La banquise la plus ancienne de l’Arctique se fissure

Février, puis août 2018 : à deux reprises, océanographes, glaciologues et climatologues ont observé l’ouverture de la glace de mer (banquise) et la formation d’espaces d’eau libre en un endroit au nord du Groenland où la glace est la plus ancienne et la plus épaisse. C’est la première fois que les scientifiques observent ce phénomène.

Selon la station météorologique du cap Morris Jesup, située au point le plus septentrional du Groenland, la température de l’air est montée au-dessus de – 20 °C pendant une dizaine de jours en février (hiver). La semaine du 13 août, elle a atteint 17 °C et les anémomètres ont enregistré des vents chauds, orientés vers le large, entraînant une réouverture des fissures de février.

Une région appelée « banquise pérenne »

« L’ouverture d’espaces d’eau libre (qu’on appelle aussi polynie NDLR) en bordure de la côte nord du Groenland est inhabituelle », indique Ruth Mottram, de l’Institut danois de météorologie, dans The Guardian, repris par BFM TV. Cette région est appelée « la dernière zone de glace » ou « banquise pérenne » car elle est considérée par les chercheurs comme étant la plus ancienne partie de mer gelée de l’océan Arctique, résistant à la fonte estivale. Toutefois, ces derniers événements suggèrent que la glace de mer la plus ancienne de l’Arctique soit localisée plus à l’ouest, en mer de Lincoln ou près de l’île canadienne d’Ellesmere.

Jusqu’à maintenant, en temps normal, la glace de cette partie de l’océan Arctique est particulièrement compacte. Ceci s’explique mécaniquement. En effet, le courant de dérive transpolaire qui s’écoule du nord de la Russie (Sibérie) vers le Canada au travers de l’océan Arctique pousse la glace qui se compacte à l’ouest, pouvant atteindre une épaisseur de 4 mètres et même former des « crêtes » de 20 mètres, selon Walt Meier, du National Snow and Ice Data Center.

Des changements de température brusques et inquiétants

D’après Thomas Lavergne, de l’Institut norvégien de météorologie, la fracturation de cette banquise laisserait pénétrer une eau plus chaude le long de la côte, repoussant la glace de mer vers le large, amplifiant ainsi le processus de fonte. « Même si cette ouverture se refermait dans quelques jours, le mal sera fait », explique le chercheur. « L’épaisse couche de glace plus âgée aura été éloignée de la rive, jusqu’à une zone où elle fondra plus facilement », poursuit-il.

Depuis le début de l’année, ces changements brusques de température inquiètent les scientifiques. L’hiver 2018-2019, ils ont déjà altéré le « vortex polaire », ce tourbillon de vent froid qui se forme au-dessus du pôle Nord. Ce sont eux également qui affaiblissent le Gulf Stream, courant marin séparant l’eau chaude de l’eau froide, dont l’intensité est à son plus bas niveau depuis mille six cents ans.

Avec ce ralentissement de la circulation de l’air et de l’eau dans l’hémisphère Nord, les phases de réchauffement tendent à durer plus longtemps et donc à exercer un plus fort impact.

Pour l’heure, les chercheurs ne font pas de lien direct avec la montée du niveau des océans. Ce qui n’empêche pas différentes régions côtières de l’hémisphère Nord – notamment Rotterdam, aux Pays-Bas, ou Boston et New York, aux États-Unis – de se préparer à de futures submersions.