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Un effet domino climatique pourrait transformer la Terre en « étuve »

Nous avons tout au plus 20 ans pour l'empêcher.
Image : Shutterstock

L’été 2018 est rude. Au Japon, une vague de chaleur a tué au moins 80 personnes. La Californie est en train de combattre le plus grand incendie de son histoire. Des records de températures sont tombés dans le monde entier : 32,5 degrés en Suède aux abords du cercle polaire, 49 degrés à Los Angeles, 51 degrés en Algérie. Les trois dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées ; manifestement, 2018 est bien partie pour suivre leurs traces.

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Ce que nous allons faire dans les 10 à 20 années à venir scellera le destin de notre planète. La Terre va-t-elle rester hospitalière pour les humains ? Ou s’engager sur le chemin sans retour de ce qu’une nouvelle étude majeure appelle la « Hothouse Earth » — la « Planète serre » ou « Planète étuve » ?

La « Planète serre » est un scénario-catastrophe dans lequel les températures moyennes globales sont supérieures de 4 à 5 degrés — voire de 10 degrés dans certaines régions, notamment dans l’Arctique — à celles d’aujourd’hui. Pareille augmentation ferait fondre assez de glace pour que le niveau des mers augmente de 10 à 60 mètres. Évidemment, dans de telles conditions, de larges pans des terres émergées seraient inhabitables. L’étude qui théorise cette enfer, Trajectories of the Earth System in the Anthropocene, a paru lundi 6 août dans les Comptes-rendus de l'Académie nationale des sciences des États-Unis.

Johan Rockström, directeur exécutif du Stockholm Resilience Centre et co-auteur de l’étude, a déclaré à Motherboard que réduire les émissions de dioxyde de carbone pour empêcher le réchauffement de dépasser les deux degrés, la proposition de la Conférence de Paris sur le changement climatique de 2015, ne suffira pas à nous épargner le scénario de la Planète serre. Les émissions humaines influencent les températures globales, mais elles ne sont pas seules, a-t-il ajouté : les systèmes naturels comme les forêts et les océans jouent aussi un rôle majeur.

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Rockström affirme qu’un réchauffement de deux degrés ou plus pourrait déclencher des réactions en forme d’« événements à risque » dans un ou plusieurs de nos systèmes naturels, avec pour conséquence un réchauffement encore plus important. Les vagues de chaleur et incendies de l’été 2018, par exemple, ont été liés à l'augmentation d'un degré de la température globale.

L’un des dix événements cités dans l’étude est la fonte du pergélisol, ce sol gelé et imperméable qui couvre un quart des terres de l’hémisphère nord. Si le permafrost venait à dégeler, les zones qu’il couvrait relâcheraient d’énormes quantités de dioxyde de carbone et de méthane, ce qui aggraverait le réchauffement.

Les autres événements à risque comprennent le dépérissement des forêts amazonienne et boréales, la fonte de la couverture neigeuse de l’hémisphère nord, des glaciers de l’océan Austral et des calottes glacières des pôles, ainsi que la disparition des glaces d’été dans l’Arctique.

« Ces points de bascule peuvent déclencher un effet domino, explique Rockström. Dès que l’un d’entre eux est atteint, la Terre se précipite vers un autre. » Le chercheur pense qu’une fois lancée, la réaction en chaîne sera presque impossible à arrêter. Tout ce que nous pourrons faire, c’est nous assoir confortablement en attendant que la Terre ne devienne réellement une serre.

« Nous n’avons pas le choix, nous avons dix ans pour devenir des capitaines planétaires responsables, s’alarme Rockström. Nous sommes face au plus grave problème de sécurité globale de tous les temps. »

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Il est encore impossible de savoir si 1,5 ou 2 degrés de plus suffiront à déclencher l’effet domino. Une chose est sûre, cependant : plus les températures globales grimpent, plus le risque est important. La bonne nouvelle, explique Katherine Richardson, professeure à l’université de Copenhague et co-auteure de l’étude, c’est que nous savons quoi faire pour éviter de transformer la Terre en fournaise. « Nous avons le savoir et la possibilité d’agir, affirme-t-elle. C’est en notre pouvoir. »

Les auteurs de l’étude citent trois terrains d’action. Le premier — et le plus urgent — demande de réduire nos émissions de dioxyde de carbone et de nettoyer nos énergies le plus vite possible. Nous somes déjà en route : les énergies renouvellables, notamment celles du vent et du soleil, sont désormais moins chères à exploiter que les combustibles fossiles dans de nombreux pays. En plus, ils ne polluent pas et créent plus d’emplois.

La deuxième priorité est d’arrêter la déforestation et la transformation de zones sauvages en zones d’agriculture. Les forêts et autres espaces naturels absorbent 25% de nos émission de carbone mais ce n’est pas assez.

Troisième et dernière mesure : continuer à développer des technologies de nettoyage et de stockage du carbone qui encombre notre atmosphère. Une entreprise canadienne, Carbone Engineering, vient de créer un procédé qui extrait le carbon de l’atmosphère pour le transformer en carburant liquide. Malheureusement, cela coûte cher — comme toutes les autres technologies d’extraction du carbone.

Par bonheur, les gouvernements n’ont pas eu à s’en mêler pour que les efforts commencent. Des individus isolés, des communautés et des entreprises ont compris que ces choses devaient être faites, rapporte Richardson. Une importante coalition d’états, de villes et d’organisations se sont unies pour remplir les objectifs de la Conférence de Paris, quoi qu’en décide l’admnistration Trump, a-t-elle ajouté.

Diana Liverman, professeure de géographie à l’université d’Arizona et co-auteure de l’étude, explique que la baisse des taux de fertilité un peu partout dans le monde contribuera également à la stabilisation de la planète. La population globale ne devrait plus tarder à se stabiliser, réduisant de fait les besoins de l’humanité en nourriture et en habitation. Elle ajoute qu’il est important de réduire la consommation énergétique et matérielle des pays riches et de mettre les pays en voie développement sur la route de l’écologie.

« Nous ne pouvons pas nous montrer complaisants, explique Liverman. Si nous ne faisons pas les bon choix, nous allons avoir de gros problèmes. »