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Le réacteur EPR de Flamanville touché au cœur

L’autorité de sûreté nucléaire a indiqué, mardi 7 avril, qu’Areva l’avait informée d’une « anomalie de la composition de l’acier dans certaines zones du couvercle et du fond de la cuve » du réacteur

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Publié le 07 avril 2015 à 14h25, modifié le 19 août 2019 à 12h54

Temps de Lecture 4 min.

Le réacteur EPR de Flamanville (Manche), en chantier depuis 2007, vient de connaître un nouveau déboire. Et c’est le cœur même du projet qui est aujourd’hui touché : la cuve où se produit la fission des atomes et qui constitue aussi la seconde barrière de confinement de la radioactivité, après la double enceinte de béton du bâtiment du réacteur. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a en effet annoncé, mardi 7 avril, qu’Areva l’avait prévenue d’une « anomalie de la composition de l’acier » dans le couvercle et le fond de la cuve du réacteur.

Au cours des premiers essais chimiques et mécaniques sur des pièces similaires, fin 2014, les ingénieurs ont constaté une concentration importante en carbone, réduisant la capacité de l’acier à résister à la propagation de fissures. Une résistance indispensable dans une chaudière soumise à d’énormes pressions et à des chocs thermiques violents, précise le gendarme du nucléaire.

La seule pièce qu’on ne peut pas changer

La ministre de l’écologie et de l’énergie, qui s’est prononcée pour la construction de nouvelles centrales une fois les plus anciennes mises à l’arrêt, a aussitôt demandé à Areva de se conformer « sans délai » aux demandes de l’ASN. Ségolène Royal a réaffirmé sa « confiance à ce dispositif de contrôle et d’expertise » – composé de l’ASN et de son bras armé, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) – censé rapprocher les installations du risque zéro.

Forgée dans l’usine Areva de Chalon/Saint-Marcel (Saône-et-Loire), la cuve est soumise à l’arrêté sur les équipements sous pression nucléaire qui renforce les exigences techniques dans ce domaine depuis 2005. Cette pièce doit être sans défaut puisque c’est la seule qu’on ne peut pas changer au cours de la durée de vie d’un EPR, qui sera de soixante à cent ans.

EDF et Areva ont annoncé le lancement, en avril, d’une « nouvelle campagne d’essais », dont les résultats sont attendus pour octobre, et s’engagent à « apporter à l’ASN toutes les informations permettant de démontrer la sûreté et la qualité des équipements concernés ». Ce contretemps n’empêchera pas les travaux de Flamanville de se poursuivre, affirment les deux groupes. Mais dans l’hypothèse où les nouveaux essais seraient invalidés, le chantier, qui a accumulé plus de cinq ans de retard et une dérive des coûts – ils sont passés de 3,3 milliards d’euros à 8,5 milliards –, pourrait prendre encore du retard.

Lourd enjeu pour Areva

A l’automne, EDF avait encore repoussé la date de mise en service de 2016 à 2017 et annoncé une nouvelle estimation du coût final, qui pourrait atteindre 10 milliards. Sur le site, les syndicats doutent de ce calendrier. L’équipe du nouveau PDG, Jean-Bernard Lévy, affiche aussi une grande prudence à quelques mois du début de la phase la plus critique : les essais du réacteur.

L’enjeu est lourd pour Areva, mais aussi EDF. Dans sa lettre de mission à M. Lévy, l’Etat actionnaire (à 84,5 %) lui a demandé d’« améliorer la gestion du chantier » et de « le livrer en optimisant les coûts et les délais ». Des équipes conjointes EDF-Areva y travaillent au siège d’Areva, à La Défense. Le raccordement de Flamanville (1 650 MW) conditionne aussi l’arrêt de deux tranches de 900 MW, qui pourraient être celles de Fessenheim (Haut-Rhin).

Cette incertitude sur les capacités de résistance de la cuve est d’autant plus inquiétante qu’elle concerne aussi les deux EPR construits par EDF et son partenaire China General Nuclear Power Corporation (CGN) sur le site de Taïshan, dans la province chinoise du Guangdong.

Les responsables de l’ASN ont prévenu leurs collègues chinois d’un risque de défaut, alors que le premier EPR chinois devrait être mis en service en 2016. En revanche, l’ASN indique que les pièces de l’EPR finlandais d’Olkiluoto, forgées au Japon, ne sont pas concernées par ces « anomalies ».

Un accident qui tombe mal

Le nouvel accident de parcours subi par l’EPR est du plus mauvais effet pour ses clients potentiels, comme l’Afrique du Sud, la Pologne, l’Arabie saoudite ou l’Inde. Tous s’interrogent depuis plusieurs années sur la solidité et la cohérence de la filière nucléaire française. Cette annonce sur l’EPR de Flamanville intervient à la veille de la visite en France du premier ministre indien, Narendra Modi, dont le pays est candidat à l’achat de deux à six EPR.

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Elle s’inscrit aussi dans un environnement déjà très dégradé pour Areva. Le groupe a annoncé, le 4 mars, une perte de 4,8 milliards d’euros sur l’exercice 2014 et une baisse de 8 % de son chiffre d’affaires. Ses dirigeants travaillent depuis des mois avec EDF et le gouvernement à une réorganisation complète de la filière nucléaire. Dans ce cadre, tout ou partie d’Areva NP, la filiale réacteurs et services d’Areva, devrait passer sous le contrôle du géant de l’électricité.

Si les industriels croient toujours à l’avenir de l’EPR, écologistes et antinucléaires ont trouvé dans ce énième déboire une raison de plus pour réclamer l’arrêt du chantier. « Après une multitude de problèmes techniques, des années de retard et un surcoût monstre, souligne Europe Ecologie-Les Verts, le nouveau feuilleton de ce gigantesque ratage industriel déconstruit une nouvelle fois le mythe du nucléaire sûr et peu cher. »

 

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