Les douze raffineries de pétrole de métropole sont touchées par un mouvement de grève et plusieurs sites sont bloqués. Mardi 19 octobre, plusieurs centaines de lycées faisaient également l'objet de blocus... Cette forme de protestation est-elle légale ?
"Non, tranche Carine Regenberg, avocate au barreau de Paris. Le principe de la grève n'autorise pas les salariés grévistes à empêcher les non grévistes à se rendre sur leur lieu de travail et à exercer leur activité."
LA GRÈVE A ÉVOLUÉ
Depuis la Libération, le droit de grève est inscrit dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Selon le blogueur maître Eolas, avocat au barreau de Paris, "il s'agit d'un mouvement collectif pris à l'initiative de tout ou partie du personnel d'une entreprise, destiné en général à contraindre l'employeur à la négociation des conditions de travail et de rémunération. La grève a évolué, elle peut aussi être décidée dans un but de solidarité avec d'autres entreprises, même si les protestataires n'appartiennent pas au même employeur, pour exprimer la crainte d'une décision future ou dans un but politique."
"Si le droit de grève est un droit collectif, poursuit l'avocat, (on ne peut faire grève tout seul), son exercice est individuel. Nul ne peut être contraint à faire grève, et les tribunaux sont sévères là-dessus. Les piquets de grève, c'est-à-dire le blocage de l'accès au lieu de travail, visant à paralyser l'activité de l'entreprise, est illégal."
LICENCIEMENT, AMENDE, PRISON
"Les responsables d'un blocus commettent une faute lourde qui peut entraîner un licenciement sans indemnité et sans préavis", souligne Angélique Mouton, juriste sur juritravail.com. Ils peuvent également être poursuivis en justice dès lors qu'il existe un lien de causalité entre leur action et un préjudice comme la dégradation de l'outil de travail ou un manque à gagner dû à l'inactivité pour l'entreprise. "Les auteurs du blocus peuvent être poursuivis au civil et être condamnés à payer des dommages et intérêts, explique maître Regenberg. Une procédure au pénal peut également être engagée, particulièrement s'il y a eu des violences ou des destructions de biens."
"Une entrave concertée à la liberté du travail est passible d'un an de prison, 15 000 euros d'amende, portés à 3 ans et 45 000 euros en cas de violences, voies de fait ou dégradations. Le blocage des raffineries constitue en outre le délit d'entrave à la circulation, puni de 2 ans de prison et 4 500 euros d'amende (et de la perte de 6 points de permis…)", précise maître Eolas.
SANCTIONS DISCIPLINAIRES
Quant aux lycéens, ils ne disposent pas du droit de grève puisque celui-ci concerne exclusivement les travailleurs. "Les lycéens ne travaillant pas, il est impropre de parler de grève. Il est plus juste de parler de mouvement de protestation, de manifestation...", souligne maître Regenberg.Ils peuvent néanmoins être copieusement sanctionnés. "L'absence pour aller manifester est une violation de l'obligation d'assiduité, passible de sanctions pouvant aller jusqu'au renvoi. La tolérance des directeurs d'établissements, que ce soit par connivence ou pour éviter d'aggraver les troubles, crée l'apparence d'un droit, l'abus de langage fait le reste. Mais l'abus de langage ne permet pas l'abus de droit", assure maître Eolas.
"Le blocage des lycées (et des facs) constitue une faute passible de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'au renvoi pour les élèves de l'établissement, et le délit d'intrusion pour ceux qui n'en font pas partie (art. 431-22 et 431-23 du Code pénal) : un an de prison et 7 500 euros d'amende, 3 ans et 45 000 euros en réunion, c'est-à-dire si on est deux ou plus. En outre, même pour les élèves, ces blocages s'accompagnent souvent de dégradations, de violences et de menaces qui sont susceptibles de constituer des délits", conclut l'avocat.
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