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Non, les vaccins ne sont pas responsables de la mort subite du nourrisson

Une rumeur, popularisée notamment par les professeurs Luc Montagnier et Henri Joyeux, impute les cas de mort inattendue du nourrisson aux vaccins. A tort.

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Publié le 23 août 2019 à 10h08, modifié le 23 août 2019 à 11h02

Temps de Lecture 4 min.

Ce que dit la rumeur

« Selon une étude, 79,4 % de tous les enfants décédés du syndrome de mort subite du nourrisson ont reçu un vaccin la même journée », affirme la page Facebook Advitae Santé naturelle, qui ironise : « Et ce serait juste une coïncidence ? » Un argument diffusé de longue date par des opposants à la vaccination obligatoire en France et aux Etats-Unis. Le site alterinfo.net (une source qui nous apparaît peu fiable dans le Décodex) écrivait par exemple en 2012 que « les vaccins sont la seule cause plausible du syndrome de mort subite du nourrisson ».

Les professeurs Luc Montagnier (colauréat du prix Nobel pour avoir découvert le VIH, virus responsable du sida, en 1983) et Henri Joyeux (cancérologue), tous les deux opposants aux onze vaccins obligatoires, ont également développé une rhétorique similaire. Par exemple, lors d’une conférence à Paris en 2017 racontée par Libération. « Je voudrais alerter sur la mort subite du nourrisson. C’est quelque chose d’épouvantable, la cause est inconnue, mais il existe des faits scientifiques, montrant qu’un grand nombre de ces morts intervient après une vaccination », avait alors affirmé M. Montagnier.

A l’arrivée, ces argumentaires figurent en bonne place dans les moteurs de recherche lorsque l’on cherche à s’informer sur le sujet. Sauf qu’en réalité, la vaccination n’est pas reconnue comme un facteur de mort subite du nourrisson. Explications.

POURQUOI C’EST FAUX

1. Des suspicions liées à des coïncidences temporelles

La Haute Autorité de santé (HAS) utilise l’expression mort inattendue du nourrisson (MIN) lorsqu’un enfant de moins de 2 ans meurt sans que ses antécédents de santé connus ne permettent de l’anticiper. Il s’agit de la première cause de mortalité entre 27 jours et 1 an avec environ 300 morts par an actuellement, selon les statistiques officielles. On parle de mort subite du nourrisson lorsque le décès reste inexpliqué après autopsie et examens post-mortem.

Les interrogations sur un possible lien entre ce phénomène et la vaccination en France remontent aux années 1970. Alors que le vaccin tétravalent contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la coqueluche a été introduit en 1966, le nombre de morts inattendues du nourrisson a fortement augmenté, passant de 26 cas par an pour 100 000 bébés en 1975 à 102,8 en 1980, jusqu’à atteindre un pic à 192,9 en 1991.

Cette coïncidence temporelle pourrait laisser croire à une association entre les vaccins et les morts inattendues de nourrisson. D’autant que « l’âge du plus haut risque » en la matière se situe « entre 2 et 4 mois », notait en 2011 une enquête de l’Institut de veille sanitaire pour la période 2007-2009. Ce qui correspond à la période au cours de laquelle les nouveau-nés reçoivent leurs premiers vaccins.

2. Des études détaillées ont montré que les vaccins ne sont pas en cause

Des analyses plus poussées ont donc été menées depuis des années pour savoir s’il s’agissait de simples coïncidences ou d’un lien de cause à effet entre la vaccination et la mort inattendue du nourrisson. Il est alors apparu qu’un autre phénomène expliquait cette forte hausse : la recommandation de coucher les bébés sur le ventre, alors que cette position a été reconnue par la suite comme un facteur important de MIN.

Dès les premières campagnes de prévention au début des années 1990, le nombre de morts inattendues du nourrisson a décliné, passant de 192,9 cas pour 100 000 en 1991 à 49 en 1997, puis 31,9 en 2005.

Les vaccins sont au contraire associés à un risque moins élevé

En parallèle, une méta analyse publiée en 2007 dans la revue Vaccine a comparé la mortalité liée aux MIN chez les enfants vaccinés et ceux qui ne le sont pas, à partir des données de neuf études scientifiques. Verdict : la vaccination serait au contraire associée à une moindre mortalité (les auteurs se gardent cependant d’aller jusqu’à conclure que les vaccins en eux-mêmes protègent contre la mort subite du nourrisson).

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C’est pourquoi les spécialistes écartent la vaccination comme cause de la mort inattendue du nourrisson, insistant par ailleurs sur son efficacité pour protéger des maladies concernées. Les messages de prévention insistent donc sur la nécessité de lutter contre des facteurs de risque avérés comme le fait de coucher un nourrisson sur le ventre, le tabagisme passif ou une trop forte température de la chambre (la température idéale serait de l’ordre de 18 °C à 20 °C).

3. Non, 79,4 % des bébés concernés n’ont pas été « vaccinés le même jour »

Quant à l’affirmation selon laquelle « 79,4 % de tous les enfants décédés du syndrome de mort subite du nourrisson ont reçu un vaccin la même journée », relayée par Advitae Santé naturelle, elle est complètement fallacieuse.

Cette page Facebook prétend s’appuyer sur le site américain childrenhealthdefense.org. Ce dernier cite bien le chiffre de 79,4 %, mais dans un tout autre contexte. Il s’agit en réalité de la proportion d’enfants qui ont reçu plus d’un vaccin le même jour parmi les cas de morts d’enfants signalées au programme américain de sécurité vaccinale entre 1997 et 2013. Et le site childrenhealthdefense.org lui-même déforme le sens de cette statistique en y voyant un signe que les vaccins pourraient être responsables de la mort subite du nourrisson.

L’étude scientifique dont vient ce fameux chiffre, publiée en 2015 dans la revue Clinical Infectious Diseases, visait à comparer les causes de mortalité signalées au programme de sécurité vaccinale à celles de la population dans son ensemble. Or, les auteurs n’ont relevé aucune surmortalité liée à la vaccination, y compris en ce qui concerne les morts inattendues des nourrissons.

S’il peut être tentant d’associer des événements à cause d’une coïncidence temporelle, les analyses des chercheurs ont là encore conclu que les vaccins ne sont pas en cause.

Au contraire, les auteurs de l’étude notent que les effets secondaires graves des vaccins sont en fin de compte rarissimes puisque, en moyenne, seul un cas de mort est rapporté aux autorités pour un million de vaccins distribués, sans qu’il y ait nécessairement de lien de cause à effet entre l’injection et le décès.

Les Décodeurs répondent à vos questions sur les vaccins

Le passage de 3 à 11 vaccins obligatoires en 2018 a relancé le débat sur la vaccination. Pour vous aider à y voir plus clair entre questions légitimes et fausses informations, Les Décodeurs proposent plusieurs analyses sur le sujet :

Retrouvez tous les articles de vérification des Décodeurs dans notre rubrique.
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