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 Long fleuve tranquille ou torrent tumultueux ?

Yves Dandonneau 

En absorbant le rayonnement infra rouge émis par la Terre, le gaz carbonique contribue à réchauffer le climat. Du fait de la combustion de charbon ou d'hydrocarbures pour satisfaire la demande d'énergie due aux activités humaines, la concentration de ce gaz dans l'atmosphère a fortement augmenté, passant de 280 parties par million (ppm) avant l’ère industrielle à plus de 400 ppm actuellement.
Le réchauffement du climat causé par cette augmentation est régulièrement observé, et les trois dernières années ont été les plus chaudes depuis qu'existe un réseau d'observations météorologiques.

Après des années d'études et de débats contre ceux qui doutaient que les rejets de gaz carbonique dus aux activités humaines aient un rôle dans le réchauffement climatique, les accords signés à Paris à l'issue de la vingt et unième conférence des parties en novembre 2015, ont semblé inaugurer une période de convergence de vues sur le changement climatique, et une forte volonté internationale pour prendre des mesures, afin de réduire ces émissions et de limiter le réchauffement en cours. Depuis cet accord historique, pourtant, on assiste à davantage de controverses que de mises en œuvre des mesures qu'il conviendrait de prendre.

En premier lieu, le temps imparti est souvent mal compris : il faudrait très vite prendre ces mesures, alors que le réchauffement n'est évoqué que pour la fin du 21e siècle. Il y a aussi la limite, fixée à + 1,5 °C par rapport à la période pré-industrielle, qui constitue un objectif très ambitieux (trop ambitieux ?), qui sera certainement difficile à respecter. De plus, la pollution de notre environnement et les menaces qu'elle fait peser sur la santé, la baisse de la biodiversité, constituent d'autres menaces, qui ont parfois les mêmes causes que le réchauffement climatique, mais pas forcément les mêmes remèdes. Et il y a la manière dont le monde est dirigé, organisé en États qui se sont définis au cours de l'histoire par des rivalités plus que par la coopération.

Dans les lignes ci-dessous, nous tentons de fournir un cadre qui permette de situer dans les rouages de l'évolution du climat, les questions qui surgissent actuellement.

L'effet de serre et le réchauffement climatique

Le mécanisme par lequel l'accumulation de gaz carbonique dans l'atmosphère conduit à un réchauffement du climat, est désigné par le terme effet de serre (voir encart) et a déjà été analysé dans nos pages. Il a fait l'objet de nombreuses attaques de la part des climatosceptiques, prétendant en particulier qu'au delà d'une saturation que nous avons déjà atteinte, davantage de gaz carbonique dans l'atmosphère ne produirait plus aucun effet, ce qui est inexact. Or, il y a un effet, faible – aux concentrations actuelles en gaz carbonique, la Terre émet environ 1 W/m2 de moins que ce qu'elle reçoit du Soleil – mais durable. Cette différence constitue le «déséquilibre radiatif»

Le gaz carbonique n'est pas le seul gaz dans l'atmosphère à absorber le rayonnement infra rouge émis par la Terre, mais c'est son injection par l'homme en grande quantité dans l'atmosphère qui est la cause principale du réchauffement du climat. La vapeur d'eau, le méthane, les oxydes d'azote, l'ozone, sont aussi des gaz à effet de serre.
La vapeur d'eau contribue davantage à l'effet de serre que le gaz carbonique ; elle participe au cycle naturel de l'eau, et multiplie par 2 environ l'action du gaz carbonique car le réchauffement du climat a pour conséquence d'augmenter sa concentration dans l'atmosphère.


À concentration égale à celle du gaz carbonique, le méthane possède un potentiel de réchauffement 30 fois supérieur. Heureusement, sa concentration est beaucoup plus faible, et il tend à se transformer en gaz carbonique par oxydation au bout de quelques années. Il représente toutefois une menace pour le climat si les réserves qui sont piégées dans les sols gelés venaient à être libérées dans l'atmosphère.

 

 

Sur une Terre sans océans et sans glaces, la réponse de la température à l'effet de serre serait très rapide, de l'ordre de quelques jours. Mais les océans participent à ces flux d'énergie, et leur capacité calorifique est 1000 fois plus grande que celle de l'atmosphère. C'est un peu comme si on voulait ajuster le chauffage dans un appartement situé dans un immeuble non chauffé : avant d'atteindre un régime d'équilibre, il faudrait attendre que l'ensemble de l'immeuble ait été réchauffé lui aussi. Ainsi, 93 % de la chaleur emmagasinée par l'effet de serre est capté par les océans, 3 % étant capté par la fonte des calottes polaires et des glaciers. Ceci explique la lenteur de la réponse du système climatique, lenteur qui n'incite pas à prendre très vite les mesures qui conviendraient.

Quand le réchauffement s'arrêtera-t-il ?
À une concentration en gaz carbonique (ou, plus généralement, en gaz à effet de serre) donnée, correspond théoriquement une température d'équilibre du système climatique, et le réchauffement prendra fin lorsque cette température sera atteinte. Un doublement de la concentration en gaz carbonique (voir encart ci-dessous) dans l'atmosphère par rapport à la période préindustrielle (soit 560 ppm) correspondrait, en régime stabilisé, à une augmentation la température que l'on estime comprise entre 1,5 et 4,5 °C : la limite de 1,5 ou 2 °C fixée par l'Accord de Paris serait franchie.

Deux processus contribuent à faire évoluer la température de la Terre vers une stabilisation :

  1. plus cette température est élevée, plus la Terre rayonne vers l'espace, ce qui tend à réduire l'écart avec le rayonnement reçu du Soleil, c'est à dire le déséquilibre radiatif, et
  2. les puits (océans, biosphère terrestre) et sources (carbone fossile) de gaz carbonique font évoluer la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère, modifiant ainsi la cause de l'effet de serre.
L'habitude a été prise de comparer les différentes prévisions de l'évolution du climat en prenant comme base l'hypothèse d'un doublement de la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère. La réponse du système climatique à ce doublement est désignée par le terme de sensibilité climatique, « transitoire » si son calcul est basé sur les données dont nous disposons, ou « à l'équilibre » s'il se base sur des projections à long terme. Les estimations de la sensibilité climatique à l'équilibre divergent selon les modèles de climat utilisés, autour d'une valeur médiane de + 3 °C .
 

Actuellement, nos émissions de gaz carbonique sont telles que sa concentration dans l'atmosphère continue d'augmenter, tandis que la hausse très lente de la température moyenne globale ne suffit pas à réduire le déséquilibre radiatif, qui s'accroît d'année en année. Réduire cette concentration est l'enjeu principal pour limiter le réchauffement climatique.

Réduire la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère

Le gaz carbonique est introduit dans l'atmosphère (sources) par la combustion du carbone fossile, par la fabrication de ciment, et par le changement d'usage des sols (déforestation notamment). Il en sort (puits) par dissolution dans les océans et par absorption par la végétation.

La combustion du carbone fossile a été, et demeure, notre principale source d'énergie, et malgré les engagements à la réduire, les émissions de 2016 ont été légèrement supérieures à celles de 2015, et ajoutent chaque année environ 2 ppm de gaz carbonique à celui qui était déjà présent dans l'atmosphère. Nous arrivons ainsi à 407 ppm en décembre 2017. Consommer moins de carbone fossile a de fortes implications dans toutes les activités humaines et ne se fera pas sans une forte volonté d'y parvenir.

Les océans réagissent à l'ajout de gaz carbonique dans l'atmosphère en en absorbant rapidement environ 20 % des émissions annuelles, suffisamment pour tendre vers un équilibre de pression partielle de CO2 entre l'atmosphère et la partie superficielle des océans. L'absorption du CO2 se poursuit ensuite à un rythme beaucoup plus lent, conditionné par le mélange de la couche de surface avec les eaux profondes. On estime que si on stoppait totalement les émissions, il faudrait 100 ans à l'océan seul, pour résorber 20 % de la fraction du CO2 émis qui s'est accumulée dans l'atmosphère, et que 1000 ans plus tard, il en aurait absorbé 50%.
Il ne faut donc pas compter sur les océans, dont il est irréaliste de penser modifier le comportement, pour résorber rapidement l'excès de CO2 de l'atmosphère.

Les écosystèmes terrestres, eux, sont plus sensibles à l'action de l'homme. Ainsi, depuis des décennies, par nos pratiques agricoles (qui tendent à appauvrir les sols en matière organique) et par la déforestation, les hommes ont rejeté d'énormes quantités de CO2 dans l'atmosphère. Ce processus est réversible. Depuis une dizaine d'années, ces émissions décroissent légèrement. La mise en œuvre de pratiques résolument orientées vers un stockage accru de matière organique dans les sols pourrait contribuer à faire très significativement décroître la concentration en CO2 de l'atmosphère. Par ailleurs, l'augmentation de la concentration en CO2 stimule la croissance de la végétation terrestre, et cet effet fertilisant a pour conséquence une augmentation de la masse de carbone stockée dans les végétaux. Ceci peut constituer un puits pour environ 25 % de nos émissions de CO2.

S'il est difficile de stimuler le puits océanique de carbone, la végétation terrestre et les sols offrent un réservoir très vaste où un changement de nos usages peut, pour un coût modéré, extraire du gaz carbonique de l'atmosphère. Cela ne suffira toutefois pas pour faire baisser la concentration de ce gaz dans l'atmosphère à un niveau compatible avec des températures supérieures de seulement 1,5 ou même 2 °C aux températures de l'époque pré-industrielle : il faudra en outre recourir à un coûteux piégeage industriel du CO2, basé sur des énergies renouvelables et non pas sur du carbone fossile, ce qui ne ferait qu’aggraver la situation.

La route sera longue, mais sera-t-elle sûre?

Le système climatique est porteur de menaces qui pourraient se traduire par un emballement du réchauffement en cours. Ainsi, la réduction des calottes de glace des pôles qui réfléchissent vers l'espace une part de l'énergie reçue du Soleil, s'accompagne d'un gain d'énergie pour le climat. Lequel gain d'énergie entraîne une réduction accrue de ces calottes polaires et une moindre réflexion vers l'espace de l'énergie reçue du Soleil : cette rétroaction positive déjà engagée, ne semble pas pour le moment devoir évoluer de façon catastrophique, mais un réchauffement trop intense pourrait la déclencher.

Autre menace : la fonte du pergélisol.
Les sols gelés des régions subarctiques contiennent d'énormes quantités de matière organique et de méthane. Le dégel de ces régions libérerait de grandes quantités de ce puissant gaz à effet de serre et accentuerait le réchauffement, favorisant d'autant plus le dégel : c'est encore là une rétroaction positive qui causerait un réchauffement incontrôlable.

La végétation terrestre, on l'a vu, bénéficie pour le moment d'une concentration en gaz carbonique dans l'atmosphère plus élevée que par le passé, et constitue ainsi un puits de carbone. Mais les températures de plus en plus élevées, et les conditions de sécheresse qui progressent dans certaines régions, peuvent finir par nuire à la croissance des végétaux et par accélérer l'oxydation de la matière organique des sols. Le puits de carbone que constituent les écosystèmes terrestres perdrait ainsi de son efficacité, et réduire la concentration de l'atmosphère en gaz carbonique deviendrait alors d'autant plus difficile.

La probabilité de la mise en route de ces rétroactions augmente à mesure que le climat se réchauffe. Elle augmentera donc tant que le réchauffement durera, c'est à dire tant qu'un déséquilibre radiatif positif sera à l’œuvre.  

Le seul moyen de réduire cette tendance au réchauffement est de faire baisser la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère le plus tôt possible :

  • réduire notre usage de l'énergie basée sur le carbone fossile,
  • stocker du carbone dans la biomasse végétale et dans la matière organique des sols,</>

et, comme cela ne suffira pas, extraire par géoingéniérie du gaz carbonique de l'atmosphère, ce qu'on ne sait faire actuellement qu'à un prix très élevé.

Voir aussi la News de octobre 2017 :

Pour amener le climat à un état stable après la perturbation anthropique, il faudra retirer du gaz carbonique de l'atmosphère. Le coût en sera très élevé si nous ne réduisons pas rapidement nos émissions. Yves Dandonneau.

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