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Linky en questions : refus, incendies, comment se passe l’installation du compteur ?

Sa généralisation suscite craintes et interrogations. Les lecteurs des Décodeurs s’interrogent sur l’intérêt financier de ces boîtiers.

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Publié le 25 octobre 2018 à 17h57, modifié le 26 octobre 2018 à 08h10

Temps de Lecture 9 min.

Cet article a été réalisé à partir des questions posées par nos lecteurs sur le compteur connecté Linky, qui est en cours de déploiement par Enedis dans l’ensemble des foyers français.

Peut-on refuser l’installation d’un compteur Linky ?

NON

La question a été formulée de différentes manières par de nombreux internautes, comme ici, Jean-Claude Laureaux :

« Peut-on vouloir conserver un ancien compteur qui fonctionne bien et sans risques depuis des décennies ? De quel droit le fournisseur peut-il changer d’autorité de tels compteurs ? Peut-on refuser ? Quid des recours actuels ? »

Le compteur, tout comme la ligne ou le poste de transformation, n’est pas la propriété des usagers. Il appartient aux collectivités locales, qui sont les autorités organisatrices de la distribution d’électricité et de gaz. Mais l’entretien a été concédé à Enedis (ex-ERDF) qui est le gestionnaire du réseau. Ce dernier doit lui-même se conformer au code de l’énergie, adopté en 2015, qui demande que les gestionnaires de réseaux « mettent à la disposition des consommateurs leurs données de comptage, des systèmes d’alerte liées au niveau de leur consommation, ainsi que des éléments de comparaison issus des moyennes statistiques ».

Enedis a donc entrepris de remplacer l’intégralité des 35 millions de compteurs par des Linky, dotés de nouvelles fonctionnalités comme le relevé à distance des consommations. Le changement est gratuit et réalisé progressivement chez les particuliers jusqu’en 2021.

Les particuliers ne sont ni propriétaires ni gestionnaires du matériel

Les particuliers n’étant ni propriétaires ni gestionnaires du matériel, ils ne peuvent pas s’opposer à leur renouvellement. Adresser une lettre de refus par recommandé ou avec avis d’huissier n’y changera rien, comme le rappelle le médiateur de l’énergie.

Les collectivités locales sont aussi impuissantes, puisqu’elles ont délégué la gestion du réseau électrique à Enedis. Des centaines de communes de toutes tailles (plus de 700 selon un comptage des opposants au compteur Linky) ont voté des délibérations ou ont pris des arrêtés anti-Linky. Mais ces textes finissent le plus souvent par être suspendus ou annulés par la justice.

Pour l’instant, aucune sanction n’est prévue en cas de refus, ni amende ni intervention des forces de l’ordre. Mais à la fin du programme de déploiement, les usagers qui auront refusé un compteur Linky devront sans doute payer la relève manuelle de leur consommation, qui est actuellement intégrée dans l’abonnement. Selon la Commission de régulation de l’énergie, jointe par Le Monde, « cela va entraîner des coûts plus importants, car, avant, la relève se faisait dans toute la ville ou le village, alors qu’ensuite, les techniciens se déplaceront dans des endroits disparates ». Aucune décision n’a encore été prise à ce sujet.

Peut-on interdire à un installateur Linky d’entrer dans une propriété privée ?

OUI

Question de gfauthoux :

« Si j’habite sur une voie privée, puis-je refuser l’installation et “menacer” de porter plainte pour une intrusion sur une propriété privée ? »

La question est légèrement différente de la précédente : il ne s’agit plus du refus de poser un compteur, mais du refus d’intrusion sur une propriété privée. Si le compteur est à l’extérieur (rue, partie commune d’un immeuble), les installateurs peuvent le remplacer par un Linky sans avoir à demander d’autorisation. Ils doivent toutefois informer les titulaires de la ligne. Apposer un mot ou un cadenas pour barrer l’accès au compteur, comme le suggèrent certains groupes d’opposants à Linky, est une démarche illégale et inutile, car les techniciens n’en tiennent pas compte. Cela pourrait même poser des problèmes de sécurité en cas de dysfonctionnement de l’installation.

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En revanche, si le compteur est dans l’habitation, ce qui arrive une fois sur deux, les techniciens doivent prendre rendez-vous et obtenir l’accord de l’occupant. Enedis assure que « lorsque les conditions nécessaires ne sont pas réunies pour permettre au poseur de réaliser en toute sécurité son intervention, il a pour consigne de faire demi-tour », et que l’entreprise recontacte les clients par la suite pour « apporter toutes les réponses » à leurs interrogations. Plusieurs usagers ont pourtant fait état de l’insistance des installateurs qui multipliaient les appels et les démarchages.

Le tribunal administratif de Toulouse a confirmé en septembre que les habitants de Blagnac (Haute-Garonne) étaient libres d’ouvrir ou non leur porte aux installateurs de Linky – mais il s’agit d’un simple rappel du principe de propriété privée.

Les installateurs de compteurs Linky sont-ils mal formés ?

PARFOIS

Question de Félix Marie :

« Les compteurs sont posés par des techniciens qui n’ont visiblement suivi qu’une formation rapide et ne sont pas électriciens. »

Plusieurs internautes, qui n’étaient pas forcément opposés par principe au compteur communicant, ont témoigné de problèmes survenus lors de l’installation, ou de répercussions sur leurs appareils, en particulier les lampes tactiles ou les ballons d’eau chaude. Qu’en est-il ?

Pour remplacer en six ans plus de 35 millions de compteurs sur l’ensemble du territoire français, Enedis a dû faire appel à 3 000 installateurs, embauchés par des dizaines d’entreprises sous-traitantes. Le gestionnaire du réseau exige qu’ils soient qualifiés, qu’ils disposent d’une habilitation à intervenir sur les installations sous tension et qu’ils aient suivi une formation « technicien Linky » de sept semaines. Des contrôles sont aussi réalisés a posteriori sur leur travail.

« Un bon bricoleur qui a des notions en électricité »

Mais face à la pénurie, les sous-traitants sont parfois peu regardants. Sur Leboncoin, des annonces d’emploi pour être technicien Linky demandent des « connaissances et des bases solides » en électricité, et proposentt « une formation de 2 à 3 semaines ». D’autres recherchent des candidats « respectueux des règles de sécurité » et dotés d’« aisance relationnelle », sans même évoquer de notion d’électricité. Un ancien poseur de Linky assure dans le magazine en ligne Reporterre que toutes les personnes embauchées ne sont pas électriciennes : « Il y avait des maçons, des informaticiens, ou encore des étudiants qui n’avaient jamais travaillé » et qui devaient se contenter d’une formation théorique d’un mois.

Toujours selon l’enquête, des primes sont accordées pour chaque pose, ce qui incite à travailler rapidement. Une intervention chez un usager est prévue pour durer une demi-heure. Un temps insuffisant pour expliquer aux clients les nouvelles fonctionnalités du compteur, donc son intérêt, déplore Nicolas Mouchnino, de l’UFC-Que Choisir.

Après la pose de Linky, des dysfonctionnements sont parfois constatés : des lampes tactiles qui ne s’allument plus, ou de façon anarchique, des chauffe-eau qui fonctionnent en heures pleines, des volets roulants bloqués… Les usagers doivent alors contacter le service clients Linky (0 800 054 659), qui est tenu d’intervenir ou de rembourser le matériel défectueux. Selon Enedis, le taux de réclamation lié aux compteurs communicants, tous motifs confondus, est de 0,7 %. C’est une petite proportion, mais cela représente selon nos calculs environ 80 000 foyers qui ont eu une expérience négative de l’installation de leur compteur Linky.

Les compteurs Linky provoquent-ils des incendies ?

PAS DIRECTEMENT, MAIS…

Question de Lordes82i :

« J’ai lu dans la presse qu’il y a eu des incendies d’habitation à cause du compteur linky, est-ce vrai ? »

Des articles de presse font régulièrement état d’incendies domestiques liés à Linky : par exemple, dans un appartement à Albi, dans une supérette à Marseille et, dernier en date, dans un pavillon du Loiret. Dans plusieurs de ces affaires, des enquêtes sont encore en cours.

Les incendies électriques sont des événements assez fréquents : on en compte 50 000 par an, selon l’ONSE (l’Observatoire national de la sécurité électrique), dont 3 % sont liés aux « installations des parties communes ou la distribution d’énergie », soit environ 1 500 chaque année.

A chaque incident, Enedis répète qu’« un compteur électrique ne peut pas exploser ni prendre feu spontanément ». Le gestionnaire du réseau assure que « tout comme n’importe quel matériel électrique, les compteurs Linky sont testés, certifiés et homologués pour respecter les normes techniques et exigences de sécurité élevées. Ils sont fabriqués à partir de matériaux intégrant des retardateurs de flamme ».

Si le boîtier Linky n’est pas forcément dangereux en lui-même, sa pose peut déclencher des incidents

La plupart du temps, ce n’est pas le compteur qui prend feu, mais une autre partie de l’installation électrique : le tableau, des appareils en surtension… Si le boîtier Linky n’est pas forcément dangereux en lui-même, sa pose peut déclencher des incidents. Ainsi, à Albi ou Marseille, de mauvais branchements réalisés par l’installateur de Linky ont immédiatement créé des surtensions et grillé les appareils. Enedis a reconnu sa responsabilité et dédommagé les usagers.

Des incendies sont aussi susceptibles de survenir à moyen terme, lorsqu’un compteur a été posé sur une installation défectueuse ou inadaptée. Or selon l’ONSE, sur les 29 millions de logements anciens, les deux tiers ont une installation présentant au moins une non-conformité : prise de terre défectueuse, fils apparents…

Promotelec, association qui regroupe les professionnels de l’électricité et de l’habitat (y compris Enedis), a rappelé dans un communiqué que « lorsque le technicien place Linky chez un particulier et règle le disjoncteur de branchement, il n’est pas chargé de vérifier si l’installation électrique du foyer sera à l’avenir en mesure de supporter un changement de puissance pour une puissance supérieure. »

Avant de modifier son abonnement pour augmenter la puissance souscrite, Promotelec conseille donc aux usagers de « faire vérifier par un électricien qualifié » l’état de leur installation. Mais cette intervention, aux frais du client, n’est que rarement réalisée.

Le compteur Linky a-t-il déjà causé des morts ?

NON

Cette question n’a pas été posée par nos lecteurs, mais il s’agit d’une rumeur relayée par plusieurs sites. Comme nous l’avions déjà expliqué dans un article en mars 2018, les articles sur « le premier mort lié au compteur Linky » sont des intox.

Ce hoax est né de la déformation d’un article de l’Est républicain, qui évoque un incendie mortel survenu dans un appartement à Laxou-Champ-le-Bœuf, en Meurthe-et-Moselle, en restant prudent sur sa cause. Six jours plus tard, un second article du même quotidien local rapportait des précisions du procureur de la République de Nancy, François Pérain, qui expliquait que « le foyer de l’incendie a été situé à l’intérieur du logement au niveau de l’emplacement d’un fauteuil ou d’un canapé », alors que le compteur électrique se trouvait à l’extérieur du logement.

Les compteurs communicants sont-ils obligatoires dans les autres pays européens ?

ÇA DÉPEND

Daniel Schaeffer :

« Quant à l’obligation d’accepter ce compteur, on nous parle de l’Europe, mais tous les pays ne l’ont pas rendu obligatoire, l’Allemagne par exemple. »

Une directive européenne fixe comme objectif 80 % de compteurs communicants en 2020 et 100 % en 2022. Mais elle est appliquée diversement au sein de l’Union européenne. L’Italie fait partie des premiers pays à avoir lancé, dès 2003, un remplacement de compteurs, achevé en 2011. Mais l’objectif premier n’était pas forcément écologique. Il s’agissait d’abord de réduire le risque de fraude. L’opérateur Enel assure d’ailleurs avoir rentabilisé l’opération grâce à ces gains financiers. La Suède a aussi achevé l’installation de 100 % de compteurs intelligents.

Comme l’explique le rapport de la Cour des comptes, l’Allemagne, où la distribution d’électricité est assurée par plusieurs centaines d’opérateurs, a calculé que le remplacement de tous les compteurs n’était pas équilibré économiquement. Le gouvernement a donc décidé de ne les déployer que pour 30 % des consommateurs au profil particulier : dans les bâtiments neufs ou rénovés, pour les gros usagers et les producteurs d’énergie renouvelables.

Au moins sept autres pays d’Europe ont renoncé ou limité le déploiement des compteurs connectés : la Lettonie, la Slovaquie, la Belgique, la Lituanie, le Portugal, la République tchèque et la Slovaquie. Pour d’autres, l’avancement va beaucoup plus lentement que prévu. C’est notamment le cas en Autriche, où la résistance des usagers a été liée aux inquiétudes sur les données partagées.

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