★ Hacker ensemble l’éducation : compte rendu d’ateliers

Lors du festival de la 5D et du forum IRL des Geek faëries nous avons testé avec les personnes un nouveau format de discussion sous forme d’atelier, et les idées des personnes ont été beaucoup trop intéressantes pour ne pas le partager avec tout le monde 🙂


Comment ça s’est passé


Cela a duré entre 2 h 30 et 3 h par atelier, il s’agissait qu’on investigue tous ensemble sur les problèmes dans l’éducation (à l’école, au secondaire, dans le supérieur et sous tous les points de vue, profs, élèves, étudiants…), qu’on extirpe les problématiques majeures, les points positifs, les solutions aux problèmes et qu’on redéfinisse la finalité de l’école.

Ainsi à la 5D (image ci-dessus), nous avons réfléchi ensemble aux points négatifs et positifs, puis aux solutions, puis aux finalités qu’on devrait donner à l’école ; aux Geek faëries, on a procédé un peu différemment en réfléchissant tout en même temps, ce qui était représenté par 3 colonnes : problèmes, points positifs, solutions (on a procédé différemment car on s’est rendu compte du manque de temps que nous nous étions accordé pour réfléchir à des solutions à la 5D).

Nous n’avons pas formalisé trop fort les règles, c’était important que le cadre ne soit pas étouffant, mais en même temps il fallait de la structure. Notre rôle principal n’était pas d’exposer notre avis, mais plus de permettre à chacun de s’exprimer et qu’on puisse réfléchir ensemble. La voix des personnes d’abord, l’intuition collective comme moteur.

Nous n’avons pas encore beaucoup d’expérience sur ce mode atelier, ainsi nous nous excusons auprès des moins extravertis pour la difficulté qu’il pouvait y avoir parfois à s’exprimer, nous allons essayer de trouver une astuce pour que chacun, même timide ou n’aimant pas l’oral, puisse parler dans un grand groupe, puisse apporter sa pierre à l’édifice.

Nous avons commencé par une amorce à la créativité : il s’agissait pour ceux qui le voulait, de se présenter de façon totalement imaginaire comme un expert ou spécialiste. Comme le nom l’indique, cela amorce la créativité (et donc libère l’imagination pour trouver toute sorte d’idées), c’est fun, ça permet de sortir de soi (et sortir de la crainte d’être mal perçu, jugé, déprécié…), et ce sont des expériences en psychologie qui ne sont absolument pas jugeantes, pas évaluatives, qui ont juste pour but de se mettre en mode créatif.

Il y a d’autres exemples d’amorces à la créativité dans cette émission géniale (par exemple l’exercice de la tartine) : https://www.rts.ch/play/tv/specimen/video/comment-avoir-une-idee-geniale?id=4536506

Là c’était l’année dernière (on pas de photos de vue d’ensemble de cette année, si vous en avez contactez-nous !)

Ainsi, aux Geek Faëries par exemple il y a eu : Un spécialiste des spécialistes, un spécialiste global, une médecin légiste spécialisée en sirènes, un créateur de problème, une peigneuse de girafes, l’inventeur du savon salissant, un fabricant d’objets invisibles, une spécialiste des animaux fantastiques, un tailleur de nuages, un spécialiste de la couleur écrevisse, un pirate de l’espace, un psychologue spécialiste des hamsters, un épongeur de flaques d’eau, un allumeur de réverbères, une trieuse de mine de crayons, une chargée du ministère de la Défense en armes type sabres lasers, […]

Voici donc ce qu’a donné le premier problème storming (désolé pour la qualité des papiers, ils ont beaucoup voyagé) :

à la 5D (c’est juste la première partie) : 

et aux GF y sont couplées les solutions :

Allons voir cela plus en détail.


Les problèmes


J’ai ici rangé les problèmes en plusieurs catégories :

  • #social : ce qui est lié aux relations sociales directes

  • #structures/systèmes : ce qui est lié à l’organisation, aux façons de faire, aux règles, aux budgets, moyens…

  • #conceptions : toutes les idées croyances qui régissent et sous-tendent les structures/systèmes.

  • #finalités : les buts que devrait avoir l’école

Cette classification est imparfaite, comme toute classification, parce qu’un problème pourrait se retrouver dans toutes les catégories à la fois aussi, mais il s’agit juste de clarifier et ça va nous permettre de réfléchir systématiquement ensuite.

Tous les points ont été soulevés par les personnes présentes à la 5D ou aux GF, à l’exception d’un que j’avais donné comme exemple. Nous avons juste parfois reformulé avec les personnes pour que leur parole complexe puisse tenir sur un post it, ainsi j’ai tenté de restaurer ici leur parole. Là aussi, peut être qu’une prochaine fois je tenterais d’enregistrer au moins en audio, pas pour diffusion (cela peut bloquer la parole ou rendre moins créatif que de se savoir enregistré), mais pour mieux restaurer la complexité des idées qui ont été discuté et le flot de la discussion.

#social

  • Harcèlement ; nous parlions là plus du harcèlement entre élèves, qui est évidemment extrêmement délétère.

  • Humiliation ; ici, il s’agit d’une attaque provenant de l’attitude de certains professeurs qui humilient leurs élèves.

  • Violence éducative ; cela fait référence à la structure dans laquelle se fait l’enseignement, que ce soit dans les méthodes d’évaluation , dans la pédagogie ou les méthodes.

  • Adultisme, être dominant vis-à-vis de l’enfant ; autrement dit, être autoritaire et ne pas lui laisser vraiment de place en terme d’expression, d’initiatives, de créativité, de curiosité, mais lui imposer des choses.

  • Pas d’adaptation à l’enfant : la personne disait qu’actuellement on est dans une pensée où c’est aux enfants de s’adapter et de se plier aux besoins/volontés de l’adulte, avec toute la difficulté que cela peut entraîner.

  • Prof = autorité, pas de relation avec lui ; les professeurs nous rapportaient que soit ils se sentaient obligés de rester à distance, soit on attendait d’eux une distance. Étonnamment, cette même discussion sur l’obligation d’être distant s’est reproduite lorsqu’on a abordé le travail dans un autre atelier, avec le management où l’on oblige explicitement les chefs à opérer de la distance avec leurs subordonnés pour garder « l’autorité ».

  • La destruction de l’estime de soi des élèves ; cela pourrait être un résumé des points précédents, sa conséquence. Un psychologue ayant travaillé avec des enfants de primaire nous rapportait que déjà à cet âge ils étaient pour certains dans une forte impuissance apprise, c’est-à-dire qu’ils se sentaient complètement nuls et sans pouvoir de réussir quoi que ce soit.

#savoirs

  • en quoi ça a du sens ? Les personnes soulevaient cette question face aux savoirs qu’on leur a livrés à l’école/collège/lycée et également en le comparant à la vie réelle.

  • manque de lien avec la vie concrète | Cours très distant d’IRL ; très en lien avec le point précédent, le manque de sens fait écho aussi avec le manque d’accroche avec le réel de l’élève. Parfois parce qu’effectivement les savoirs n’ont servi à rien adulte, parfois parce que ce n’était pas connecté dans l’immédiat (mais ça a pu servir après).

  • Ennui ; ça, c’est moi qui l’ai soulevé à titre d’exemple, car effectivement je me suis ennuyée dès le primaire et jusqu’à la fin du lycée, à l’exception de quelques cours avec des professeurs passionnés ou engagés. Je m’ennuyais à cause du rythme trop lent des cours, ou de la fixation sur ce qui m’apparaissait des détails inutiles, je m’ennuyais parce que je ne voyais pas l’intérêt du savoir, je m’ennuyais parce que ce n’était que des exercices répétitifs contraignants, etc.

  • Savoir attribué juste au professeur ; les personnes ont soulevé de nombreux exemples où l’élève soulignait une erreur à juste titre ou encore partageait un savoir, mais était dénigré, coupé ou renvoyé à leur statut supposé d’ignorant. D’autres ont également mentionné positivement des professeurs reconnaissant leurs erreurs. Plus globalement, il a été souligné par les personnes que les structures font que le savoir n’est porté que par le professeur, et qu’il n’y a pas de possibilité pour l’élève ou l’étudiant d’y apporter ses connaissances, réflexions, savoirs ; qu’il est considéré comme un ignorant.

  • Désintérêt de certains profs pour le savoir qu’ils enseignent ; la personne expliquait que certains profs disaient ouvertement qu’ils n’avaient aucun intérêt pour leur matière, leur métier, que c’était un choix pour être tranquille ou par défaut d’autre chose. En cela la transmission était mauvaise, aucune passion ne passait, ni via le savoir et ce qu’il aurait pu être intéressant, ni social ou pédagogique.

  • manque de justification des savoirs |Cours inadaptés à la discipline ou au métier ; c’est-à-dire que les savoirs sont livrés sans explication vis-à-vis de la discipline, de la vie, du futur métier, les élèves ou étudiants ne sont pas informer de qu’est-ce qui justifie d’apprendre ceci et pas autre chose, jusqu’au point ou les personnes se demandent qu’elle est la logique entre ce savoir imposé et l’intitulé de leur cursus.

  • Conservatisme ; pas le droit d’exprimer son sentiment s’il n’a pas été soulevé et justifié par le passé ; par exemple en littérature, l’étudiant ne pouvait proposer une nouvelle interprétation d’un texte ou d’une traduction sauf s’il prenait référence sur d’autres recherches (ce qui n’est pas une nouvelle interprétation, d’où l’injonction paradoxale : soyez créatif, mais uniquement si ce n’est pas original).

#systèmes/structures

  • trop d’heures de travail pour les élèves ; des lycéens racontaient qu’ils étaient débordés de travail, surmenés .

  • Travail après l’école ; toujours dans la même thématique du surmenage des élèves, le travail après l’école pose un gros problème de fatigue ; le rythme des enfants vis-à-vis des devoirs a été souligné.

  • Trop d’élèves en classe ; c’est un point soulevé à la fois par des professeurs, des instituteurs et des élèves. Cela empêche une transmission de savoir, ça empêche l’adaptation entre élèves/profs, cela empêche les initiatives, etc.

  • Manque de démocratie ; la démocratie a été ici entendue au sens d’écoute de tous les avis, de la prise de décision. Le système de délégué a été dit bien peu démocratique, et il manque la possibilité de prendre des décisions importantes que ce soit par les élèves ou les professeurs : des décisions qui changeraient la structure de l’école par exemple, en l’améliorant en profondeur, en l’ajustant, etc.

  • Méconnaissance du fonctionnement humain, du point de vue de la psychologie et aussi d’un point de vue neuro ; la personne racontait à quel point elle avait été d’un côté fascinée d’en apprendre plus sur les fonctions cognitives, la neuro et l’apprentissage (par son initiative personnelle), et qu’elle trouvait désolant que l’on n’apprenne pas cela aux professeurs, à ceux travaillant dans l’éducation ; une autre personne aux Geeks Faëries, professeure, se désolait de n’avoir que deux heures de psychologie dans sa formation, alors que c’était selon elle une base pour savoir bien enseigner.

  • Programme | Pression du programme pour les professeurs ; il a été souligné par des professeurs à quel point le programme, notamment dans les années où les élèves ont des examens, est pressant et empêche de prendre des initiatives pédagogiques, tester des nouveaux modèles.

  • Évaluation | Bac ; que ce soit à la 5D ou aux Geek Faeries, l’évaluation a été une problématique très soulevée, notamment pour son caractère autoritaire et dévalorisante chez les élèves. Les calculs de l’évaluation ont aussi été soulignés comme problématique, la moyenne étant très souvent peu signifiante.

  • Méconnaissance des profils atypiques ; toujours dans ce problème de formation aux questions psychologiques, neuro, sociales, le personnel enseignant n’est pas formé aux besoins/problèmes/atouts des profils atypiques (autisme, haut potentiel…) alors qu’il y a une demande du gouvernement que l’école soit plus inclusive, ce qui génère une forme d’injonction paradoxale.

  • Hiérarchie entre les facs ; comme dans le modèle américain, les personnes nous ont raconté à quel point étaient dévalorisées de plus en plus certaines facs et d’autres étaient vues comme prestigieuses, faisant là une compétition qui n’était pas légitime. Certains nous ont rapporté que leur petite fac non prestigieuse était au contraire très appréciable, car à taille humaine, avec plus de relation entre professeurs et étudiants.

  • Structure autoritaire ; c’est un des déterminants qui est sous-jacent à bon nombre des problèmes soulevés, que ce soit l’imposition des programmes, la hiérarchisation des individus. Le haut décide pour le bas, haut qui est en plus complètement déconnecte de la réalité le plus souvent.

  • Administration très rigide ; les personnes nous ont rapporté l’énorme difficulté que pose l’administration pour le moindre demande de matériel ou autorisation à la moindre petite innovation. Les circuits où doivent passer l’information sont longs, laborieux, même pour des choses toutes simples comme le matériel. La rigidité s’exprime également dans l’autorité des règlements.

  • Pas assez de formation des profs ; comme il a été souligné précédemment pour les savoirs psychologiques, la formation est très lacunaire pour des tas d’autres points pédagogiques selon les professeurs eux-mêmes. Ils veulent se former également en formation continue, mais sont surmenés.

  • Pas assez de moyens | Inégalités ou inadéquation des moyens entre les écoles ; toutes les écoles sont différentes, c’est le jour et la nuit selon les établissements, en cela la vie des profs l’est également. Le manque de moyens en fonction des besoins particuliers est criant dans certaines et dans d’autres écoles, il y a tout ce qu’il faut. Les initiatives, l’élan des professeurs est là, les idées sont là, même le gouvernement peut être en accord avec ces idées (par exemple sur la nécessité de l’inclusion) mais on ne donne pas les moyens de le faire. On tombe encore sur une injonction paradoxale extrêmement frustrante pour les professeurs.

#conceptions problématiques

  • Croyance que souffrance = réussite | Représentation du jeu comme « pas bien »; dans les deux ateliers (et même les trois, sur la question du travail), nous avons constaté que le plaisir, le jeu, la joie, sont souvent dénigrés. Des personnes travaillant dans l’éducation nous ont rapporté des jugements sur le fait qu’il transmettait le savoir par le jeu, et la joie des enfants. Les personnes qui arrivent à apprendre dans la joie et la facilité sont aussi dénigrées. Nous pensons pour notre part que cette représentation qu’il faut souffrir pour apprendre est un déterminant fort sur le fait que l’éducation ait tant de mal à évoluer ou perpétue des pratiques allant contre l’apprentissage. La joie au contraire, le plaisir, le jeu, sont des facilitateurs d’apprentissage, et la souffrance un frein.

  • Responsabilité éducative attribuée toute aux profs (et pas aux parents ou à l’administration) | Tous les problèmes sont attribués aux profs ; les profs sont beaucoup accusés et pourtant l’éducation se passe aussi à la maison, avec les parents, la famille. Or il est difficile d’apprendre à des enfants si la famille est en opposition avec ce qui se fait à l’école ou n’offre pas un minimum de conditions permettant un bon apprentissage. Les profs nous ont dit qu’il ne s’agissait pas d’être en concurrence avec les parents, mais de pouvoir travailler de concert. Or la défiance semble régner. Les problèmes d’éducation sont tous attribués aux professeurs, alors que nous avons vu que la sphère administrative/bureaucratique était totalement exclue des explications causales des problèmes. Or le cadre de l’école est fondé par l’administration en grande partie, posant des limites, ralentissant ou accélérant des processus. Nous avons souligné qu’il s’agissait d’erreur fondamentale d’attribution qui vaut tout aussi bien pour les parents d’ailleurs : plutôt que d’accuser le fonctionnement des structures, des politiques, des systèmes, des personnes sont accusées. Or les causes des problèmes sont complexes et dépassent de loin des seuls individus, il s’agit de toute une interdépendance entre différents environnements sociaux et leurs problématiques (les politiques à l’œuvre, les moyens financiers et matériels attribués ou non, la structure administrative de l’école, de l’éducation nationale, la ville, les déterminants économiques, sociaux…)

  • Apprendre est considéré comme une contrainte ; dans le même ordre d’idée qu’on doit souffrir, il est répandu de se représenter l’apprentissage comme dur, demandant des efforts, que c’est opposé aux loisirs, au fun, au plaisir. Or les recherches en psycho et neuro montrent tout l’inverse, c’est le plaisir, le fun, l’enthousiasme qui pousse l’individu à apprendre avec très grande qualité. Je donne souvent l’exemple de l’enfant qui répète sans cesse les mêmes mouvements avec son ballon : dès qu’il a un instant de libre, il apprend avec vigueur et rigueur et pourtant ce n’est une contrainte, un effort, dur. Il le fait parce qu’il aime ça en soi, et parce qu’il aime cela en soi, il répète avec rigueur. Mais étrangement, dans de nombreuses pratiques éducatives, le plaisir est opposé au « sérieux », or c’est leur entremêlement qui produit l’apprentissage le plus solide. Le jeu vidéo, immense mécanisme d’apprentissage, est un bon exemple de comment on apprend avec passion d’abord, et par passion on devient rigoureux.

  • Pensée méritocratique, là encore c’est très mêlé avec ces idées qu’il faut souffrir pour réussir, qu’apprendre cela doit être dur. Nous avons fait la distinction entre l’effort, qui effectivement doit être félicité, reconnu chez l’élève, mais ne doit pas le faire « plus méritant », le hiérarchiser parmi les autres élèves. La hiérarchisation sous-tendue par la méritocratie est le principal problème : on classe les personnes

  • faire de l’instruction plutôt que de l’éducation ; une personne disait à juste titre que l’éducation est un très beau mot, une belle mission, mais qu’actuellement on est plus sur des volontés politiques et dans les faits sur de l’instruction. C’est-à-dire que sous couvert « d’éduquer » il s’agit de mouler, remplir la tête des élèves avec une somme de connaissances déterminées par le haut (et non la vie actuelle, les besoins de l’enfant ou de lorsqu’il sera adulte ou professionnel) formatantes. Ce n’est pas « élever » (l’étymologie d’éduquer) la personne, mais c’est la mouler dans un moule défini.


Points positifs


Ils ont été peu nombreux, mais les personnes nous en ont parlé avec passion et étoiles dans les yeux. Ce n’était pas de « petits » points positifs, mais un réel élan qui leur a fait du bien dans leur vie, qui les ont marqués de la plus belle façon, qui les a éduqués au sens d’élever en tant qu’individu

  • Accès à la connaissance et au savoir ; l’école reste un lieu de découverte des disciplines, qui peuvent faire naître des vocations, des passions ; dans les deux ateliers, l’accent n’a pas été mis sur le futur travail, ce qui est particulièrement intéressant contrairement à ce qu’on entend généralement.

  • Les profs passionnés, qui transmettent de la passion à la discipline, et qui rendent tout intéressant.

  • La vie en communauté (extra ou périscolaire) | vie associative | Environnement social/communauté ; l’environnement social dans l’école peut être très positif, mais c’est surtout autour de l’école que les personnes ont souligné les apports, y compris dans la ville/le village.

  • Interdisciplinarité ; des lycéens ont rapporté l’enthousiasme qu’ils ont à avoir le choix d’avoir un parcours très varié et interdisciplinaire, le tout couplé à beaucoup de ressources à disposition.

  • Sorties, classes découvertes ; cela a fait l’unanimité à Belfort (et d’ailleurs cela a été répété dans d’autres ateliers), il y a vraiment un gros point fort aux sorties, à apprendre à l’extérieur de l’école qui est trop fermée. Plus conceptuellement, nous avons beaucoup discuté de la transmission d’expériences, de l’expérience elle-même qui est très manquante alors que c’est un fort enrichissement et qui pourrait se faire avec une très forte mixité (personnes de tout âge, de toutes catégories socio/professionnelle).

  • Droit à l’échec, il est permis dans certaines classes, mais aurait tout aussi bien figuré dans les points négatifs, car il est rarement accordé.

  • TP avec beaucoup de matériel, qui permettent tout autant d’enthousiasme à porter de main.

  • Évaluer la méthode plutôt que somme des savoirs ; certains professeurs évaluent la méthode plutôt que la somme encyclopédique de connaissances, ce qui évite des sessions de par cœur pénible et peu profitable à l’individu.


Solutions


  • Espaces alternatifs où apprendre (éducation populaire, vulgarisation…) ; il a été souligné la positivité des lieux alternatifs où l’on apprend, que ce soit lié à l’éducation populaire, la vulgarisation ; il pourrait y avoir encore plus de lieux de la sorte servant à tous.

  • Ne pas faire de compétition sociale ; il s’agit d’arrêter la comparaison sociale entre élèves via les évaluations, c’est-à-dire les mettre en compétition type concours, cela détruit la motivation, met une pression inutile. Cette compétition va au-delà et nous avons discuté aussi de la pression intergénérationnelle, qu’on ressent quant à l’impression de faire moins bien que ses parents, sa « classe sociale », ses proches : or le monde change rapidement, se transforme totalement, ainsi ce n’est pas comparable et chacun devrait être conscient qu’il n’y a pas à se comparer ni que tout ceci est une course contre les autres.

  • Développement de l’esprit critique ; c’est un point « programme » qui a été souligné comme nécessaire à notre époque, notamment pour être outillé, pour chercher l’information et les savoirs par soi-même, sur Internet et ailleurs. Nous avons souligné le reportage d’Hygiène mentale sur une classe d’Hoaxbuster qui semblait fort bien remplir cet apprentissage critique :

  • inclure tous les profils ; bien que l’inclusion soit à l’ordre du jour, dans les faits, les professeurs ont dit que les moyens et dispositions ne suivaient pas. Par exemple la formation et le temps pour se former, aux profils atypiques et leurs besoins. Toutes les différences devraient être acceptées et la structuration des enseignements devraient être inclusive, il ne s’agit pas juste d’accepter à l’école les profils atypiques, mais que l’enseignement, la classe, l’administration, le cadre soit inclusif, et que les différences – par exemple d’attrait pour telle ou telle activité – soit un atout.

  • Plus d’espace d’expression libre ; il manque de lieux et temps de discussions, d’échanges prolifiques sur des sujets importants, qui seraient pourtant extrêmement formateurs, également à la citoyenneté, à la démocratie.

  • Plus d’accès aux ressources : le manque de moyens et de disponibilité fait que dans certaines écoles les ressources sont dures d’accès. Pourtant plus d’accès à ces ressources favoriseraient l’autonomie

  • changer le rôle du prof : la discussion portait sur l’autorité, qui est un problème à la fois pour les professeurs et les élèves, certains élèves étant provocants pour chercher à tout prix l’autorité (punitions, réprimandes…), car ils n’ont connu que ça. Le problème est le rôle : pourquoi pas penser le prof comme un facilitateur d’apprentissage, un médiateur, voire comme un MJ/game designer ?

  • Accompagner la transmission des savoirs plutôt qu’en stratégie « autoritaire » ; dans le même ordre d’idée, sur le rôle du professeur, l’autorité semble un gros frein à l’apprentissage alors que les personnes pensent que le rôle de l’éducateur est d’accompagner et de permettre la transmission de savoir, que l’imposition du savoir est par essence problématique.

  • Être capable de dire « je ne sais pas », cela a été soulevé en réponse au fait que la parole des élèves n’était pas crue, pas considérée, ou discussion détournée quand le professeur ne savait pas. Savoir tout simplement dire « je ne sais pas » de la part de l’enseignant est important pour éviter toutes sortes de biais, notamment que l’élève se sente dévalorisé ou sous autorité. Plus globalement, nous dirions que savoir dire « je ne sais pas » est extrêmement important dans la vie courante pour éviter les manipulations et influences négatives. C’est aussi un gage de confiance : quand quelqu’un assume son ignorance et le dit clairement, il sera d’autant plus crédible quand il présentera des connaissances qu’il dit maîtriser.

  • Choisir ses critères d’évaluation : une personne a signalé que pour certains examens, on lui a laissé le choix des critères d’évaluation, ce qui est une intéressante innovation portée à l’évaluation.

  • Apprendre à faire apprendre ; la discussion portait sur des expériences menées par les personnes où les élèves s’entraidaient. Il s’est posé la question alors de leur apprendre à faire apprendre, autrement dit de les former à être pédagogue ou leur donner des trucs de pédagogie. On ne peut que plussoyer, car effectivement la meilleure façon d’apprendre est de transmettre à autrui, mais c’est aussi une compétence à elle seule qu’on peut apprendre.

  • Transparence sur les critères d’évaluation ; des professeurs ont signalé qu’ils mettaient un point d’honneur à rendre transparents les critères d’évaluations, ce qui permet aux élèves de savoir ce qu’il y a à faire et comment, là où nous avons remarqué que l’opacité sur les critères d’évaluation était une forme de domination rendant confus les élèves ou étudiants.

  • Appliquer par le jeu les savoirs (comme un jeu de rôle). Une personne travaillant dans l’éducation racontait comment les savoirs qu’elles transmettaient étaient ensuite joués en jeu de rôle, et que les enfants s’amusaient alors énormément. Et effectivement, quoi de mieux que d’appliquer immédiatement la connaissance, via tous ses sens et en bougeant, avec les autres, dans l’amusement !

  • Plus de formation continue et du temps pour les faire ; les professeurs aux Geek Faëries ont tous – si ma mémoire est bonne – signalé les manquements de leur formation initiale (notamment en psychologie) et la volonté d’en savoir plus. À noter, que je croise souvent des professeurs s’autoformant par des conférences, formations, mais que tout ceci n’est pas reconnu dans leur cursus. Il faudrait légitimer cette belle quête.

  • Auto-évaluation ; au Geek Faëries, les personnes ont beaucoup parlé de l’auto-évaluation comme d’une alternative à l’évaluation. Certains l’avaient testé avec un système de notation classique, l’un rapportant qu’il avait dit vouloir se mettre 20 mais son prof n’était pas d’accord, ou encore moi qui au contraire ne voulait que 10 malgré l’encouragement d’un prof d’art plastique à mettre plus. Il s’agirait de l’encadrer différent, via des tables de compétences, dans un autre système que la notation. Certains ont souligné également le manque de temps à s’autoévaluer, mais cela pourrait se faire lors des examens ou en temps de classe.

  • Notes positives (façon Q2L) où il y a une base et on ne peut avoir que du positif ; encore une belle alternative à l’évaluation, un système de note façon Quest to learn ou comme dans un RPG : on ne peut gagner que des points supplémentaires, pas être en « déficit ». La personne qui a souligné cela teste cela avec ses élèves. Le point positif est la clarté de la progression, et la suppression de la peur de « régresser ».

  • Permettre entraide entre les élèves ; la discussion portait aussi sur les structures pédagogiques Montessori et Freinet. Les élèves s’y entraident et cela renforce ce qu’ils apprennent, renforce leur estime de soi, c’est très positif (on a partagé un exemple ici). La personne disait que même si cela n’était pas affiché, elle, mais aussi d’autres professeurs, s’inspirent de ces modèles, qu’il y a en a beaucoup plus qu’on ne le pense qui mettent en place ces modèles, et que ce n’est pas forcément dans les écoles dites Montessori ou Freinet, mais dans le public, readaptée, mélangé à d’autres méthodes dites alternatives. Globalement, de tous les ateliers que nous avons vus sur l’éducation, les changements de paradigmes dans l’éducation ne sont pas juste des idées, et les qualifier d’alternatives est un peu erroné : les professeurs s’en sont déjà saisis, les ont adaptés à leurs classes, écoles, qu’importe qu’elle soit étiquetée ou non de Montessori ou pas. C’est extrêmement encourageant d’entendre tout cela !


Finalités


Nous avons travaillé cette question juste à Belfort ; je ne détaille pas, les « post its » sont en soi extrêmement fort.

  • Savoir être ensemble

  • Plus d’expériences

  • Stimuler la curiosité

  • Se découvrir, avoir des outils pour son projet de vie

  • Favoriser l’émergence de chaque potentiel humain (« deviens ce que tu es »)

  • Éduquer à la citoyenneté

  • Apprendre à apprendre

  • Favoriser l’actualisation de son être individuel et collectif

  • Capacité à questionner son environnement

  • Trouver ce qui nous plaît

  • Lieu de partage humain et interdisciplinaire

  • Libérer la créativité, la stimuler

  • L’autonomie


Notre bilan


Nous avons été fascinés par l’intelligence collective et cette intuition collective, notamment en ce qui concerne les solutions, et les déterminants des problèmes, deux points très sensibles pour l’avenir, pas évidents à mettre en lumière pour autant. Tout naturellement, les personnes en sont arrivées aux mêmes conclusions que des chercheurs ou acteurs de l’éducation qui ont travaillé/expérimenté des lustres sur ces questions : Mihaly Csikzentmihalyi, Carls Rogers, Decy et Ryan, Montessori, Alvarez… J’ai été complètement épatée lorsque j’écrivais sur le paperboard, j’entendais les mêmes conclusions que les chercheurs que j’étudiais depuis des mois dans la bouche des personnes, au présent, là maintenant, émis par des professeurs, des étudiants, des instituteurs, du personnel de l’éducation… Dans ces moments-là, on se dit qu’un nouveau paradigme est en route, parce que certes, la réalité est pleine de problèmes, mais les personnes en savent les déterminants, savent ce qu’il faut faire pour les changer, et comment le faire. Ce n’est au fond qu’une question de temps et de continuité dans le courage de faire vivre ces paradigmes naissants. C’est une énorme bouffée d’espoir, tout cet enthousiasme et cette conscience. Alors certes, on me répliquerait que ce n’est pas là l’avis dominant, que c’est minoritaire, etc. Le changement ne nécessite pas qu’une idée soit majoritaire. Les minorités ont un fort pouvoir de changer la société, il n’y a pas besoin d’un consensus de tout le monde pour changer. Par contre, oui il faut être très patient et savoir se satisfaire de toutes petites victoires presque invisibles : ce sont elles les briques du nouveau paradigme. Il faut aussi résister, car changer, c’est faire lentement laisser mourir les autres paradigmes : les tenants du vieux paradigme vont se défendre, être plus offensif, plus agressifs, plus oppressants et il va falloir tenir bon, se rappeler que c’est parce qu’ils se sentent en danger qu’ils sont de pire en pire ou qu’ils sont de plus en plus mauvais.


La réflexion systémique


Nous nous sommes inspirés de Quest to learn pour investiguer ces problématiques, mais nous n’avons malheureusement pas pu commencer ensemble la phase « regroupement » qui aurait pu être fort intéressante. Ainsi pour montrer qu’on peut faire beaucoup beaucoup de choses encore de ce grand brainstorming, j’ai joué un peu avec les post its (et mon chat aussi) justes pour montrer comment utiliser cette matière pour en tirer des réflexions et des solutions ; j’ai volontairement été peu studieuse, brouillonne, pour montrer que cela ne nécessite pas d’effort ou de moyen particuliers. Cela demande juste de se poser et de faire des connexions.

J’ai pris là les problèmes sociaux, et j’ai connecté à leur conséquence :

Forcément, on connectant on trouve encore d’autres conséquences :

Puis il me fallait trouver ce qui provoquait les problèmes sociaux :

J’ai mis de coté le harcèlement, parce qu’il n’était pas directement connecté à cela, mais plus tard si.  Ensuite, je suis passée sur PC simplement parce que j’avais bousillé mon tableau en écrivant avec un marqueur permanent, le tableau était en plus trop petit et mon chat trop proactif dans la destruction littérale des problèmes sur post-it. Le schéma s’est agrandi :

On a là une facette à peu près systémique, la grosse image d’un problème et ses déterminants.  J’ai mis en rouge les déterminants qui me semblaient les plus pressants, les plus « gros ». Ce n’est pas exhaustif, c’est une facette. Mais c’est suffisant pour travailler dessus.

Par exemple, une façon très simple d’imaginer un nouveau paradigme pour l’école est de faire l’inverse des problèmes :

Hop on a un nouveau modèle !

Mais le problème ici est d’avoir fait ce travail seule avec un collègue chat peu constructif, je pense qu’on serait allé beaucoup plus loin à plusieurs humains. En tout cas, on y pensera la prochaine fois !


Pour approfondir


  • Reinventing organizations, Frederic Laloux (disponible en français) Un grand aperçu en conférence, il y parle d’un école allemande (ESBZ) où les enfants s’autogouvernent, ou il y a un fort accent mis sur le prosocial :

  • « Une idée folle » ce documentaire rassemble plusieurs initiatives françaises de pédagogie alternatives  :

  • Summerhill, l’école de la liberté (avec un système démocratique)  :

  • Hygiène mentale a fait toute une série sur l’enseignement de la pensée critique en CM2  assez originale (ici c’est l’intro, il y a 4 épisodes) :

  • Un professeur raconte comment il a gamifié sa classe (c’est sous-titré en français) :

  • François Taddei biologiste, directeur du CRI (Centre de recherches interdisciplinaires)  à milite activement pour l’innovation dans l’éducation ; a suivre également sur twitter (il relaie beaucoup d’informations passionnantes sur l’éducation) ; ici le projet du CRI d’une école de la recherche https://les-savanturiers.cri-paris.org/ :

Ressources sur l’apprentissage (psycho cognitive, psycho positive, neuro…)

les cours de Stanislas Dehaene, psychologie cognitive, plusieurs heures en libre accès :  Fondements cognitifs des apprentissages scolaires – Psychologie cognitive expérimentale – Stanislas Dehaene – Collège de France – 06 janvier 2015 9 h 30

Une conférence de Catherine Guéguen sur les neurosciences affectives :

Une table ronde avec Vanessa Lalo psychologue clinicienne spécialiste du thème du jeu-vidéo (son site est également ici http://vanessalalo.com/ )  :

 

Viciss Hackso Écrit par :

Attention, atteinte de logorrhée écrite et sous perfusion de beurre salé. Si vous souhaitez nous soutenir c'est par ici : paypal ♥ ou tipeee ; pour communiquer ou avoir des news du site/de la chaîne, c'est par là : twitterX

2 Comments

  1. Kaeso
    18 juin 2018
    Reply

    Encore un bon article! Déçu de ne pas avoir pu être aux Geek Faëries cette année, surtout vu le sujet abordé.
    Continue!

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