La chauve-souris, sac à virus

Seul mammifère volant, cet animal transmet des maladies dangereuses pour les hommes. Comme la fièvre Ebola, qui a tué 6 000 personnes en Afrique en moins d'un an.

La chauve-souris, sac à virus

    Lorsque l'on parle de chauve-souris, on pense à sa capacité à dormir suspendue, la tête vers le bas, ou alors à Batmanâ?¦ Mais pour les scientifiques, ces animaux volants sont surtout associés aux virus, car ils sont porteurs de maladies. Depuis cet été, les scientifiques sont quasiment sûrs que ces mammifères volants sont à l'origine de l'épidémie d'Ebola qui s'est déclarée dans le sud de la Guinée, il y a presque un an. Un singe aurait été en contact avec une chauve-souris infectée. Le primate serait devenu un vecteur de la maladie avant d'être manipulé puis dépecé par les humains, qui auraient été contaminés en le mangeant (voir infographie page suivante). Depuis, le virus a poursuivi son chemin. Début décembre, on recensait plus de 16 000 cas en Afrique, où l'épidémie a déjà fait environ 6 000 morts.

    Selon une étude datant de 2012, la deuxième famille de mammifères en nombre d'espèces (plus de 1 000) après les rongeurs, transmet nombre de maladies aux autres animaux, et aux hommes. Des chercheurs français de l'Institut de recherche et de développement (IRD) et de plusieurs universités internationales, en collaborant, ont découvert en 2012 chez les chiroptères (autre nom de l'animal) 66 nouveaux virus, appartenant à la même famille que ceux qui transmettent la rougeole et les oreillons.

    En France, elles propagent la rage

    « On ne connaît qu'une centaine de virus présents chez les chauves-souris, mais il y en a probablement beaucoup plus. On parle de 200, peut-être 500 ! Cependant, tous ne sont pas transmissibles à l'homme », rassure Noël Tordo, chef de l'unité des stratégies antivirales à l'Institut Pasteur. D'autant qu'en France, les chauves-souris ne sont pas les mêmes qu'en Afrique, et transportent donc des maladies différentes, comme la rage.

    L'exploitation des forêts en partie responsable

    Ce n'est pas la première fois qu'un virus porté par les chauves-souris touche gravement les populations. Nipah, le virus du Sras (Syndrome respiratoire aigu sévère), la rage et, plus récemment, Marburg (virus cousin d'Ebola) ou le développement du syndrome respiratoire du Moyen-Orient ont tous fait des victimes (lire encadré page précédente). « Il y a peu de chance que cela aille en diminuant », constate Julien Cappelle, chercheur de l'Institut Pasteur du Cambodge. Si une recrudescence des épidémies est notable, elle est principalement dueâ?¦ aux hommes. La population avance dans les forêts africaines et asiatiques, ce qui renforce les contacts avec les animaux sauvages. « Il y a souvent un lien entre pauvreté des pays et virus, ajoute Eric Leroy. En France et en Europe, ce risque de transmission est réduit. »

    Eradiquer les chauves-souris, utiles à l'agriculture, n'est pas envisageable

    « On est en contact avec ces espèces depuis des centaines d'années. On connaît les agents pathogènes qui posent problème », souligne Mathieu Bourgarel, chercheur au Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (Cirad), basé au Zimbabwe. Il s'agit essentiellement de la rage, portée par des chauves-souris insectivores, que l'on retrouve dans les différents départements français. Moins de dix cas ont été référencés chez l'homme en Europe depuis vingt ans.

    La question de l'éradication des chauves-souris, en gage de protection, n'est cependant pas envisageable. Cette espèce, menacée en France, joue un rôle bénéfique pour les écosystèmes et les cultures. Grandes consommatrices d'insectes, les chauves-souris permettent de réduire considérablement l'utilisation de pesticides.

    Une étude de la revue américaine Science, parue en 2011, chiffrait le coût pour l'agriculture de la disparition des chauves-souris en Amérique du Nord à 3,7 milliards de dollars par an. L'homme va devoir continuer à cohabiter avec ce mammifère volant, à la fois détesté et protégé. Comme c'est le cas depuis des centaines d'années.