Toilettes sèches : de l'auto-construction à l'industrialisation
Deux arrêtés sur l'assainissement non collectif publiés dans le JO du 9 octobre viennent de reconnaître les toilettes dites sèches. Il était temps, car on dénombre aujourd'hui près de 2000 installations sur le territoire français, relevant en grande partie de l'auto-construction. Demain, la production devrait s'industrialiser.
Eric Leysens et Elodie Cloatre
« Empreinte », association militant pour l'utilisation de matériaux et de procédés écologiques, a recensé, fin 2008, plus de 1300 toilettes sèches installées chez des particuliers. En estimant qu'elles sont utilisées près de 10 fois par jour et en considérant qu'une chasse d'eau consomme 6 litres (estimation basse), elles permettent d'économiser près de
Ce que l'enquête d' « Empreinte » révèle aussi, c'est que 90% des toilettes sèches françaises sont auto-construites et que 75% sont installées à l'intérieur des habitations. Ce dernier chiffre permet de rompre avec l'idée très souvent associée aux toilettes sèches de « cabane au fond du jardin ».
Comme la réglementation se doit d'encadrer toutes les pratiques existantes, des arrêtés viennent de reconnaître les toilettes sèches comme assainissement non collectif. Néanmoins, ces arrêtés sont loin de prendre en compte l'ensemble des mécanismes physico-chimiques utilisés pour le traitement des matières issues de toilettes sans eaux.
Une réglementation rattrapant "timidement" la pratique
La réglementation envisage seulement deux types de toilettes sèches :
- des systèmes traitant en commun les urines et les fèces, en les mélangeant à un matériau organique pour produire du compost ;
- des systèmes traitant séparément les matières solides et liquides, dans ce cas, les urines doivent rejoindre la filière de traitement prévue pour les eaux ménagères, tandis que les fèces doivent être traitées par séchage.
Pierre Colombot, directeur de « Ecosphères technologies », entreprise spécialisée dans l'installation de toilettes sèches publiques depuis presque 20 ans, juge ces arrêtés "timides" et "uniquement centrés sur les toilettes à sciure". Reposant sur le principe du paillage d'une étable, à la fin de chaque utilisation on verse des sciures, la litière sous les toilettes est alors constituée de couches qui formeront du compost. Cette technique nécessite une évacuation hebdomadaire de matières collectées.
Son entreprise a déjà installé plus de 300 toilettes publiques, de la N7 jusqu'au refuge Vallot à 4400 m sur le Mont Blanc. Il est actuellement en train d'équiper le parc de la Tête d'Or, à Lyon.
Jusqu'à maintenant, les toilettes sèches n'étant mentionnées dans aucune réglementation, il a bénéficié à chaque installation d'une dérogation et, dans la très large majorité des cas, il reconnaît d'ailleurs n'avoir rencontré aucune difficulté avec les services de la DDASS. Demain, il continuera à installer des toilettes qui ne correspondent pas à la description réglementaire.
Tapis roulant et lombricompostage
Grâce à son système breveté, « Ecosphère Technologies » n'a eu à venir évacuer pour la première fois le terreau produit par les toilettes installées le long de la N7 en 2001, qu'au printemps 2009. Pendant ces 8 années, un tapis roulant incliné a séparé les matières liquides et solides, ces dernières étant ensuite traitées par lombricompostage. Consiste à produire du compost à l'aide des vers. On est là bien loin de ce que prévoit la réglementation, des toilettes à litière dans lesquelles on verse des sciures de bois ou des systèmes fonctionnant à l'aide de séchage.
C'est grâce à cette technologie qu'Emmanuel Morin, ancien de chez « Ecosphère Technologies », a décidé de se spécialiser dans une offre pour les particuliers en lançant l'entreprise « Ecodomeo ». Fort d'une expérience de 20 ans dans l'industrie, il espère, d'ici 4 ans, installer plus de 100 toilettes sans chasse d'eau chaque année. Pour cela, il mise sur un entretien minimum, soit une vidange du compost tous les 4 ans pour une famille de 6 personnes.
"L'esprit des toilettes sèches, considérer les excréments comme une ressource plutôt que comme des déchets, n'y est pas." L'entrepreneur juge " très bien que ces arrêtés reconnaissent les toilettes sèches", mais comme son ancien patron, il regrette qu' "alors que les prescriptions techniques relatives à l'installation d'une fosse septique sont exagérément détaillées, les modalités pour l'installation et le fonctionnement des toilettes sèches sont plus que sommaires." Pour lui, dans une optique d'industrialisation de ce produit écologique, il faudrait déjà envisager un marquage CE.
REGLEMENTATION SUR LES TOILETTES SECHESSoucieuse qu'elles ne génèrent aucune nuisance pour le voisinage, ni rejet liquide en dehors de la parcelle, ni pollution des eaux superficielles ou souterraines, la réglementation exige que les toilettes sèches soient composées d'une cuve étanche recevant les fèces ou les urines et que la cuve soit régulièrement vidée sur une aire étanche conçue de façon à éviter tout écoulement et à l'abri des intempéries.
Les sous-produits issus de l'utilisation de toilettes sèches doivent être valorisés sur la parcelle.
CALCUL1300 toilettes x 10 utilisations x 6 litres x 365 jours = 28 500 000 litres
Toilettes sèches : de l'auto-construction à l'industrialisation
Tous les champs sont obligatoires
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