Les agriculteurs français s’opposent à Hulot sur le glyphosate

La volonté de Nicolas Hulot de s’opposer au renouvellement de la licence du glyphosate dans l’UE suscite une levée de boucliers chez les agriculteurs, qui jugent ce produit essentiel pour les cultures, mais aussi pour l’agroécologie, l’environnement et le climat.

Le ministère français de la Transition écologique a indiqué que la France voterait « contre la réautorisation pour dix ans du glyphosate » dans l’Union européenne, « en raison des incertitudes qui demeurent sur sa dangerosité ».

En France, les agriculteurs dénoncent une position qui les mettrait dans l’embarras. Le vote sur l’autorisation de cet herbicide controversé devrait avoir lieu le 4 octobre.

« Tous ceux qui font de l’agriculture de conservation et qui ont arrêté le labour pour capturer le carbone dans les sols, selon les principes érigés à la COP21, vont devoir arrêter ce type d’agriculture s’ils ne peuvent pas recourir au glyphosate ponctuellement pour nettoyer les champs juste avant les semis, lorsque le gel n’a pas supprimé les couverts végétaux plantés juste après les moissons », a déclaré à l’AFP Arnaud Rousseau, président de la Fédération des producteurs d’oléoprotéagineux.

« C’est au moment même où l’initiative 4 pour 1 000 (lancée lors de la COP 21 et qui promeut des techniques agronomiques pour séquestrer du carbone dans les sols) remporte le prix de la politique d’avenir visionnaire décerné par le World Future Council que Nicolas Hulot décide d’enterrer ces bonnes pratiques agricoles », a renchéri la FNSEA.

Stéphane Le Foll, alors ministre de l’Agriculture et ardent promoteur de l’agroécologie, avait proposé une utilisation raisonnée de ce produit.

« Le glyphosate a comme caractéristique d’être un désherbant total, mais seulement de contact, et non pas systémique, c’est-à-dire qu’il touche les mauvaises herbes mais pas les vers de terre, pas les microbes du sol ni les insectes », explique Arnaud Rousseau.

Le débat scientifique sur le glyphosate refuse de mourir

Le docteur Christopher Portier a analysé les sources des recherches des agences européennes sur le glyphosate. Dans une lettre à Jean-Claude Juncker, il s’inquiète d’un manque de rigueur scientifique.

Levée de boucliers

Pour lui, ce n’est pas le principe actif du glyphosate qui est à mettre en cause mais des « adjuvants » utilisés par Monsanto pour accompagner le glyphosate, « notamment la taloamine », dans le Roundup.

Mais surtout, de l’avis général des producteurs, il n’y a pas d’alternative au glyphosate.

« Si demain on supprime le glyphosate, il va falloir le remplacer par le travail du sol, passer plusieurs fois des engins dans la parcelle pour détruire les repousses, les vivaces », indique Jean-Paul Bordes, directeur recherche et développement à l’institut du végétal Arvalis, qui pointe la consommation de fioul, de matériel et de main-d’œuvre supplémentaires.

« Le chardon, le chiendent, le liseron vont faire leur retour dans les cultures et générer des surcoûts de désherbage », insiste-t-il, qui estime que le retour au labour va « augmenter le risque d’érosion, de tassement des sols » et entraîner la « perte d’une forme de fertilité ».

Un tableau sombre que contredisent militants et ONG de la protection de l’environnement, qui font remarquer que les alternatives existent. En 2015, le centre fédéral de recherche sur les plantes cultivées allemand avait étudié la question et conclu que les agriculteurs pourraient très bien se passer du glyphosate. Un constat prouvé par l’agriculture bio, par exemple.

L'agriculture bio pourrait bien nourrir la planète

La littérature scientifique est désormais sans ambiguïté : l’agriculture bio suffirait très nettement à nourrir la population mondiale, sans engendrer autant de pollution et de problèmes sanitaires que l’agriculture conventionnelle, ont estimé deux agronomes américains mercredi 3 février dans Nature Plants. Un article de notre partenaire le JDLE.

Sur un plan économique, « la disparition du glyphosate, ça représente une facture de 900 millions d’euros par an pour les céréaliers français », prévient Philippe Pinta, président de l’AGPB (producteurs de blé), qui s’appuie sur une étude réalisée par Arvalis.

Au-delà, pour Jean-Paul Bordes, l’arrêt de l’utilisation du glyphosate signe la fin « de toutes les fermes dans les zones intermédiaires », aux sols moins fertiles, dont l’équilibre économique « repose sur une diminution de la main-d’œuvre par hectare, une diminution des charges ».

« Les agences scientifiques européenne et française ont donné leur accord. Donc on est bien sur un aspect politique et plus sur un aspect scientifique », déplore Philippe Pinta.

Les producteurs de blé qu’il représente ont co-signé avec les producteurs de maïs, de betteraves et d’oléagineux une lettre au président de la République afin d’infléchir la position de la France.

« Aujourd’hui, c’est Nicolat Hulot qui s’est prononcé, pas le gouvernement français », tente-t-il de se rassurer.

Les eurodéputés veulent verdir l'utilisation des engrais

Lors de la révision de la directive sur les engrais, les eurodéputés ont recommandé de favoriser davantage les engrais organiques et le compost.

 

L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a déclaré en novembre 2015 qu'il était peu probable que le glyphosate provoque le cancer chez les hommes et a proposé d'élever les plafonds du pesticide.

L’EFSA conseille les décideurs politiques européens, et ses conclusions étaient censées ouvrir la voie à un renouvèlement de l'autorisation du glyphosate par les 28 États membres. La molécule est entrée sur le marché en 1974. Elle est rapidement devenue le numéro 1 des ventes, notamment avec le Round Up du géant agrochimique américain Monsanto.

L'interdiction du glyphosate, une décision légitime, mais non scientifique ?

Le débat sur la toxicité des pesticides est légitime, mais dépasse le domaine de la science, selon Bernhard Url, le directeur de l'agence européenne EFSA.

Les groupes environnementaux appellent à une interdiction de la substance depuis que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l'OMS, a affirmé en mars 2015 que le glyphosate était un « cancérogène probable pour les humains ».

Selon un groupe d'action, 1,4 million de personnes ont signé une pétition appelant l'Union européenne à suspendre l'autorisation du glyphosate en attendant d'autres évaluations.

L’EFSA assure avoir mené une analyse approfondie et tenu compte des recherches du CIRC. L’agence a néanmoins conclu qu’il n’existait pas de risque cancérigène lié au glyphosate. Greenpeace parle pour sa part de mascarade.

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