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Nucléaire: le premier réacteur qui transmute les déchets

Le CNRS a présenté les premiers pas de Guinevere, une maquette de réacteur qui permet réduire à la fois le volume et la durée de la radiotoxicité des déchets.

«Une premièremondiale.» C'est en ces termes que le CNRS a présenté jeudi les premiers pas de Guinevere, un réacteur nucléaire expérimental capable de réaliser le rêve des alchimistes: la transmutation. Dans l'univers du nucléaire, la transmutation est l'une des pistes préconisées par la loi Bataille de 1991 pour réduire à la fois le volume et la durée de la radiotoxicité des déchets produits par les réacteurs nucléaires. La technique consiste à casser le noyau lourd d'un élément, qui reste radiotoxique pendant des centaines de milliers d'années, en deux noyaux plus légers, qui perdront leur radioactivité en quelques siècles «seulement». Le principe physique à l'œuvre est le même que dans la fission nuclé­aire des réacteurs d'EDF sauf que, pour scinder des noyaux d'éléments comme le plutonium, le neptunium, l'américium ou le curium, il faut les bombarder avec des neutrons plus rapides que dans une centrale classique.

Le prototype Guinevere, construit à Mol, en Belgique, dans le cadre d'une coopération entre le Centre d'étude de l'énergie nucléaire belge (SCK.CEN), le CNRS et le CEA (Commissariat à l'énergie atomique), est constitué d'un accélérateur de particules qui génère des neutrons rapides. Ces particules bombardent le cœur du réacteur dont le combustible, au lieu d'être de l'uranium comme dans les centrales classiques, est remplacé par des déchets radioactifs à vie longue. Pour éviter l'emballement d'un cœur composé d'un tel cocktail, Guinevere fonctionne en mode sous-critique. C'est-à-dire que pour stopper la réaction nucléaire en une fraction de seconde, il suffit d'arrêter l'accélérateur de particules, alors que cette réaction s'autoentretient dans un réacteur classique.

Héritier du «rubbiatron»

Guinevere, ce couplage réussi entre un accélérateur de particules et un réacteur, est un héritier du «rubbiatron», projet porté dans les années 1990 par le flamboyant Prix Nobel de physique italien Carlo Rubbia, qui suscita scepticisme et controverses avant de rester dans les cartons.

Avec son accélérateur d'un mètre de long, sa source qui tient dans une armoire et son minicœur de 2 mètres de hauteur, Guinevere n'est encore qu'une maquette, d'un coût total de 10 millions d'euros. Selon Hamid Aït Abderrahim, directeur adjoint du SCK.CEN, ce prototype préfigure Myrrha, un pilote préindustriel doté d'un accélérateur de 200 mètres de long qui pourrait être opérationnel en 2023, également à Mol, et dont le coût est évalué à un milliard d'euros.

Si Guinevere et Myrrha débouchaient sur une filière industrielle, comment celle-ci s'inscrirait-elle dans le paysage énergétique des prochaines décennies? Sa vocation ne serait pas de produire du courant, estime Annick Billebaud, de l'Institut de physique des particules (IN2P3) du CNRS, mais bien de contribuer à réduire le volume et la durée de vie des déchets le plus radioactifs. Il ne devrait pas se substituer à la solution de stockage souterrain des déchets mais «l'optimiser», résume Hamid Aït Abderrahim.

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