publié le 10 février 2022 à 20h42, modifié le 14 février 2022 à 15h57

Temps de Lecture 5 min.

Catpure d’écran du principal groupe Facebook du « convoi de la liberté », illustré par une image de 2020 des perturbations de transport liées au Brexit.

Séparés en six groupes régionaux, ils se sont donné rendez-vous à Paris le week-end du 12 et du 13 février, et comptent, pour certains, se rendre ensuite à Bruxelles : le « convoi de la liberté », inspiré du mouvement social qui paralyse depuis plusieurs jours la capitale canadienne, Ottawa, entend protester contre les mesures sanitaires et la baisse du pouvoir d’achat.

Sur Facebook, les partisans de la mobilisation sont rassemblés dans plusieurs groupes, dont le plus important est passé en une dizaine de jours de 50 000 à 350 000 membres. De son côté, le préfet de police de Paris a annoncé, jeudi 10 février, interdire les « convois de la liberté » qui prévoyaient de « bloquer la capitale » à partir de vendredi.

Loin des images de chaos en provenance d’Ottawa, les principaux groupes pro-convoi français que Le Monde a consultés affichent une tonalité solidaire, pacifiste et bienveillante. La majorité des messages partagés sont de simples pancartes sur lesquelles est écrit : « Je soutiens le convoi de la liberté. Tous unis. » On y trouve aussi des photos de provisions alimentaires, des propositions d’hébergement, des encouragements : face à la difficulté logistique ou financière de se joindre à l’initiative, de nombreux internautes mettent en avant leur soutien. L’ambiance semble bon enfant. Quelques publications mettent en garde contre de possibles arnaques à la fausse cagnotte. Le convoi de la liberté est vécu comme une aventure collective. « Merci à vous tous de nous redonner l’espoir d’une vie meilleure et qu’on est pas tous devenu individualiste », écrit un membre. « Restons solidaires et unis c’est trop beau 🌟🙏🏽🙏🏾🙏🏿🙏🏼🙏🙏🏻, », appuie un autre.

Sur Facebook, l’immense majorité des messages consistent à offrir du soutien moral, logistique ou alimentaire aux participants au « convoi de la liberté ».

Sur la messagerie Telegram, l’ambiance de la chaîne du convoi français, qui compte 19 000 abonnés, contraste avec celle de la chaîne internationale (50 000 abonnés). Là où le canal nord-américain est envahi de messages pro-Trump et de théories du complot, sa déclinaison française se limite à des messages d’encouragement publiés par l’administrateur, avec des guirlandes d’émojis.

Au-delà du sentiment de faire corps, les participants expriment leur fierté d’appartenir à un mouvement international. Les affiches de soutien ne sont pas seulement ornées du drapeau français, mais aussi des couleurs canadiennes, américaines, russes, belges, etc., dans une ambiance de printemps des peuples. « The world is starting to wake » (« Le monde commence à se réveiller »), se félicite un internaute.

Volonté d’apparaître comme un mouvement non politisé

Alors que les liens entre le Freedom Convoy et les milieux conservateurs pro-Trump sont marqués en Amérique du Nord, les Français se revendiquent apolitiques (ou, en tout cas, apartisans), tout en affichant leur détestation du gouvernement.

Une ambiance de printemps des peuples se dégage du groupe Facebook « convoi de la liberté » : il s’agirait d’une libération des peuples de tous les pays.

Ils sont aussi fédérateurs, jusque dans les véhicules invités à rejoindre le « convoi » : « Bon on a les camions, les voitures, les camping-cars, les motos mais est-ce qu’on a des cyclistes ? », écrit en plaisantant un internaute. L’impression générale est que le mouvement est peu suivi par les camionneurs – qui sont, contrairement à leurs homologues canadiens, rarement propriétaires de leur camion – mais rassemble surtout des familles.

Rémi Monde, qui a émergé en quelques jours comme l’un des principaux porte-parole du mouvement, le présente comme « apolitique, appartenant aux citoyens, tout simplement ». « Florian Philippot peut rejoindre le convoi s’il le souhaite, mais le convoi ne rejoindra pas Florian Philippot », avait-il rétorqué après une tentative de récupération par le chef de file des Patriotes. Aucune figure politique n’apparaît jamais, si ce n’est celle de Coluche, déjà très présente lors du mouvement des « gilets jaunes » à l’automne 2018.

Citant le titre de la récente chanson d’Ingrid Courrèges, de nombreux participants se considèrent comme apolitiques et apartisans.

Dans une vidéo vue plus de 100 000 fois, Ingrid Courrèges, chanteuse qui avait émergé lors de la crise des « gilets jaunes », et poursuivi avec les mouvements antirestrictions, entonne le Chant des sans-parti. Sur l’air du Chant des partisans, elle loue « le convoi de l’espoir », « l’étincelle populaire », et « tous ces pays qui se libèrent de leurs chaînes », contre « ceux qui tirent les ficelles », les « prisons sanitaires » ou la théorie complotiste du « great reset ».

Méfiance envers les médias

Cette méfiance vis-à-vis des politiques englobe aussi les médias. BFM-TV est surnommé « BFMensonge ». La consigne est donnée de ne pas répondre aux journalistes – aucun membre du groupe n’a d’ailleurs donné suite aux demandes d’entretien du Monde. La plupart des nombreuses vidéos partagées sont filmées par les participants eux-mêmes, par des « reporters-citoyens » ou par Vécu le média, un site qui avait suivi de très près le mouvement des « gilets jaunes ».

La grande majorité des publications sur Facebook et Telegram insiste sur le caractère pacifiste, solidaire et bienveillant du « convoi de la liberté ».

Sur Facebook, quand une membre propose d’écrire « Macrotte on t’emmerde », elle est retoquée par une autre : « Je dit non 🤗 😁Pourquoi je dit ça… tout simplement la meilleure façon de les emmerder sera nôtre silence ✊ » « Ne nous rabaissons pas à leur niveau. Ils en seraient que trop contents », abonde une seconde.

Ce mouvement populaire se défend de tout débordement de violence. « Sans arme, ni haine, ni violence #on roule pour la liberté ! », affiche un message extrêmement partagé. « Ne pas oublier que ce mouvement est pacifiste ! Soyons un exemple, ne pas donner raison aux médias », appuie une certaine Edith. La crainte d’être caricaturé hante plusieurs posts. Pourtant, dans une autre publication – rapidement supprimée –, un utilisateur partage plusieurs photos à connotation militaire, dont une arme.

Des revendications floues

Les revendications de certaines figures du mouvement, comme Rémi Monde, sont proches de celles portées par les « gilets jaunes » (référendum d’initiative citoyenne, pouvoir d’achat, revalorisation du smic, démission du gouvernement…).

Le Monde
-50% sur toutes nos offres
Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 11,99 € 5,99 €/mois pendant 1 an.
S’abonner

Si le mouvement était, à ses débuts, axé sur la contestation du passe sanitaire ou de la vaccination des enfants, la question du prix du carburant, à l’origine de l’éclosion du mouvement de 2018, est très présente depuis quelques jours, à l’image de cette affichette humoristique : « Ce véhicule est hybride, il roule avec 45 % de diesel et 55 % de taxes. »

La plupart des messages affichent leur solidarité avec les camionneurs, mais sans exprimer de revendication précise.

Cependant, le groupe n’évoque quasiment jamais directement la question des vaccins, préférant se retrouver derrière le mot d’ordre plus large de « liberté » – notamment celle de refuser la vaccination, et celle de ne pas se voir refuser l’accès à des services faute de passe sanitaire. Dans l’ensemble, les revendications précises sont très rares, voire invisibles, et laissent la place à des mots d’ordre génériques, comme la devise française « liberté, égalité, fraternité ».

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Contribuer

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.