SERIE 5/7Au Québec, l'initiative originale d'un médecin français pour la vaccination

Antivax: Comment la technique de «l'entretien motivationnel» a fait progresser la couverture vaccinale au Québec

SERIE 5/7«20 Minutes» publie une série d'articles sur le mouvement «antivaccin» ou «antivax», qui diffuse des contenus opposés à la vaccination
Des conseillers en vaccination rencontrent les parents dans des maternités québécoises pour écouter et répondre à leurs interrogations sur les vaccins.
Des conseillers en vaccination rencontrent les parents dans des maternités québécoises pour écouter et répondre à leurs interrogations sur les vaccins. - JAUBERT/SIPA
Mathilde Cousin

Propos recueillis par Mathilde Cousin

L'essentiel

  • Fin février, YouTube, Pinterest et Amazon Prime se sont engagés dans la lutte contre les fausses informations relatives à la vaccination.
  • La Semaine de la vaccination, créée en 2005 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), aura lieu du 24 au 30 avril.
  • Dans ce cinquième volet, 20 Minutes a interrogé le pédiatre néonatalogiste et chercheur à l’université de Sherbrooke Arnaud Gagneur.
  • Pour lever les craintes envers la vaccination, il a lancé un programme original : une soixantaine de conseillers en vaccination écoutent et répondent aux interrogations des parents dans 13 maternités (qui représentent la moitié des naissances annuelles du Québec).

Edit: Une précision sur l'étude sur le rotavirus a été ajoutée le 30 avril.

Et si l’écoute et la discussion étaient la clé pour lever les craintes envers la vaccination ? C’est le pari d’Arnaud Gagneur, un Français installé au Québec. Le pédiatre néonatalogiste et chercheur à l’université de Sherbrooke a lancé un programme original. Dans 13 maternités (qui représentent la moitié des naissances annuelles du Québec) une soixantaine de conseillers en vaccination écoutent et répondent aux interrogations des parents sur les vaccins.

Et ça marche : après l’entretien, les parents sont plus nombreux à déclarer vouloir faire vacciner leur enfant. « Seulement 6 % des parents ne se sentent pas suffisamment informés sur les vaccins pour prendre la décision de faire vacciner leur enfant après l’intervention, contre 43 % avant l’intervention », explique le ministère de la Santé et des services sociaux québecois. Arnaud Gagneur détaille le fonctionnement de ce programme pour 20 Minutes.

Comment avez-vous eu l’idée de ce programme ?

Je suis pédiatre et chercheur. L’idée est venue d’expériences que j’ai pu avoir en clinique. Quand je travaillais en soins intensifs à Brest, je travaillais avec des nourrissons. J’ai eu le cas tragique d’un nourrisson mort d’une méningite. Quand j’ai demandé à la maman ce qu’il s’était passé, elle m’a dit qu’elle ne savait pas qu’il y avait un vaccin. Ce n’était pas une maman antivaccin, c’était simplement une maman qui n’avait pas d’informations. Ce qui m’a également marqué, c’est que quand elle est rentrée chez elle, elle a ouvert le frigo et le vaccin était là.

En France, j’ai dirigé une étude sur l’efficacité du vaccin rotavirus. Les pédiatres ont donné de l'information sur le vaccin dans les maternités et ça a très bien marché. De là est venue l’idée : pourquoi ne ferait-on pas une intervention éducative auprès des parents ?

En arrivant au Québec il y a dix ans, j’ai fait des recherches et j’ai vu que les techniques d’éducation classique marchaient peu. A l’époque se développait la « technique d’entrevue émotionnelle » [dite « entretien motivationnel » en France], basée sur le respect et l’empathie avec le patient. Le patient n’est plus un patient mais un partenaire avec lequel on travaille. Je me suis dit: « pourquoi ne pas utiliser ça pour la vaccination? », car il y a beaucoup de doutes dessus. C’est très compréhensible que les parents en aient.

Avez-vous des résultats ?

On a mené une première étude il y a une dizaine d’années, auprès de 1.000 familles. Il y a eu une augmentation de 15 % de l’intention de vaccination de la part des parents après les entretiens. On est passé de 75 à 90 % d’intention de vaccination.

Ensuite, on a mené une étude auprès de 3.000 familles dans les communautés francophone et anglophone. On a eu les mêmes résultats : l’intention de vaccination a augmenté de 12 %. 95 % des parents recommandent le programme et surtout 98 % estiment que leur point de vue sur la vaccination a été respecté.

Au Québec, les vaccins sont-ils obligatoires ?

Ils ne le sont pas, mais ils sont recommandés. Ils sont totalement gratuits.

Qui mène ces entretiens avec les parents dans les maternités ?

Ce sont des conseillers en vaccination, qui sont formés à l’immunisation et aux techniques de l’entretien motivationnel. Ils sont une soixantaine. Les entretiens se passent à la maternité, après la naissance de l’enfant. C’est un moment où l’on ne vaccine pas, donc il y a beaucoup moins de pression.

Quelles sont les questions des parents ?

Les interrogations sont souvent les mêmes : pourquoi faut-il vacciner à deux mois ? Les vaccins sont-ils sûrs ? Parfois, on a des questions spécifiques sur certains vaccins. Il y a aussi des mythes qui circulent sur la vaccination. Les conseillers en vaccination expliquent aussi la différence entre un lien de temporalité et un lien de causalité : ce n’est pas parce que l’on voit quelque chose qui survient après un événement qu’il y a un lien de cause à effet. Mais il ne faut pas tomber dans l’excès inverse et dire qu’il n’y pas d’effets indésirables. Il faut rappeler que ceux-ci sont bénins.

Sujets liés