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L'homme n'est pas responsable de la disparition des premiers grands mammifères

Les espèces de mammifères géants comme les dinothériums ont commencé à disparaître il y a 4,6 millions d'années. Créative Commons - Tim Bertelink

Les grands mammifères ont commencé à péricliter il y a 4,6 millions d'années en Afrique sous l'effet de la diminution du taux de dioxyde de carbone contenu dans l'air. Nous avons cependant grandement contribué à amplifier le phénomène par la suite.

La cohabitation entre l'homme et les animaux est-elle impossible? En mars dernier, un article publié dans Science montrait la corrélation entre l'avancé de nos ancêtres sur le globe et la disparition progressive des gros mammifères. De nouveaux travaux menés par Tyler Faith, archéologue à l'Université de l'Utah, publiés ce 22 novembre, toujours dans Science , montrent que la disparition des premiers grands mammifères, il y a 4,6 millions d'années, ne serait pas due à la présence de l'homme, mais avant tout la conséquence d'un changement climatique et plus particulièrement d'une modification du taux de CO2 dans l'atmosphère.

Il y a 7 millions d'années, la faune africaine était très différente de celle d'aujourd'hui. Au moins trois espèces d'éléphants se partageaient la végétation avec des dinothériums (un cousin des éléphants dont les défenses poussaient sur la mâchoire inférieure), plusieurs espèces d'hippopotames et de rhinocéros. L'équipe de Tyler Faith a compilé toutes les extinctions d'herbivores en Afrique orientale depuis cette période. Ils se sont concentrés tout particulièrement sur les très grandes espèces, les «méga-herbivores». Leur diversité était incroyable mais elle a peu à peu diminué, au point que de nos jours, les rares survivants sont en grand danger (seul cinq espèces existent encore en Afrique quand plus d'une dizaine ont cohabité par le passé). «Nos analyses montrent un déclin constant et à long terme de la diversité des mégaherbivores à partir de 4,6 millions d'années», explique Tyler Faith. «Ce processus d'extinction a débuté plus d'un million d'années avant l'apparition des outils permettant de les chasser ou de découper leur viande.»

Un bouleversement climatique

La plus vieille trace de présence «humaine» dans le rift africain remonte à 5,9 millions d'années. Il s'agit d'Orrorine, représentant d'une des premières espèces d'hominine (un groupe qui rassemble les ancêtres des hommes et leurs proches parents depuis la séparation du chimpanzé). Pendant au moins 1 million d'années, ces premiers hominines semblent cohabiter pacifiquement avec cette mégafaune. L'équipe de Tyler Faith montre néanmoins que le nombre d'espèces commence à péricliter sans que la moindre révolution technologique ne survienne chez les hominines. Les premiers outils nécessaires à la découpe de la viande n'ont pas plus de 3,4 millions d'années. En revanche, à cette même période, le rift africain connaît une transformation profonde de sa végétation, probablement liée à une baisse globale du taux de CO2 dans l'atmosphère, selon les auteurs.

«Il y a entre 4 et 5 millions d'années le rift africain passe d'un paysage de forêts à celui d'une immense prairie», explique Regis Debruyne, paléogénéticien au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN). «C'est une végétation qui est favorisée par un faible niveau de CO2 dans l'air. Or la plupart des gros mammifères qui disparaissent à cette période se nourrissaient d'une végétation plus ligneuse, caractéristique des forêts.» C'est donc l'apparition de la savane qui aurait été fatale à de nombreux gros herbivores et, par ricochet, à certains grands prédateurs qui s'en nourrissaient. Une aubaine pour les premiers hommes qui ont commencé à prospérer dans ces paysages dégagés. La zone est d'ailleurs une des plus riches en termes de fossiles et de restes archéologiques. Plusieurs espèces d'hominines s'y sont établies.

«C'est toujours très délicat de tirer des conclusions sur les causes et les conséquences», décrypte Regis Debruyne. «Cette étude démontre de manière très solide qu'un changement climatique a accompagné un changement de végétation. Au même moment, la diversité des grands mammifères commence à péricliter alors que, selon toute vraisemblance, les premiers hommes ne disposaient pas encore des outils pour les chasser. Mais ils existaient et il est impossible de savoir quels impacts ils ont réellement eus. Et inversement, quel impact a eu la disparition de la magafaune et de certains carnivores sur ces premiers hommes.»

Tyler Faith ne remet pas en cause l'implication de l'homme dans les extinctions de mammifères plus récentes. Au contraire, pour lui, cette responsabilité incombe en grande partie à Homo sapiens, notre ancêtre direct apparu il y a 300.000 ans. Un peu comme si, il y a 4,6 millions d'années, un bouleversement climatique avait lancé un mouvement que nous continuons et amplifions depuis.

L'homme n'est pas responsable de la disparition des premiers grands mammifères

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27 commentaires
  • scolopax13

    le

    Ouf ! Les chasseurs n'y sont pour rien.

  • Youkos

    le

    Dernière disparition en date : les éléphants du PS. Ils se sont éteints sans bruit.

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