Maladies et ravageurs : la génétique au service des résistances

Michel Pitrat

Les résistances génétiques sont l’un des éléments dans les stratégies de contrôle les bioagresseurs tels des champignons, des insectes ou des nématodes dans une perspective de réduction de la gamme des produits phytosanitaires. Mais si les variétés résistantes sont l’un des facteurs les plus faciles à employer pour limiter l’incidence des maladies des plantes, cela ne signifie pas qu’elles suffisent à résoudre tous les problèmes.
La verveine ornementale fait partie des rares espèces ornementales où les résistances ont été développées, comme celle contre l’oïdium
La verveine ornementale fait partie des rares espèces ornementales où les résistances ont été développées, comme celle contre l’oïdium – © H. Summerly

 

Certaines résistances génétiques ne sont que partielles, ralentissant le développement d’une épidémie ou donnant des symptômes moins intenses, comme par exemple la résistance de la courgette à l’oïdium. D’autre part, les bio-agresseurs, comme tous les êtres vivants, ont une certaine variabilité et certaines souches sont capables de surmonter ou de contourner des résistances présentes dans une variété. On parle alors de races d’un agent pathogène. Ainsi, il existe des résistances spécifiques de certaines races de mildiou de la laitue ou de rouille de la rose trémière. Un contre-exemple est fourni par la résistance du concombre à la cladosporiose (nuile) qui est une résistance de très haut niveau (aucun symptôme sur la plante) et efficace vis-à-vis de toutes les souches de ce champignon.

L’utilisation à bon escient d’une variété possédant des résistances suppose une certaine connaissance des bio-agresseurs : détermination de l’espèce, voire de la race, risques de développement des épidémies.

Ornementales moins que légumières

Les résistances aux bio-agresseurs constituent rarement le premier facteur de choix variétal par rapport à d’autres caractéristiques comme les qualités esthétiques ou organoleptiques, l’adaptation au sol et au climat, la précocité… Les résistances ont été beaucoup plus développées chez les espèces légumières que chez les espèces ornementales. Ainsi, certaines variétés de tomate possèdent des résistances à 6 ou 7 maladies différentes. Pour les espèces ornementales, on peut citer les verveines (résistance à l’oïdium), la rose trémière (rouille), l’aubépine (feu bactérien), les rosiers (Marsonnina, rouille, oïdium). La gamme Ampelia® de raisin de table pour les amateurs avec les variétés Amandin, Aladin et Perdin est résistante à l’oïdium et au mildiou. Pour certaines espèces, essentiellement des Solanacées et des Cucurbitacées, le greffage peut être envisagé pour lutter contre des maladies liées au sol[1] (nématodes, Fusarium, Verticillium, racines liégeuses…). Les résistances aux insectes sont encore relativement rares mais il faut signaler des variétés de melon et de laitue résistantes aux pucerons, ainsi que les porte-greffes de vigne résistants au puceron des racines (phylloxera).

Résistances sauvages

Test oidium

Tests de résistance du melon à l’oïdium : sur jeunes plantes (en haut) et sur disques de feuilles en survie
Tests de résistance du melon à l’oïdium : sur jeunes plantes (en haut) et sur disques de feuilles en survie – © INRA

D’où sont issues ces résistances ? La majorité provient de la variabilité naturelle dans l’espèce cultivée, soit des formes sauvages, soit de variétés, par exemple la résistance du haricot à l’anthracnose, du pois à la fusariose ou du melon au puceron Aphis gossypii. Lorsqu’il n’existe pas de résistance dans l’espèce elle-même, il est parfois possible d’identifier des résistances dans les espèces voisines sauvages ou cultivées. La réalisation des hybrides interspécifiques nécessite souvent d’avoir recours aux techniques de culture in vitro d’embryons. Des problèmes de fertilité peuvent ensuite se présenter dans les premières générations. Pratiquement toutes les résistances aux maladies présentes dans les variétés modernes de tomate proviennent d’espèces sauvages. De même, les résistances de la laitue au puceron Nasonovia ou à certaines races de mildiou ont été introduites à partir d’espèces sauvages. La variété de pommier Ariane, résistante aux races communes de tavelure, est issue d’un croisement avec l’espèce ornementale Malus floribunda réalisé dans les années 1940 aux Etats-Unis.

OGM non autorisés

Les organismes génétiquement modifiés (OGM) pourraient également, dans certains cas, apporter une solution. Ainsi la bactérie Bacillus thuringiensis produit des protéines toxiques (Bt) qui sont utilisées en pulvérisation pour lutter contre certains insectes, en particulier des chenilles. Cet emploi est autorisé en agriculture biologique. L’introduction des gènes de la bactérie codant pour ces toxines a été réalisée avec succès chez le maïs par exemple pour lutter contre la pyrale. Aujourd’hui cette méthode n’est pas autorisée en France.

Éviter le loup dans la bergerie

Il est recommandé d’utiliser des graines et des plantes saines afin de ne pas introduire le loup dans la bergerie, en particulier pour les plantes à multiplication végétative. Des schémas de sélection sanitaire efficace ont été mis en place aussi bien chez les plantes légumières que chez les ornementales (Pelargonium, bulbes…).

Sans être lié directement aux résistances aux agents pathogènes, des interactions inattendues peuvent se présenter entre les variétés et les produits phytosanitaires utilisés :

  • Des variétés peuvent être sensibles à des produits de traitement. Par exemple, les feuilles de certaines variétés de melon nécrosent lorsque l’on utilise le soufre pour contrôler l’oïdium.
  • L’efficacité des stimulateurs de défense des plantes[2] peut être dépendante de la variété.

Disponibilités limitées

L’utilisation de variétés résistantes est l’une des méthodes pour réduire l’incidence des maladies. Mais ce n’est pas toujours possible. Dans les pires cas, l’amateur sera contraint d’abandonner la culture de certaines espèces : c’est la question qui se pose aujourd’hui pour le buis face au champignon Cylindrocladium et à la pyrale.

La plupart des variétés anciennes qui sont aujourd’hui utilisées pour une diversification des produits, en particulier chez les espèces légumières, sont sensibles aux agents pathogènes courants. Les catalogues commerciaux des producteurs de semences indiquent les résistances aux maladies. On peut constater (et déplorer) que ces variétés résistantes ne sont pas toujours disponibles chez les producteurs de plants qui fournissent souvent les jardiniers amateurs, ou que les informations concernant les résistances soient rarement indiquées.

Ne pas « gaspiller » les résistances

Les résistances aux maladies sont rares voire très rares parmi les ressources génétiques. Des milliers d’accessions doivent parfois être testées afin d’identifier une accession résistante et parfois aucune résistance n’est trouvée. Ensuite, les programmes de sélection peuvent être très longs avant d’aboutir à une variété présentant une valeur commerciale, en particulier à la suite de croisements interspécifiques. Il ne faut donc pas « gaspiller » les résistances c’est-à-dire les placer dans des situations où l’agent pathogène peut les surmonter. La bonne gestion des résistances est l’un des enjeux de l’agriculture et de l’horticulture d’aujourd’hui et de demain. Les mélanges variétaux et les mélanges d’espèces peuvent être des méthodes pour diminuer l’incidence de certaines maladies et augmenter la durabilité des résistances.

 

[1] Voir Les stimulateurs de défense des plantes : le cas du pommier par M.N. Brisset, Jardins de France 628, mars-avril 2014.

[2] Voir Le greffage des légumes : l’intérêt et la pratique par M. Javoy, M. Pitrat M et J.D. Arnaud, Jardins de France 637, sept-oct. 2015.

 

Des concours de roses qui tiennent compte de la résistance aux maladies

La capacité de tolérance aux maladies est l’un des critères pris en compte par le Grand prix de la rose SNHF
La capacité de tolérance aux maladies est l’un des critères pris en compte par le Grand prix de la rose SNHF – © J.-F. Coffin

Le premier concours de roses a été créé à Bagatelle, il y a plus de cent ans. Depuis, de nombreux autres concours, destinés à récompenser les meilleures variétés de rosiers c’est-à-dire les plus belles roses, ont vu le jour1. A côté de ces concours où les roses sont suivies et évaluées dans un endroit précis (Bagatelle, Saverne, Lyon, Orléans…), il existe d’autres types d’examen. Ainsi en 1938, les américains ont ajouté des tests de comportement en testant les variétés sur plusieurs sites (AARS2). En 1950, le concours allemand (ADR) a adopté cette conception multi site, suivi en 2005 par la SNHF et son Grand prix de la rose. Pour le concours ADR3 et le Grand prix de la rose, les rosiers sont observés pendant 3 ans, dans 11 stations d’essais pour le premier et dans 7 sites publics pour le second. L’originalité de ces deux concours tient au fait que durant la période d’essai aucun traitement phytosanitaire n’est appliqué. De telle sorte que les rosiers sont jugés non seulement pour leurs qualités esthétiques, leur capacité d’adaptation à différents environnements mais aussi pour leur capacité de tolérance aux maladies, récompensant ainsi les obtenteurs de rosiers qui depuis longtemps insèrent la résistance aux maladies et ravageurs dans leurs programmes de sélection. Ainsi dans un contexte de réduction des pesticides, ces rosiers ont toute leur place au jardin. ND

1 Voir l’article de Marie-Hélène Loaëc dans Jardins de France, mai 2009 : Pour élire les plus belles, les concours de roses.

2 Concours de l’AARS (All-American Rose selection)

3 ADR-Allgemeine Deutsche Rosenneuheitenprüfung

 

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