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Les émissions mondiales de CO2 se stabilisent, mais le climat continue de s’emballer

Le bilan annuel du Global Carbon Project montre l’effet positif du ralentissement de la consommation de charbon en Chine. Mais les émissions indiennes croissent fortement.

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Publié le 14 novembre 2016 à 03h07, modifié le 14 novembre 2016 à 10h57

Temps de Lecture 5 min.

Bonne nouvelle sur le front du climat : les émissions mondiales de CO2, le principal gaz à effet de serre relâché par les activités humaines, ont stagné en 2015, et devraient rester quasiment stables en 2016. C’est ce qui ressort du bilan annuel publié lundi 14 novembre, à la veille de la réunion des chefs d’Etat à la conférence climatique de Marrakech (COP22), par le Global Carbon Project (GCP), un consortium scientifique sous l’égide de l’université britannique d’East Anglia.

Ce tassement demeure insuffisant pour enrayer l’emballement de la machine climatique. Sans un changement rapide et radical de modèle énergétique, la planète se prépare à crever le plafond de 2 °C de réchauffement que s’est fixé la communauté internationale.

En 2015, les émissions de dioxyde de carbone issues de la combustion de ressources fossiles (charbon, pétrole et gaz) ainsi que des cimenteries se sont élevées à 36,3 milliards de tonnes (gigatonnes ou Gt), au même niveau qu’en 2014. Ce chiffre, note l’étude, « marque une rupture claire et inattendue par rapport à la forte progression des émissions (+ 2,3 % par an) au cours de la décennie 2004-2013 ». En 2014, la hausse avait déjà été contenue à 0,7 %. Pour 2016, les experts prévoient une augmentation modérée de 0,2 %, à 36,4 Gt.

Un plateau dans les émissions mondiales de CO2

Ce bilan ne prend toutefois pas en compte les émissions dues aux changements d’affectation des sols, en particulier à la déforestation. Ce sont ainsi 4,8 Gt de CO2 (soit 1 Gt de plus que la moyenne annuelle de la précédente décennie) qu’il faut ajouter au total, qui s’établit alors à 41,1 Gt.

La Chine contrebalancée par l’Inde

Le plateau observé pour les rejets carbonés dus aux combustibles fossiles et aux cimenteries, sur les trois années 2014, 2015 et 2016, n’en est pas moins remarquable, surtout quand on le compare à la croissance du produit intérieur brut (PIB) mondial, supérieur cette année à 3 %. « Après trois années d’augmentation modérée, il est possible que la trajectoire des émissions mondiales se décorrèle de manière permanente et à long terme du rythme de la croissance », écrivent les chercheurs.

Comment l’expliquer ? Dans une large mesure par la moindre consommation de charbon par la Chine. Le premier pays pollueur de la planète, responsable à lui seul de 29 % des émissions mondiales, a réduit ses rejets de 0,7 % alors qu’ils avaient grimpé de plus de 5 % par an au cours de la décennie antérieure. Dans le même temps, les émissions des Etats-Unis, qui pèsent pour 15 % du total, ont diminué de 2,6 %, en raison là aussi d’un recul de la part du charbon, remplacé par du pétrole et du gaz, moins nocifs pour le climat. A l’inverse, dans l’Europe des Vingt-Huit, qui pèse pour 10 %, les émissions sont reparties à la hausse (+ 1,4 %) après une longue décrue.

Des efforts très inégaux selon les pays

Le bénéfice de la relative sobriété charbonnière de la Chine est cependant contrebalancé par la forte croissance des émissions de l’Inde, qui ont bondi de 5,2 %, dans la lignée de la hausse continue des dernières décennies. C’est des deux géants asiatiques que va dépendre, pour beaucoup, la courbe future des gaz à effet de serre d’origine humaine.

« Une immense incertitude plane sur les prévisions concernant les émissions chinoises pour l’année 2016, du fait du manque de fiabilité des données », pointent les experts. Pour l’Inde, il n’existe « aucune prévision ». S’y ajoute désormais une inconnue supplémentaire, et de taille : celle de la politique énergétique du président élu américain, Donald Trump, qui a promis un nouvel âge d’or aux énergies fossiles.

Ce n’est pas tout. Les chercheurs soulignent que « les émissions déclarées ne peuvent pas encore être contrôlées à l’aide de données indépendantes, du fait que nous ne sommes pas encore en mesure de calculer précisément les flux de carbone dans l’environnement naturel ».

Epuisement du budget carbone

En tout état de cause, le nivellement des rejets carbonés de l’humanité n’empêche pas que les gaz à effet de serre continuent de s’accumuler dans l’atmosphère. « En 2015, le niveau de CO2 atmosphérique a dépassé 400 parties par million (ppm), 44 % au-dessus des niveaux préindustriels, soit le niveau le plus élevé depuis 800 000 ans », rappellent les scientifiques.

« Sur le total des gaz à effet de serre émis, entre 45 % et 50 % vont dans l’atmosphère, le reste se partageant à parts égales entre l’océan et la biosphère terrestre, explique le climatologue Jean Jouzel. Chaque année, ce sont donc près de 20 milliards de tonnes supplémentaires de CO2 que nous injectons dans l’atmosphère. » De surcroît, précise-t-il, ce bilan prend en compte le seul dioxyde de carbone, et non pas l’ensemble des gaz à effet de serre, « notamment le méthane dont les émissions continuent d’augmenter ».

La concentration de CO2 dans l’atmosphère pourrait battre un nouveau record en 2016, estiment les chercheurs, en raison de la moindre efficacité du puits de carbone que constitue la végétation, mise à mal par la sécheresse provoquée par le phénomène El Niño dans les régions tropicales.

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Au bout du compte, la stabilisation des émissions mondiales est loin de suffire aux objectifs climatiques définis par l’accord de Paris issu de la COP21, à savoir contenir l’élévation de la température moyenne « nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels » et s’efforcer de ne pas excéder 1,5 °C. Pour que la colonne de mercure ne grimpe pas de plus de deux échelons, il faudrait « une réduction des émissions de 0,9 % par an jusqu’en 2030 », indiquent les chercheurs.

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Autrement calculé, le « budget carbone », c’est-à-dire la quantité de carbone que l’humanité peut encore relâcher sans s’exposer à la surchauffe, diminue comme peau de chagrin. « Nous avons déjà utilisé plus des deux tiers du quota d’émissions permettant de maintenir le réchauffement inférieur à 2 °C, préviennent les auteurs. A ce rythme, le quota d’émissions restantes sera épuisé dans moins de trente ans, voire moins si l’objectif est de ne pas dépasser 1,5 °C. »

Une décrue rapide des émissions est nécessaire pour contenir le réchauffement

« La stabilisation des émissions est bien sûr un signal positif, commente Jean Jouzel. Mais, si l’on veut stabiliser la concentration atmosphérique de gaz à effet de serre et rester sur la trajectoire de 2 °C, il faut les réduire drastiquement. » En commençant par « laisser sous terre plus de 80 % des ressources fossiles connues ». Faute de quoi l’accord de Paris, comme la COP de Marrakech, resteront vains.

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