« C’est devenu impossible, là. » Invité de France Inter lundi 3 juin, Yannick Jadot a été interpellé par un auditeur, Guy, se présentant comme un « vieux militant écologiste ». Ce dernier s’est inquiété du fait que Michèle Rivasi était en deuxième position sur la liste écologiste aux européennes, lui reprochant sa position « antivaccination maladive » et son soutien « aux laboratoires Boiron pour l’homéopathie ».
Appelé par l’auditeur à clarifier sa position sur ces deux sujets, Yannick Jadot a défendu la ligne de son mouvement et la numéro deux de sa liste. Mais ses réponses appellent plusieurs précisions. Explications.
1. Michèle Rivasi a bien fait circuler de fausses informations sur la vaccination
Ce qu’il a dit
Au sujet de la vaccination, Yannick Jadot s’est voulu rassurant :
« Sur les vaccins, la ligne du mouvement EELV comme celle de Michèle Rivasi est très claire : nous sommes pour la vaccination. Nous défendons la vaccination comme une responsabilité individuelle et aussi comme une responsabilité collective. Il n’y a pas simplement un choix individuel, par exemple on le voit en ce moment sur la rougeole : le fait de choisir pour soi engage l’ensemble de la société. Donc nous sommes pro vaccins. »
Selon lui, il est en revanche indispensable de faire la transparence sur « le poids des lobbys pharmaceutiques dans la décision publique. (…) C’est notre seul combat ».
POURQUOI C’EST TROMPEUR
L’écologiste Michèle Rivasi est eurodéputée depuis 2009 et a été réélue. Sa présence en deuxième place sur la liste conduite par Yannick Jadot pour la campagne de 2019 a néanmoins suscité des critiques contre le parti, notamment à cause de ses prises de position sur la vaccination. Elle y a répondu dans un communiqué publié le 12 mars, intitulé « oui aux vaccins, non aux lobbys ».
Dans ce texte, l’eurodéputée reconnaît avoir « commis une erreur regrettable » en invitant à un débat en 2017 Andrew Wakefield – cet ancien chercheur a été radié par ses pairs pour avoir truqué une étude qui établissait un lien entre le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole) et l’autisme. L’écologiste refuse en revanche d’être « caricaturée en militante antivaccins ».
En cela, sa position pourrait coller à la ligne « pro vaccins » prônée par Yannick Jadot sur France Inter. Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas du seul impair de Michèle Rivasi sur cette question. Elle a en effet diffusé, dans des entretiens à la presse et sur son blog, un certain nombre de contre-vérités sur la vaccination, bien loin du discours du chef de file de son mouvement. Elle a par exemple :
- contesté la vaccination des enfants contre l’hépatite B sous le prétexte qu’il s’agirait d’une maladie exclusivement « sexuellement transmissible » (ce qui n’est pas le cas) ;
- dénoncé la présence de « nanoparticules métalliques dans des vaccins courants », une conclusion réfutée par l’Agence européenne des médicaments ;
- affirmé que « si une femme allaite son enfant, elle lui transmet les anticorps » contre la rougeole, ce qui rendrait la vaccination contre cette pathologie inutile (une affirmation réfutée par les spécialistes) ;
- dénoncé la présence d’aluminium dans les adjuvants de nombreux vaccins, occultant que les études menées sur le sujet n’ont pas établi un lien entre ce composé et des troubles sur la santé.
Michèle Rivasi a bien contribué (…) à semer le doute à tort au sein de la population
Bien qu’elle rejette l’étiquette d’« antivaccins », Michèle Rivasi a donc bien contribué à faire circuler des informations erronées émanant d’opposants à la vaccination et à semer le doute à tort au sein de la population, ce qui peut légitimement être reproché à une personnalité politique de premier plan. Pour rappel, l’insuffisance de la couverture vaccinale a favorisé la résurgence de cas de rougeole en France ces dernières années. C’était notamment à ces pratiques que l’auditeur de France Inter faisait référence, et il est difficile de lui donner tort sur ce point.
2. L’homéopathie, une efficacité non démontrée
Ce qu’il a dit
Après avoir répondu sur la question des vaccins, Yannick Jadot a développé sa position sur l’homéopathie :
« Il y a des millions de Français qui aujourd’hui utilisent l’homéopathie, c’est un coût extrêmement faible, cela participe de soigner. Je crois qu’on ne peut pas simplement analyser l’impact d’un médicament au regard de sa composition. C’est le résultat qui compte. »
Et de conclure :
« Si c’est prouvé que l’homéopathie participe de soigner des personnes qui s’y retrouvent, franchement au regard du coût ce n’est pas un sujet. »
POURQUOI C’EST CONTESTABLE
Yannick Jadot a raison sur un point : l’homéopathie est marginale, en termes de coûts, sur le marché français du médicament. Elle pesait ainsi pour environ 0,3 % des remboursements de médicaments, en 2016. Soit environ 55 millions d’euros par an qui pourraient être économisés en cas de déremboursement, sur 18 milliards d’euros de prise en charge. Un chiffre plutôt faible en proportion.
L’argumentaire de l’écologiste sur le fond du sujet est en revanche surprenant. A l’entendre, les reproches formulés à l’égard de l’homéopathie ne porteraient que sur la composition de ses médicaments, alors que les résultats, eux, seraient probants. Pourtant, les nombreuses études scientifiques publiées sur la question depuis des dizaines d’années n’ont jamais démontré rigoureusement l’efficacité de ces traitements, qui n’auraient pas plus d’effet qu’un placebo.
Par ailleurs, la position de l’écologiste sur la question de l’homéopathie peut surprendre, tant elle entre en contradiction avec la ligne générale qu’il édictait quelques instants plus tôt, affirmant vouloir « sortir les lobbys pharmaceutiques de la décision publique ». Dans le cas de l’homéopathie, les laboratoires comme Boiron sont en effet au premier plan pour défendre leurs intérêts en s’opposant à la perspective d’un déremboursement.
L’avis définitif de la Haute Autorité de santé sur la question, qui devrait orienter le choix de la ministre de la santé, Agnès Buzyn, est attendu pour juin.
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