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Transition écologique : ces millions de morts EVITES par le nucléaire qu’on oublie de prendre en compte
©Reuters

Memento

Le président Emmanuel Macron présente ce mardi la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) jusqu'en 2028, soit son plan pour la transition énergétique. Et il est question de réduction du nucléaire.

Philippe Charlez

Philippe Charlez

Philippe Charlez est ingénieur des Mines de l'École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l'Institut de Physique du Globe de Paris.

Expert internationalement reconnu en énergie, Charlez est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la transition énergétique dont « Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle » paru en Octobre 2017 aux Editions De Boek supérieur et « L’utopie de la croissance verte. Les lois de la thermodynamique sociale » paru en octobre 2021 aux Editions JM Laffont.

Philippe Charlez enseigne à Science Po, Dauphine, l’INSEAD, Mines Paris Tech, l’ISSEP et le Centre International de Formation Européenne. Il est éditorialiste régulier pour Valeurs Actuelles, Contrepoints, Atlantico, Causeur et Opinion Internationale.

Il est l’expert en Questions Energétiques de l’Institut Sapiens.

Pour plus d'informations sur l’auteur consultez www.philippecharlez.com et https://www.youtube.com/energychallenge  

Voir la bio »

Atlantico : Le gouvernement prévoit la fermeture de 6 centrales d'ici 2028. Au regard des nombreux avantages que nous procure le nucléaire, cette perspective vous semble-t-elle réaliste ? 

Philippe Charlez : Nous avons en France 60 réacteurs de 1GW. Fermer six centrales c’est grosso modo retirer une dizaine de GW du parc (deux réacteurs en moyenne par centrale) d'ici 2028. Ce serait possible à condition de définir par quoi on les remplace. C'est toute la question. Le problème est que lorsqu’on supprime une unité de nucléaire il faut rajouter 3.5 unités d’éolien ou e7 unités de solaire. Et cela ne tient pas compte des périodes où il n’y a ni soleil ni vent.

Compte tenu de la vitesse de mise en œuvre aujourd'hui des éoliennes et des panneaux solaires en France, nous ne pourrons pas sortir partiellement du nucléaire sans s'appuyer sur soit le gaz soit sur le charbon. Le charbon c'est bien évidemment non. Aussi faudra-t-il rajouter du gaz c'est-à-dire accepter temporairement une augmentation de nos émissions de gaz à effet de serre.

Concrètement, quels sont les avantages du nucléaire et ses inconvénients ?

Le nucléaire c'est ou je veux et quand je veux. Une centrale peut s'installer ou vous voulez sur le territoire. De plus, on la démarre et on l’arrête quand on le souhaite. Par contre, les renouvelables dépendent de dame nature. C’est quand elle veut et où elle veut.

Deuxième avantage, le nucléaire ne produit pas ou très peu de gaz à effet de serre (même si la construction d'une centrale en produit accessoirement car elle est composée de béton et d'acier). Le nucléaire a donc le même avantage que les renouvelables de ce point de vue.

Troisièmement, quand on construit une centrale nucléaire, on en a pour 30 ans de combustible. Le nucléaire  est donc insensible à la volatilité des cours des matières premières contrairement au pétrole au gaz ou même au charbon dont  les prix varient de manière journalière.

Mais, le nucléaire a aussi plusieurs inconvénients :

A commencer par le traitement des déchets. Quand le combustible nucléaire est épuisé, il reste encore fortement radioactif et ce durant des centaines voire des milliers d’années. Il est donc nécessaire de de stocker ces déchets nucléaires dans le sous-sol ce qui n’est pas sans poser des problèmes d’acceptabilité sociétale.

Le second inconvénient  est évidemment le risque nucléaire. Nous avons tous en tête les deux grands catastrophes que sont Fukushima et Tchernobyl. Un accident nucléaire ne pardonne pas et  provoque des dégâts sans commune mesure par rapport par exemple à une explosion de gaz ou un accident charbonnier.

Enfin dernier inconvénient, une centrale en fin de vie doit être démantelée. Il s’agit d’installations très couteuses à abandonner.

Comment expliquer cette peur du nucléaire et cette volonté d’en sortir à tout prix et ce même en France alors que cette dernière figure parmi les meilleurs élèves en ce qui concerne les émissions de CO2, grâce justement à sa production nucléaire ?

Ces deux catastrophes, et cela est tout à fait légitime, ont traumatisé l’ensemble de la planète d’où ce vent antinucléaire qui a commencé de souffler notamment en Allemagne à partir de 2011. Pourtant, quand on analyse de près ces deux catastrophes, elles ne remettent pas en cause la sureté d’une centrale.

Fukushima n’est pas un accident nucléaire. Il s’agit d’un incident secondaire à un tsunami. Il ne fallait pas placer la centrale dans une région sujette à des tremblements de terre majeurs. Pour Tchernobyl c’est la faillite du système soviétique qui a conduit à des décisions invraisemblables. Ni Fuskushima ni Tchrnobyl n’auraient pu se produire en France. Cela étant, les accidents ont quand même eu lieu ce qui montre que le nucléaire n'est pas sans risque. Mais ces risques sont en France parfaitement maîtrisés par la sureté nucléaire.

Le nucléaire reste à mes yeux un avantage compétitif exceptionnel pour la France vis-à-vis de ses voisins. Je ne suis pas un nucléariste à tout vent mais si je me place sur le plan technique, je pense plus souhaitable de prolonger la vie des centrales que de les arrêter. Malheureusement les pressions politique, médiatique et sociétale échappe totalement à toute considération technique.

L'Allemagne a également entamé sa transition énergétique. Or, on remarque que l'Allemagne est aujourd'hui (avec leurs centrales à charbon) le pays d'Europe qui provoque le plus de pollution atmosphérique. Quelles sont les erreurs que l'Allemagne a commises et quelles leçons pouvons-nous en tirer pour la France ?

Pressée par les lobbies écologistes, l'Allemagne a développé un programme énergétique ambitieux (l’Energiewierde) à partir de 2009. Il visait à mettre en œuvre massivement des renouvelables tout en sortant rapidement du nucléaire.

Pour ce faire, les Allemands ont mis en œuvre une puissance renouvelable considérable puisqu'ils ont aujourd'hui 100 Gigas Watt de renouvelables (contre 10 pour la France). Parallèlement ils ont retiré des Giga Watt nucléaires. Problème, remplacer le nucléaire demande une grande quantité de renouvelable qu'ils n'ont pas été en mesure de combler. Aussi ont-ils eu recourt au charbon pour combler ce vide. Ils auraient pu s'appuyer sur le gaz mais on en revient au problème de volatilité des prix du gaz indexés sur ceux du pétrole. En 2010 le prix du gaz était trop élevé. Seule solution, le charbon qui représente toujours aujourd’hui en Allemagne près de la moitié de la génération électrique.

Pour résumer, les Allemands ont mis en œuvre du renouvelable en s'appuyant sur le charbon. C'est précisément tout ce qu'il ne fallait pas faire. En moins de 10 ans, ils ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre d’à peine 2%.  Alors que grâce au nucléaire entre 2000 et 2010, ils les avaient réduits de 15%. Et tout cela pour un coût exorbitant de 800 Mds d’Euros. Moralité l’Allemand paye aujourd’hui son kWh 0,31€ soit le double du Français. Paradoxalement, l'Allemagne est le meilleur élève en termes de renouvelable mais…le plus mauvais en termes d'émission de gaz à effet de serre.

En France, nous avons dix fois moins de renouvelable et pourtant nous produisons deux fois moins de carbone que les allemands.

Si l'on emprunte le même chemin que les allemands (réduire le nucléaire), il faudra s'appuyer soit sur le gaz soit sur le charbon. Si l'on choisit le gaz, et que son prix flambe à un moment donné, il se répercutera sur le prix de l’électricité avec les risques de voir tout le monde descendre dans la rue. Quant à remettre du charbon ce serait un retour de40 ans en arrière.

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