Accueil > Actualités > Les fabricants continuent de violer le Code international – 16 mai 2014

Breaking the Rules, Stretching the Rules 2014, nouvelle publication du réseau IBFAN, présente les preuves du non-respect du Code international de commercialisation de substituts du lait maternel.

Quelques 813 violations commises dans 81 pays figurent dans ce rapport, qui nomme chacun des 27 fabricants impliqués. Il rappelle que les taux d’allaitement continueront de baisser tant que l’on permettra que la promotion commerciale lui fasse concurrence et ébranle la confiance des mères dans leurs propres capacités à nourrir leurs enfants. La conséquence inéluctable est l’accroissement des taux de mortalité et de morbidité infantiles. Ce rapport ne révèle que la pointe émergée de l’iceberg, mais il donne un bon aperçu des principales tendances et stratégies de commercialisation des trois dernières années :

  • La concurrence entre fabricants s’est renforcée. La rentabilité et l’énorme taille du marché des substituts du lait maternel (41 milliards de dollars) ont poussé à de nombreux rachats d’entreprises, laissant deux géants – Nestlé et Danone – face à face. Cela n’empêche les plus petits fabricants, entre autres Friesland (Pays Bas), Liptis (Suisse) et HiPP (Allemagne), de violer eux aussi le Code en toute impunité.
  • Les réseaux sociaux sont maintenant largement utilisés comme outil de marketing. Twitter, Facebook, YouTube, Instagram, Google+, et autres «applications» téléchargées par des millions de personnes, sont autant de canaux de communication utilisés par les fabricants pour atteindre les mères. Ces nouveaux médias offrent des possibilités infinies d’interaction directe avec les consommateurs. Par exemple, des blogueurs sont utilisés pour conseiller des produits.
  • Les hôpitaux sont toujours le point d’entrée le plus efficace pour les entreprises. Les mères font confiance aux professionnels de santé et ont tendance à se fier à la marque utilisée à l’hôpital. Les représentants des entreprises sont formés pour persuader les médecins, par tous les moyens, de prescrire ou recommander leurs produits. En 2013, dans une seule ville chinoise, Dumex (appartenant à Danone) a été accusé d’avoir ainsi corrompu 116 médecins et sages-femmes au sein de 85 établissements médicaux.
  • Cibler la Chine. Des dizaines d’entreprises, grandes et petites, se battent pour accaparer une part du marché chinois de préparations pour nourrissons, extrêmement rentable. Quelques 20 millions de bébés naissent chaque année en Chine et le marché des préparations pour nourrissons devrait y atteindre un chiffre d’affaires annuel de 25 milliards de dollars d’ici 2017. Suite à une enquête menée en 2013, six entreprises ont été condamnées à une amende de 108 millions de dollars pour s’être entendu sur les prix de vente. Cinq d’entre elles figurent dans ce rapport: Mead-Johnson, Abbott, Danone, Friesland et Fonterra.
  • Les laits fortifiés pour bébés, aussi appelées «laits de croissance», servent principalement comme moyen pour ‘promotion croisée’ des préparations pour nourrissons et de laits de suite, qui portent souvent un nom de marque semblable. Les « laits de croissance » ne présentent aucun avantage nutritionnel par rapport à la nourriture traditionnelle, mais un marketing agressif a fait d’eux le segment de marché le plus performant. Les ventes de ces laits ont augmenté de près de 17% en 2012, tandis que les laits de suite ont progressé de 12%. L’Asie est le plus grand marché pour ces produits qui, bien qu’ils ne soient pas nécessaires, représentent désormais un tiers de la valeur du marché mondial de laits pour bébés.
  • Les parrainages sont à la hausse. Les entreprises ciblent régulièrement les médecins, les infirmières, les sages-femmes et les nutritionnistes, en leur offrant des billets d’avion pour se rendre à des conférences tenues dans des lieux luxueux, des cadeaux (tels que des ordinateurs portables coûteux), des tirages au sort, etc. Le rapport contient des preuves visuelles de ceci, dans des endroits inattendus comme les Émirats Arabes Unis, la Turquie et l’Irak.
  • Le parrainage d’associations professionnelles est également en hausse. Les entreprises continuent de parrainer des associations professionnelles, dans les pays en développement comme dans les pays industrialisés. A titre d’exemple, en vue du 20e Congrès de l’Union internationale des sciences de la nutrition, tenu en Espagne en 2013, les firmes Abbott, Nestlé, Danone, Wyeth, Hero, Mead Johnson et Friesland ont toutes effectué des ‘contributions’ allant de 40.000 à 75.000 euros.
  • «Plus proche que jamais du lait maternel». La publicité de préparations pour nourrissons comporte toujours des messages positifs sur l’allaitement, immédiatement suivis par des phrases suggérant que le produit visé est «presque» aussi bon. La tendance actuelle est de dire que le lait en question est «inspiré par le lait maternel» ou «reflète fidèlement le lait maternel». Wyeth, qui appartient maintenant à Nestlé, a lancé une nouvelle ligne de produits appelée Illuma, «formule d’affinité humaine». Nestlé affirme qu’elle veillera à ce que Wyeth applique les critères du FTSE4Good, mais ces critères ne correspondent pas au minimum fixé par le Code et les résolutions.
  • Allégations. Une des stratégies préférées des industriels est d’exalter leur produit avec des allégations de santé et de nutrition, comme celle d’avoir «le système le plus avancé d’éléments nutritifs» ou que les ingrédients du produit protègent les bébés contre les infections et améliorent la vue ainsi que l’intelligence. Dans les faits, très peu de ces allégations (‘claims’) sont prouvées par des recherches indépendantes et toutes font croire que le lait maternel et les aliments de famille sont en quelque sorte déficients.

La faute au marketing. Alors qu’au début des années 1990 les taux d’allaitement exclusif étaient partout à la hausse (UNICEF 2012), depuis lors le taux mondial est resté en dessous de 40%. Par exemple, la proportion de bébés nourris exclusivement au sein en l’Asie de l’Est est passée de 45% en 2006, à 29% en 2012. En Indonésie, les chiffres montrent une baisse de 10% du taux d’allaitement exclusif. Aux Philippines, seulement 17% des bébés sont actuellement nourris exclusivement au sein. Cela est dû en bonne partie au marketing des substituts du lait maternel. Dans la plupart des pays, les entreprises paient des agents de santé pour promouvoir l’utilisation de leurs laits. Selon un rapport de Save the Children (2013), en Chine 25% des mères ont reçu des cadeaux et 40% ont reçu des échantillons de produits de la part des fabricants, le tout en violation du Code.

C’est la faute des grands fabricants. IBFAN agit pour mettre fin aux violations du Code, quelle que soit l’entreprise qui les commet. De par leur taille, Nestlé et Danone ont l’impact le plus large, et Nestlé est souvent celle qui s’oppose aux réglementations contraignantes. Un boycott international est mené depuis des années contre Nestlé. Des messages de milliers de partisans du boycott adressés à Nestlé ont amené certains changements, par exemple la promesse de Nestlé de cesser de clamer que son lait est «le nouveau étalon d’or dans la nutrition infantile». Nestlé maintient que 90% des violations qui lui sont reprochées «ne sont pas contraires à [sa] politique», ce qui montre à quel point la politique de Nestlé en la matière ne cadre pas avec le Code et les résolutions.

Danone est passé à la deuxième place sur le marché mondial des laits pour bébés, après avoir racheté un à un des plus petits fabricants de produits alimentaires pour nourrissons. La société est aujourd’hui coupable de nombreuses violations. Les représentants Dumex et de Nutricia ciblent surtout les travailleurs de la santé. Danone tente également de lier son nom à ceux d’organismes de bienfaisance et à des initiatives gouvernementales par les biais de partenariats. Pour cette raison, IBFAN lance une campagne: «DanoNO: Dites NON au mécénat d’entreprise», et continue de demander à Danone de cesser toutes ses violations.

Les fabricants ont toujours cherché à marginaliser IBFAN, disant qu’elle est le seul organisme qui critique leurs pratiques commerciales. Cependant, d’autres organisations, telles Save the Children et l’UNICEF, insistent également pour que la situation change. Même l’Access to Nutrition Index, qui se trouve sous l’influence des fabricants, affirme que “la société (Nestlé) devrait prendre des mesures immédiates pour assurer que ses pratiques se conforment entièrement au Code International dans tous les pays”.

STOP PRESS: La preuve qu’un rapport indépendant, tel que Breaking the Rules, est nécessaire, vient d’être récemment apporté : en Inde, Danone aurait manipulé un rapport d’audit de ses activités afin de cacher des preuves du parrainage illégal de médecins par la firme. (1)

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(1) http://www.dairyreporter.com/Manufacturers/Nutricia-India-at-risk-of-non-compliance-with-IMS-Act-Danone?utm_source=copyright&utm_medium=OnSite&utm_campaign=copyright