TECHNOPHILE

La maison passive qui chauffe le sol

Un nouveau modèle de bâtiment écologique injecte de la chaleur dans le sous-sol pendant l’été afin d’en profiter l’hiver.

Récupérer dans les bâtiments dix fois plus d’énergie sous forme de chaleur que consommée en électricité: c’est ce que promet Hansjürg Leibundgut d’ETH Zurich. Le professeur de technique du bâtiment a développé un système pour capter la chaleur en été et l’utiliser en hiver, et a convaincu des industriels de s’y intéresser.

Utilisées pour réduire la consommation énergétique des bâtiments, les pompes à chaleur usuelles extraient de la chaleur du sol à quelques dizaines de mètres de profondeur pour chauffer de l’eau utilisée dans les sanitaires et les radiateurs.

Mais à force de voir son énergie puisée, le sol se refroidit d’année en année, ce qui nuit à l’efficacité de ces systèmes. Pour réduire la consommation d’énergie liée au chauffage, Hansjürg Leibundgut a développé une solution sur trois axes: profiter de l’énergie solaire abondante en été pour réinjecter de la chaleur dans le sous-sol, forer profond pour bénéficier de températures plus élevées (la température grimpe de 3 °C tous les 100 m), et utiliser des pompes à chaleur à haute performance.

L’ingénieur habite depuis 2011 dans un petit immeuble à Zurich appelé «B35» qu’il a fait construire pour tester ses idées. Le forage géothermique descend à 380 m sous le bâtiment et le toit est équipé de capteurs solaires hybrides qui produisent de l’électricité et de la chaleur. En été, la pompe à chaleur est inversée: le surplus d’eau chaude est envoyé dans le sol pour y emmagasiner de la chaleur jusqu’en hiver. L’efficacité énergétique de ce bâtiment a convaincu une douzaine d’entreprises suisses de se regrouper sous le label «2SOL» pour améliorer les différents éléments du système (capteurs solaires, ventilation, automatisation, pompe à chaleur, etc.) et faire ainsi baisser les coûts.

Creuser plus profond

Le prochain bâtiment sera construit à Fribourg et intégrera de nouveaux éléments. Les capteurs solaires ne seront plus ajoutés sous la forme de modules apposés sur le toit, mais le constitueront eux-mêmes. Le petit immeuble sera doté d’une pompe à chaleur à haute performance développée à l’Université de Lucerne et le forage ira jusqu’à 500 m.

«Il y a un double intérêt à forer à de telles profondeurs, commente Romain Vernier du Bureau de recherches géologiques et minières, l’organisme français chargé du sous-sol. D’abord, parce qu’on accède à des températures plus élevées. Ensuite, parce qu’un forage à grande profondeur occupe moins d’espace que plusieurs forages à faible profondeur, ce qui est important en zone urbaine.»

«A 500 m, la température est proche de 26 °C, détaille Hansjürg Leibundgut. Cela permet, en fin d’hiver, d’avoir de l’eau qui sort du forage à 16 °C contre 12 °C pour le bâtiment B35, ce qui améliore l’efficacité de la pompe à chaleur. Avec 1500 Watts d’électricité, cette dernière peut délivrer 11 fois plus d’énergie sous forme de chauffage. De quoi chauffer 700 m2 de logements avec 80 m2 de capteurs solaires.» Selon l’ingénieur, l’investissement de 100’000 francs serait amorti en moins de dix ans.
_______

Une version de cet article est parue dans le magazine Reflex.