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Notre ancêtre Homo sapiens n'est pas issu d'une seule population africaine

Reconstitution en 3D du plus vieil Homo sapiens retrouvé au Marco, à Jebel Irhoud. PHILIPP GUNZ, MPI EVA LEIPZIG (LICENSE: CC-BY-SA 2.0)

VIDÉOS - Nos ancêtres auraient évolué à partir de populations dispersées à travers toute l'Afrique et non à partir d'un seul petit groupe localisé comme on avait pu le penser par le passé.

Jusqu'il y a une dizaine d'années, une théorie populaire soutenait que nos ancêtres directs étaient les descendants d'une seule population venue d'Afrique. Plusieurs hypothèses s'affrontaient alors pour situer le berceau de l'humanité soit en Afrique du Sud, soit dans le rift est-africain. Comme souvent, l'histoire serait sans doute un peu plus complexe que cela. Dans un article publié en juillet dernier dans la revue Trends in Ecology and Evolution , une équipe pluridisciplinaire menée par Eleanor Scerri de l'Université d'Oxford argumente que les populations qui ont donné naissance aux humains modernes étaient en fait réparties en plusieurs groupes présentant une diversité culturelle et physique très marquée. Ces dernières se seraient mélangées à diverses reprises avant d'effectuer une sortie d'Afrique décisive il y a 150.000 ans environ.

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Découverte du plus ancien Homo sapiens hors d'Afrique - Regarder sur Figaro Live

«Nous sommes face à une pièce de théâtre dont on connaît la première scène (plusieurs espèces humaines se sont côtoyées, NDLR) et la dernière scène (nous appartenons aujourd'hui tous à la même espèce, NDLR)» explique Francesco d'Errico, directeur de recherche au laboratoire Pacea (CNRS/Université de Bordeaux) et coauteur de la publication. «Tout le reste, on doit le comprendre à partir de découvertes qui sont encore à faire.»

Il y a plusieurs centaines de milliers d'années, avant l'apparition de l'homme moderne, le genre humain était multiple et plusieurs espèces d'hominines peuplaient la surface du globe. Une première population est sortie d'Afrique, il y a au moins 1,5 million d'années. Celle-ci a été suivie par plusieurs autres vagues migratoires, jusqu'à la sortie de nos ancêtres, il y a environ 150.000 ans. Ces derniers se sont ensuite répandus sur toute la surface du globe, supplantant toutes les populations antérieures. «Les analyses génétiques montrent très clairement que ce schéma est irréfutable», réagit Céline Bon paléogénéticienne au Musée de l'Homme.

Une humanité buissonnante

La publication d'Eleanor Scerri permet de réunir dans un même cadre global plusieurs découvertes récentes. En 2016, on découvrait au Maroc des restes de population Homo sapiens vieux de 300.000 ans. Il y a quelques mois, un article paru dans la revue Science, dont Francesco d'Errico était aussi co-auteur, montrait l'existence de populations avec des comportement modernes à la même période dans le bassin d'Olorgesailie au Kenya, en Afrique de l'Est. «Il y a moins de 500.000 ans, les hominines ont commencé à se moderniser en Afrique en différents points,» raconte Francesco d'Errico. «Ces populations étaient sans doute interconnectées, mais les liens restaient très fragiles et sensibles aux changements climatiques, au faible taux de reproduction et à la petite taille des groupes.»

Cette connexion semble intrinsèque à l'histoire humaine. Notre diversité génétique est ainsi extrêmement faible comparé aux autres. Il y a plus de différences entre deux groupes de chimpanzés qu'entre les plus éloignés des êtres humains. «Notre espèce est très jeune, à peine quelques centaines de millier d'années», détaille Céline Bon. «Aucune population ne s'est retrouvée isolée suffisamment longtemps pour se différencier. On a même des preuves génétiques que des populations européennes sont retournées sur le continent africain il y a 5000 ans seulement!»

La notion d'espèce de plus en plus complexe

Avant qu'Homo sapiens ne prennent le dessus sur les autres populations, l'humanité était donc extrêmement diverse et buissonnante. Des espèces différentes se côtoyaient et même s'hybridaient les unes aux autres. Il y a de fortes chances pour qu'une partie de ces espèces nous soient d'ailleurs encore inconnues. «C'est un élément qui rend compliqué notre compréhension de la période» explique Céline Bon. «La définition d'espèce est différente selon que l'on se place du point de vue génétique ou paléontologique.» Ce que nous voyons comme deux espèces distinctes sur le plan morphologique peut en réalité constituer une même espèce sur le plan génétique. Des populations plus ou moins éloignées ou en cours de spéciation restent souvent interfécondables.

Au final, le développement d'un réseau de connexions entre les différents individus a contribué peu à peu à atténuer les différences. «Il y a eu un goulot d'étranglement quand nos ancêtres directs sont sortis d'Afrique,» raconte Céline Bon. «On retrouve ce rétrécissement dans la diversité génétique de toutes les populations hors d'Afrique. En revanche, les populations africaines ont gardé une richesse et une diversité génétique bien plus importante. Ce qui montre qu'elles étaient sans doute plus nombreuses et plus diversifiées sur ce continent que nous ne le pensions.» Quant à savoir comment les populations ont petit à petit disparu au profit de la nôtre, que nous les ayons remplacées ou exterminées, le débat reste ouvert et la réponse est sans doute différente pour chacune d'entre elles.

FOCUS : L'Homo sapiens prend un coup de vieux ! - Regarder sur Figaro Live

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