Questions et commentaire de LSF adressés à la SPILF (société de Pathologie Infectieuse de Langue Française)

Position de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française à propos de la Maladie de Lyme (en noir)

Les commentaires de Lyme Sans Frontières (en rouge)

 

Juillet 2016

Y. Hansmann1, C. Chirouze2, P. Tattevin3, S. Alfandari4, D. Christmann1,  J.Salomon5, C. Michelet3, C. Rabaud6,  F. Roblot7.

Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française.

 

1 Service des maladies infectieuses et tropicales ­ NHC, CHU de Strasbourg

2 Service des maladies infectieuses et tropicales, CHU de Besançon

3 Service des maladies infectieuses et réanimation médicale, CHU de Rennes

4 Service de réanimation et maladies infectieuses,  CH Tourcoing

5 Hôpitaux universitaires Paris Ile de France Ouest HUPIFO APHP, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

6 Service des maladies infectieuses et tropicales, CHU de Nancy

7 Service de médecine interne, maladies infectieuses et tropicales,

CHU de Poitiers, INSERM U1070

 

LSF : La SPILF – Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française – a signé en 2006 un consensus (avec l’aide des laboratoires Abbott, Bayer, Pharma, Bristol Myers-Squibb, Chiron France, GlaxoSmithKline, Merck Scharp&Dohme, Pfizer, Roche, Sanofi aventis, Sanofi pasteur MSD, Wyeth Pharmaceuticals France)  qui est un copié-collé des références  américaines de l’IDSA. Celles-ci viennent d’être rejetées aux USA pour cause d’obsolescence.  Le consensus de 2006 (conférence présidée par le Pr Daniel Christmann du CNR – Centre National de Référence des Borrelia de Strasbourg) devrait donc également être rejeté en France afin d’empêcher que la situation imposée dans notre pays pour les diagnostics et les traitements ne perdure et ne s’aggrave.

SPILF : La maladie de Lyme fait l’objet d’une médiatisation importante. De nombreux articles et émissions de radio et de télévision ont contribué à renforcer un sentiment d’état d’alerte concernant cette maladie.

LSF : Il ne s’agit pas d’une fausse alerte qui serait franco-française. Les associations de malades  et les Lyme doctors qui se sont longuement battus aux USA  ont été finalement  entendus :

Pour rappel :

18/10/15 Le gouvernement américain accepte les nouvelles recommandations concernant le Lyme chronique.

Janvier 2016 : le Canada a accepté les nouvelles recommandations.

Début avril 2016 : suppression des anciennes recommandations (celles que la France a suivies).

SPILF L’une des demandes principales des patients est de bénéficier d’une reconnaissance et d’une prise en charge adaptée de leur infection.

Le problème principal de la prise en charge de la maladie de Lyme concerne les formes tardives de cette infection, dont le diagnostic est souvent incertain…

LSF : C’est pourtant dans ces formes tardives passées à la chronicité que vous affirmez les meilleures performances du test Elisa, reconnu par vous défaillant  lorsqu’il est utilisé trop précocement après une piqûre de tique? Voir plus bas le point 3 : vous affirmez en effet qu’il détecte 90% des patients dans les formes tardives (notamment pour les formes articulaires et cutanées).   Le test Elisa ne permettrait donc pas un diagnostic certain en phase tardive ? N’y a-t-il pas contradiction ?

…et le traitement mal codifié, puisque les antibiotiques habituellement prescrits ne permettent pas toujours d’obtenir une amélioration significative.

LSF : Pas toujours mais souvent… quand ils sont bien utilisés assortis d’un soutien du système immunitaire …  l’amélioration est spectaculaire ; de nombreux malades peuvent en témoigner ; vous l’ignorez  puisque la plupart de ces malades chroniques  ne sont pas soignés dans vos services d’infectiologie ; vous les avez en général renvoyés avec d’autres diagnostics, notamment  avec un diagnostic psychiatrique !

Par ailleurs, s’ils avaient reçu en phase précoce un traitement suffisamment lourd et prolongé, leur état ne se serait pas aggravé au point de devenir parfois difficile  à soigner avec ces mêmes antibiotiques.

Cette situation est relativement rare par rapport à l’ensemble des cas de maladie de Lyme mais difficile à gérer pour les patients qui n’obtiennent souvent pas de réponse précise, en l’absence de certitude diagnostique et en l’absence de solutions thérapeutiques efficaces.

Quelles statistiques fiables  vous permettent de parler de  situation rare ?  Pourquoi aux USA ou en Allemagne, reconnait-on les formes tardives comme étant un énorme problème de santé publique ? 

Dans ce contexte, et en accord avec l’avis du Haut Conseil de la santé Publique en date du 28 Mars 2014,  la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française tient à préciser sa position.

  1. La maladie de Lyme est elle sous estimée en France ?

La fréquence d’une maladie est calculée en fonction des  critères que l’on utilise pour la définir. Selon les critères diagnostiques utilisés, la fréquence de cette maladie est variable. Le nombre de personnes présentant un accident cérébral vasculaire varie selon que l’on utilise le scanner cérébral plutôt que l’IRM cérébrale pour établir le diagnostic.

De même, la fréquence de la maladie de Lyme peut varier selon la définition que l’on utilise.

On ne peut comparer que les études ayant utilisé les mêmes critères de définition, les mêmes tests et la même façon de comptabiliser les patients. Si l’on utilise la définition validée, qui associe la présence de signes cliniques évocateurs de la maladie de Lyme et une sérologie par test ELISA positive, nous pouvons comparer les données d’une population à l’autre. Ainsi, si l’on applique les mêmes outils de mesure, la fréquence de la maladie de Lyme dans certaines régions françaises (Alsace, Limousin) est équivalente aux données d’autres pays à forte endémie (1, 2). La référence de 2011 d’eurosurveillance citée dans l’OBS fait état d’une incidence allant de 1 à 350/100 000 habitants selon les pays. L’incidence en France est évaluée à 43/100 000 habitants sachant que dans certaines régions (Est, Limousin), cette incidence peut atteindre 200 / 100 000 donc parmi les taux d’incidence les plus élevés en Europe et dans le monde. Dans ces conditions on ne peut pas parler de chiffres discordants par rapports aux autres pays européens.

Si l’on applique d’autres critères diagnostiques, la fréquence varie. Par exemple si l’on part du principe que la sérologie n’est pas suffisamment sensible (ce qui revient à dire qu’une sérologie négative peut correspondre à la maladie), alors le nombre de patients pouvant avoir une maladie de Lyme est bien plus élevé. Il ne s’agit cependant pas d’une augmentation réelle de la fréquence de la maladie mais d’un cumul de cas, certains  authentiques et d’autres hypothétiques.

 LSF : Parmi ces cas hypothétiques (malades négatifs), il faut inclure :

– ceux pour lesquels il n’y a pas de notion  de piqûre de tique,

– ceux qui n’ont pas eu d’EM,

– ceux qui sont restés porteurs sains pendant des années, et qui ont développé des symptômes longtemps après.

– ceux qui ont été traités durant 3 semaines, ont rechuté et ont été affublés d’un diagnostic farfelu : fibromyalgie, dépression, fatigue chronique…etc

Ce taux d’incidence déjà très élevé eu égard à l’absence de statistiques fiables,   le plus élevé d’Europe,  dites-vous, aurait  donc dû pousser les autorités sanitaires à prendre des mesures très rapidement tant en matière de déclaration épidémiologique qu’en matière de détection.

Nous sommes loin de la « maladie rare » sachant que

 «  l’Union européenne définit une maladie rare comme une maladie chronique ou potentiellement mortelle dont la prévalence est inférieure à 1/2000 et qui nécessite un effort particulier pour développer un traitement2. »

Population française : 66627602 / 2000 = 33313 , nombre au-dessus duquel Lyme ne serait plus une maladie rare ; or  les chiffres officiels indiquent 27000 nouveaux cas par an.  Que dire du nombre total cumulé depuis 10 ans auquel  s’ajoutent tous les faux négatifs et tous ceux qui ne sont ni testés ni diagnostiqués du tout ?

On touche là à la faiblesse des déclarations épidémiologiques, corrélées à l’absence de méthodes de dépistages fiables et accessibles au public dans le cadre du droit commun.

En parallèle de la mise à jour de tests performants, il est urgent et nécessaire que nos tutelles sanitaires mettent en place une  vigilance épidémiologique afin de combler le retard depuis des années (Réseau Sentinelle). On connaît d’autres  réseaux de déclaration comme le réseau CIRE (Cellule de l’Institut de Veille Sanitaire en Région) ACAL du réseau ResIST Grand Est pour les IST. Les infections à déclaration obligatoire passent toujours par l’ARS, pas la CIRE.

  1. Quelles sont les priorités pour la prise en charge des maladies vectorielles transmises par les tiques?

Etablir un diagnostic fiable pour proposer un traitement adapté : Notre priorité est de soigner les patients. Notre responsabilité de médecin et de spécialiste est de traiter les patients à partir de données vérifiées. C’est ce que les anglo-saxons appellent l’Evidence-Based Medicine (médecine fondée sur des preuves), moins à risque d’erreur que l’Experience-Based Medicine  ou, pire encore, l’Eminence-Based Medicine, pour laquelle quelques leaders communiquent leurs convictions par les medias grand public, puisque leur argumentation ne passe pas par les revues scientifiques.

LSF : Quid de la littérature scientifique internationale sur le sujet (voir bibliographie du Dr Horowitz jointe) ; pouvez-vous affirmer très clairement que toutes ces références ne valent rien ?

Quant au traitement, il doit être adapté à chaque cas.

Il semble illusoire de croire  qu’un traitement « standard » de la BDL puisse exister (souvenons-nous des coûts humains dans les premières mono et bithérapies anti VIH et les traitements par Interféron et Ribavirine dans les hépatites virales B et C). L’important est la circulation des informations scientifiques actuellement accessibles en Europe et en dehors, avec des échanges de bonnes pratiques et la formation des personnels médicaux et médico-sociaux, car la prise en soin de  ces infections froides ne sauraient se réduire à la simple prescription de classes de médicaments, aussi puissants soit-il. Et comme on le sait depuis longtemps, le meilleur traitement est d’abord celui que le patient accepte, en prenant en compte son état et son environnement social, psychologique et matériel.

Nous pouvons éviter de refaire les erreurs du début de l’épidémie de VIH-Sida ou plus près de nous, les épidémies du VHB et VHC, qui se sont soldées par des années de mauvaises prise en soin, une qualité de vie dégradée des malades, de la sur-mortalité et des comorbidités évitables.

Dans le cadre de la borréliose de Lyme,  la démarche s’appuie sur les connaissances acquises par l’observation des patients chez qui Borrelia a pu être isolée c’est à dire ayant un diagnostic de certitude, ce qui représente un fait rare en routine, car cette bactérie est difficile à mettre en évidence. A partir de l’observation de ces patients ayant eu une borréliose prouvée des déductions ont permis de faire progresser nos connaissances de la maladie. A l’inverse les patients n’ayant pas de façon certaine une borréliose de Lyme, ne peuvent pas représenter une source d’observation utile pour améliorer nos connaissances, du fait du risque d’erreur quant au diagnostic initial.

Cette observation nous a appris l’ensemble des symptômes que l’on rencontre dans la maladie de Lyme. Ces symptômes sont pour certains d’entre eux peu spécifiques, car ils peuvent être constatés dans de nombreuses autres maladies, en particulier d’autres maladies vectorielles. Tout l’enjeu de la démarche consiste par conséquent à établir un rapport entre des symptômes rapportés par un patient et la présence de Borrelia.

Si l’on accepte cette démarche, pourquoi  alors des patients pourtant positifs à Borrelia en Elisa et Westernblot ne sont-ils pas suivis ni pris au sérieux   dans vos services d’infectiologie lorsqu’ils rechutent : 3 semaines d’antibiotiques sont  censées les guérir définitivement ? La rechute, « c’est dans votre tête ; ce sont des douleurs subjectives, vous êtes fibromyalgique ou dépressif…ou vous avez autre chose…etc »

Les moyens dont nous disposons pour établir ce lien, ne sont pas tous parfaits. Parmi ces moyens, la sérologie tient une place importante. Elle a pour finalité d’être exacte pour la majorité des patients, idéalement sans faux négatif (un patient atteint de maladie de Lyme dont le test serait négatif) et sans faux positif (un patient qui serait atteint d’une autre maladie, mais pour qui le test de maladie de Lyme reviendrait positif). Aucune sérologie ne remplit parfaitement ces critères, mais les tests validées et recommandés sont ceux qui s’en rapprochent le plus.

Affirmation gratuite :

Pouvez-vous nous fournir un comparatif des performances de tous les tests existants actuellement dans le monde ? Qu’est-ce qui justifie ce parti pris  pour le protocole en 2 temps que vous continuez à recommander ?

  1. Que sait-on sur la valeur diagnostique des sérologies ?

La sérologie est un moyen indirect de mettre en évidence une infection. Les anticorps ont une spécificité relative et ne permettent pas de différencier une infection active d’une infection ancienne et guérie. A titre de comparaison, au cours de la syphilis, certains anticorps peuvent persister à vie, même après  guérison (Ac tréponémiques). De même, une sérologie de maladie de Lyme positive ne doit pas être considérée comme une preuve que la maladie de Lyme est active, et que tous les symptômes présentés par le patient sont liés à cette maladie. Pour autant cela ne signifie pas qu’elle ne sert à rien. Elle est utilisée comme une aide au diagnostic.

L’imprécision qui lui est reprochée correspond à son manque de sensibilité lors de la phase primaire de la maladie, quand ces anticorps n’ont pas encore eu le temps d’apparaitre dans le sang.

Les tests ELISA utilisés en première intention pour le diagnostic de la borréliose de Lyme, permettent de détecter plus de 90 % des patients au cours des formes tardives de la maladie. Ce point a été clairement démontré, sous l’égide de l’ECDC (European Center for Diseases Control) à partir d’un travail exhaustif reprenant l’ensemble des données de la littérature médicale. Il en résulte une excellente sensibilité, en particulier dans les formes articulaires et cutanées tardives. Pour les formes neurologiques, le test peut être pris en défaut en particulier au cours des neuroborrélioses précoces. Dans ces formes cliniques il est recommandé de réaliser la recherche d’anticorps dans le liquide cérébrospinal (LCS), où ils apparaissent de façon plus précoce. La sensibilité au cours des neuroborrélioses tardives est excellente (3, 4).

Par ailleurs, les espèces de Borrelia qui ne seraient pas détectées par ces tests sont très minoritaires. Ces espèces ne peuvent par conséquent pas être à l’origine d’une baisse significative de la fiabilité du test.

Les tests Western blot ont comme avantage, par rapport aux tests ELISA, d’être spécifiques, ce qui permet d’éliminer les faux positifs du test ELISA. En revanche, leur sensibilité est, globalement équivalente à celle du test ELISA. De fait, en cas de test Elisa négatif, la réalisation d’un test Western Blot n’apporte rien, et n’est donc pas recommandée. Ce point a également fait l’objet d’études bien conduites.

LSF : En se posant une telle question, comment le CNR peut-il continuer à recommander le test de dépistage seul et empêche-t-il l’utilisation du Western-Blot de contrôle en première intention, alors que cela est obligatoire pour le diagnostic du VIH et de la Syphilis ? N’est-ce pas un refus d’admettre les insuffisances des tests Elisa de dépistage, et un refus d’apporter une confirmation aux médecins et aux patients, ce qui laisse beaucoup de malades de Lyme en errance médicale ? Errance diagnostique lourde pour eux  mais aussi pour  l’assurance maladie.  Une étude chiffrée par un expert indépendant s’impose.

Le bénéfice coût-efficacité de ce dogme en matière de détection es trèsdiscutable, pour ne pas dire nul et souvent à la charge du malade, un comble.

Le Pr Jaulhac , qui est en communauté d’intérêt avec les fabricants des tests de dépistage puisqu’il a été chargé de les valider, peut-il nous apporter la preuve de l’objectivité de ses statistiques, celles qui lui ont permis d’aboutir à 90% de fiabilité de ces tests (90% étant le seuil minimum requis pour la mise sur le marché des tests), sachant que dans la pratique courante leur fiabilité constatée est d’à peine 20% ?

Il paraît difficile et insensé d’accepter des tests sérologiques dont la sensibilité et la spécificité ne dépasseraient pas 98% de fiabilité en 2016…

Sinon le risque serait de simplement diminuer le réservoir de patients atteints sans réelle visibilité sur la réalité de l’épidémie en cours, et on se retrouverait dans quelques années avec une épidémie explosive et des patients déjà bien abimés par des années de séro-ignorance.

Encourager un dépistage de masse avec des tests non fiables est un non-sens dangereux.

Enfin l’existence d’espèces de Borrelia moins connues (différentes de B. burgdorferi, B. garinii, B. afzelii) a été utilisée comme argument pour expliquer le manque de sensibilité des techniques diagnostiques comme la sérologie qui ne serait pas en mesure de détecter les anticorps spécifiques à ces espèces. Or si de nouvelles espèces de Borrelia ont bien été identifiées au cours de la maladie de Lyme, elles ne sont responsables que d’une infime minorité des cas de maladies de Lyme microbiologiquement documentées.

N’est-on pas en train de découvrir d’innombrables pathogènes véhiculés par les tiques, jusqu’ici non identifiés  donc non détectés par les tests actuels ?(objectif du projet OHticks cordonné par le dr M.Vayssier et  piloté par la SPILF ?)

 D’où la nécessité  de nouveaux tests  capables de détecter le plus grand nombre de pathogènes véhiculés par les tiques (bactéries, virus et parasites) !

Pourquoi ne s’intéresse-t-on pas alors à la technique avant-gardiste des SEM du Pr Montagnier  qui pourraient répondre à cette exigence?

A ce titre elles (les espèces  de Borrélies moins connues) ne peuvent pas être considérées comme étant la cause ni d’un manque de fiabilité de la sérologie, ni d’une sous-évaluation significative de la fréquence de la maladie.

Aucun autre test à visée diagnostique n’a montré, à ce jour, des qualités supérieures, ni en France, ni dans les autres pays du monde.

Encore une fois, un comparatif des différents tests existant à l’international a-t-il fait l’objet d’une publication scientifique ? Pourquoi les travaux du Pr Montagnier dans ce domaine ne sont-ils pas pris en compte ?

D’autres techniques sont proposées (examen du frottis sanguins (5), PCR, test de stimulation lymphocytaire), mais aucune d’entre elles n’a pour l’instant atteint la même valeur diagnostique que la sérologie car elles manquent de spécificité.

Nous ne recommandons donc pas l’utilisation de ces tests, car ils sont pourvoyeurs de faux diagnostics, qui peuvent inquiéter à tort les patients, ou faire ignorer d’autres maladies pour lesquelles les traitements existent.  Les conséquences des retards de prise en charge des patients pour qui un faux diagnostic de Lyme a été porté par ces tests non validés sont parfois désastreuses (6).

Faut-il alors penser que les diagnostics posés en Allemagne et ailleurs  à partir de ces différents tests ne sont pas crédibles ? Etes-vous prêts à en débattre avec vos pairs pour trancher cette question ?

Selon la HAS « le professionnel ne saurait manquer de discernement dans sa prise en charge du patient qui doit être celle qu’il estime le plus appropriée, en fonction de ses propres constatations ». Son seul objectif étant de soigner correctement les malades de lyme dont les symptômes ont été identifiés, n’a-t-il pas alors l’obligation de réaliser un certain nombre d’investigations allant au-delà, voire à l’encontre des recommandations arbitraires proposées par la SPILF afin d’éviter « les conséquences désastreuses des retards de prise en charge des patients » 

Nous pensons que l’utilisation à plus large échelle de ces tests nécessiterait de la part des laboratoires qui les ont mis à disposition une validation scientifique chez l’homme (certains de ces tests sont utilisés chez les animaux en médecine vétérinaire).

  1. Quels traitements pour quels patients :

Les patients méritent une écoute attentive de la part de leur médecin. Le rejet ou l’ignorance du médecin face à la douleur du patient est insupportable pour eux et inacceptable pour tous.

N’avons-nous pas mainte fois constaté qu’une grande partie des patients se plaignant de symptômes attribuables à la borréliose ou à d’autres coïnfections ne sont ni écoutés par leur médecin traitant, ni écoutés par les médecins hospitaliers à qui ils s’adressent ? Ces patients sont culpabilisés, humiliés, moqués et souvent renvoyés à des psychiatres, ce qui génère de plus en plus d’errance médicale qui coûte très cher à la Sécurité Sociale. Où est l’ «écoute attentive» à laquelle ils ont droit ?

Les traitements proposés par l’ensemble des sociétés savantes mondiales reposent sur les études thérapeutiques réalisées et publiées dans la littérature médicale scientifique (référencée sur le site « PubMed »).

Au cours des phases dites primaire ou secondaire de la maladie, des traitements « courts » de 2 à 3 semaines ont clairement montré leur capacité à guérir la grande majorité des patients.

Ce n’est pas la totalité des patients !

Pour les patients ayant des troubles chroniques, attribués à la borréliose de Lyme, les études thérapeutiques sont unanimes: aucune d’elle n’a montré un intérêt à prolonger les traitements antibiotiques (7). C’est à dire qu’un traitement non efficace après 2 à 3 semaines ne sera jamais plus efficace après plusieurs mois. Dans ces conditions, il ne faut pas prolonger ces traitements, avec des risques d’effets secondaires qui augmentent avec l’exposition.

La réalité est têtue : l’amélioration significative de nombreux malades grâce à des antibiothérapies prolongées  contredit  cette affirmation gratuite et péremptoire publiée récemment  et à laquelle d’ailleurs  le Pr Perronne a répondu.

Il est de notre devoir d’aider ces patients. Cependant, leur faire croire que la médecine s’est trompée n’est pas la solution.

Il est tout à l’honneur de la médecine de reconnaître ses limites et dans certains cas  son ignorance.

Ces patients ne retireront qu’un bénéfice limité et transitoire (au mieux) des multiples solutions thérapeutiques proposées, si le diagnostic initial est faux. C’est ce point qui devrait être l’objet de l’ensemble de nos efforts et qui devrait être travaillé avec les associations de patients.

Pourquoi ne retenir que d’hypothétiques cas de faux positifs qui seraient diagnostiqués Lyme à tort, alors que les faux négatifs fleurissent et que dans ces cas de figure,  d’autres tests (pratiqués en Allemagne : LTT, WB Mikrogen, goutte épaisse…) associés à la prise en compte de la clinique mettent en évidence l’existence d’un Lyme chronique indiscutable ?

  1. Quelles mesures à mettre en place pour avancer efficacement dans la connaissance des maladies vectorielles ?

Nous demandons que les convictions des uns ou des autres ne soient pas affichées comme des preuves scientifiques. Tout progrès dans le domaine de la maladie de Lyme sera le bienvenu, et aucun médecin digne de sa fonction ne s’opposera à ce qui soulage les patients : quel en serait l’intérêt ?

Les controverses médicales ne manquent pas dans l’histoire de la médecine et les médecins de Molière sont universels !
Que dire de tous les médecins qui instrumentalisent la psychiatrie  quand le diagnostic d’une maladie organique est  difficile ?

Nos connaissances sur la maladie de Lyme doivent progresser et plusieurs équipes françaises travaillent dans cette direction. Ces équipes publient régulièrement dans des revues scientifiques internationales et il est important de les encourager à poursuivre. Beaucoup reste à découvrir, mais les doutes ne doivent pas laisser la place à des théories non validées qui mettent en danger les patients.

En conclusion :

En écho aux recommandations du HCSP, la S.P.I.L.F soutient et s’implique dans les projets de recherche visant à identifier un groupe de patients présentant des signes cliniques persistant après morsure de tique afin de rechercher chez eux d’autres agents pathogènes éventuellement  transmis par les tiques (autres espèces de Borrelia ou coinfections par Bartonella, Anaplasma etc…) et faire bénéficier ces patients de bilans exhaustifs standardisés pour envisager tous les diagnostics différentiels.

Les projets OHTICKS (qui vient d’obtenir un financement de l’ANR) et l’étude d’une cohorte de patients exposés aux morsures de tiques (projet présenté au PHRC 2017)permettront de répondre par de « l’evidence-based  medicine » aux questions que se posent les patients et les médecins.

Au regard des données issues de ces études, l’intérêt d’une révision de la conférence de consensus de 2006 pourra être reconsidéré. A ce jour cet intérêt n’est pas justifié par les données récentes de la littérature médicale.

– Pouvez-vous nous communiquer le contenu de ce projet présenté au PHRC  (Programme hospitalier de recherche clinique 2017 ?)

– Pourquoi un consensus de soins qui n’a qu’une valeur de recommandation devrait-il continuer à s’appliquer avec le dogmatisme que l’on sait ? (procédures insupportables contre certains médecins qui  en sortent) ?

– Pourquoi devrait-on attendre l’aboutissemnt de ces recherches qui portent sur plusieurs années (voir le calendrier du projet OHTICKS  qui s’étend sur 4 ans) pour que des mesures d’urgence soient prises concernant le traitement et la prise en charge des malades chroniques actuels ? Rien ne justifie qu’ils soient sacrifiés alors que des tests  plus fiables et des traitements sont disponibles.

– Les malades doivent pouvoir bénéficier tout de suite des tests les plus performants utilisés à l’étranger  et des traitements préconisés notamment par l’ILADS. Pour cela, la liberté de prescription du médecin doit être rétablie.

– Des  projets de recherche sur les pathogènes portés par les tiques ou en Recherche clinique, si prometteurs soient-ils,  ne sauraient servir de prétexte à un attentisme qui n’a que trop durer.

Il en va de la santé publique en général face à une épidémie de grande ampleur et de la vie d’individus qui ne peuvent continuer à rester dans un déni imposé, ni mener une vie aussi normale que possible, faute d’être correctement diagnostiqués et traités.

C’est d’autant plus insupportable que les solutions sont à portée de main mais nécessitent aussi des décisions et un courage politique de nos instances gouvernementales et tutelles régionales. Et ce quel que soit le pouvoir en place. Celui qui les mettra en place laissera sa marque pour toujours et permettra enfin une prise en soin digne des malades, avec à la clé des économies substantielles pour les caisses d’assurance maladie.

Le temps joue contre nous. A faire la politique de l’autruche, le coût sera à terme toujours plus élevé, quel que soit l’angle par lequel le problème est observé.

Le Bureau de LSF

 

1 Rizzoli A, Hauffe HC, Carpi G, Vourc’h GI, Neteler M, Rosa R Lyme Borreliosis in Europe. Euro Surveill. 2011 ; 16(27) :pli= 19906.

Remerciements : les auteurs remercient pour leur relecture attentive : B. Guery, X. Duval, C. Leport, A. Riché et JP. Stahl.

LSF : Voir étude du CDC janvier 2015 sur l’épidémiologie en Allemagne :

http://wwwnc.cdc.gov/eid/article/21/1/14-0009_article

AbstractT 😮 assess Borrelia burgdorferi sensu lato (the cause of Lyme borreliosis) seropositivity in Germany, we tested serum samples from health survey (2008–2011) participants. Seroprevalence was 5.8% among women and 13.0% among men; infection risk was highest among persons >60 years of age. Public health interventions, including education about risk factors and preventive measures, are needed. ( 20 à 35 cas /100000h)

En 2009 en Allemagne, une caisse d’assurance maladie totalisait 800000 personnes atteintes de borréliose de Lyme.

Position de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française à propos de la Maladie de Lyme

En savoir plus : http://www.infectiologie.com/fr/actualites/maladie-de-lyme-position-de-la-spilf_-n.html

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