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Une brève histoire de la fusion magnétique

 

1 - La "Préhistoire" (1920 - 1938)

Les prémices des recherches sur l'énergie de fusion peuvent être datées des années 1920. A cette époque, le physicien Aston mesure le "défaut de masse" de l'hélium, c'est à dire la possibilité de récupérer une importante quantité d'énergie en fabriquant un noyau d'hélium à partir d'éléments plus légers. A la suite de cette découverte, l'astronome anglais Eddington suggère que l'énergie des étoiles est d'origine "sub-atomique", et rêve que "l'Homme apprendra un jour à libérer [cette énergie] et à l'utiliser à ses propres fins". Des expériences sont initiées aux Etats-Unis dès 1938 pour tenter de confiner un plasma chaud avec des champs magnétiques.

 

2 - Le temps des pionniers (1946 - 1958)

Peu de temps après la Seconde Guerre Mondiale, un engouement international pour la fusion thermonucléaire contrôlée voit le jour. Notamment au Royaume-Uni, avec un brevet de réacteur à fusion déposé en 1946 par Thomson et Blackman, de l'Université de Londres. Bien que le dimensionnement de ce dispositif ait été exagérément optimiste, celui-ci met déjà en œuvre une chambre à vide de forme torique et de la génération de courant par ondes radio-fréquence, deux aspects importants que l'on retrouve sur les tokamaks actuels !

Figure 1 : 1946 : le "réacteur à fusion", brevet déposé par Thomson et Blackman

 

Figure 2 : 1946 : les dispositifs de confinement magnétique testés par Thoneman
 (tores en verre et en métal), au laboratoire Clarendon (Oxford, Royaume-Uni)

Dans les années 1950, avec la guerre froide, la fusion est mise sous le sceau du secret. Américains, Russes, Anglais, rejoints en 1955 par la France, l'Allemagne, et le Japon, intensifient leurs recherches sans communiquer entre eux ni publier.

 

3 - Les premières collaborations internationales (1958 - 1968)

L'année 1958 marque un tournant important dans l'histoire de la fusion contrôlée, avec la déclassification des recherches : à la conférence "Atomes pour la paix" de Genève, les différents pays dévoilent les configurations magnétiques sur lesquelles ils travaillent : décharges toroïdales, stellarators, machines à miroir, Z et theta-pinches. Les bases du confinement magnétiques étaient établies, ainsi que le dira le physicien russe Artsimovitch, à l'issue de cette conférence : "on voit ici émerger un aperçu des fondements scientifiques sur lesquels les méthodes pour résoudre le problème des réactions de fusion contrôlées vont probablement reposer". Les physiciens commençaient également à prendre conscience du fait que maîtriser la fusion ne serait pas une chose facile, en raison des instabilités du plasma, des pertes dans les configurations magnétiques ... le physicien E. Teller dira : "je pense que [la fusion contrôlée] peut être réalisée, mais je ne crois pas qu'elle aura au cours de ce siècle [le XXème !] une importance concrète".

Figure 3 : Divers dispositifs de confinement magnétique étudiés
 au CEA dans les années 1960 à Fontenay-aux-Roses (France)

Ainsi, afin de se donner les moyens de relever les considérables défis scientifiques et technologiques posés par la maîtrise de l'énergie de fusion, des collaborations sont organisées a l'échelle internationale. Au niveau européen, des associations sont créées entre l'agence atomique européenne EURATOM et les organismes de recherche des pays membres, afin de coordonner leurs efforts. L'association EURATOM-CEA, créée en 1959, est la première d'entre elles. Ces structures préfigurent l'organisation internationale des recherches actuelles (EFDA, projet ITER), plus que jamais d'actualité face aux moyens importants à mettre en oeuvre.

 

4 - L'ère des tokamaks (de 1968 à nos jours)

Un coup de théâtre se produit en 1968, lorsque les scientifiques russes de l'Institut Kurchatov annoncent avoir obtenu des performances largement supérieures aux autres expériences avec une configuration magnétique bien particulière : le tokamak. Confirmé en 1969 par une équipe britannique qui, en pleine guerre froide, se déplace à Moscou pour mesurer la température dans le tokamak T3, ce résultat fondateur ouvre l'ère des tokamaks. Ceux-ci vont rapidement supplanter les autres configurations magnétiques dans la recherche pour la fusion contrôlée. Aujourd'hui, seuls les stellarators restent encore considérés comme une alternative possible aux tokamaks, bien que leurs performances actuelles soient nettement inférieures.


Figure 4 : Schéma du tokamak T1 de l'Institut Kurchatov à Moscou


Figure 5 : Vue générale de TFR -Tokamak de Fontenay-aux-Roses- (CEA-France)

Le Tokamak français TFR est la machine la plus performante au monde de 1973 à 1976 en atteignant des températures de 2 keV. Des résultats importants sur le confinement et le chauffage du plasma sont établis sur cette installation.

 

Les projets de fabrication de la plupart des grands tokamaks modernes (JET Site du JET, JT60, TFTR) sont lancés au milieu des années 1970, à la faveur à la fois de résultats scientifiques très encourageants et d'une augmentation importante des budgets attribués à la recherche sur la fusion contrôlée. La France, après avoir fait entrer l'Europe dans l'ère des tokamaks avec la machine TFR, prépare dès les années 1980 la technologie et la physique du fonctionnement continu pour les réacteurs à fusion, avec la construction d'un grand tokamak à aimant toroïdal supraconducteur, TORE SUPRA, qui entre en service en 1988.

Site du JET
Figure 6  :
Dessin d'artiste du tokamak européen JET

 

5 - Le bilan actuel : 30 ans de progrès considérables

En 30 ans, du début de l'ère des tokamaks, à la fin des années soixante, jusqu'à aujourd'hui, des progrès considérables ont été accomplis vers la réalisation de la fusion thermonucléaire contrôlée : le bilan énergétique du plasma, mesuré par le triple produit nTt de la densité, de la température, et du temps de confinement de l'énergie, a été multiplié par 1000 ! Cette progression fulgurante est comparable (et même légèrement supérieure) à la croissance des performances des micro-processeurs (loi de Moore). A la fin des années 1990, on a pu réaliser, dans les tokamaks JET et JT60-U, des plasmas de deutérium dont le bilan énergétique est proche de l'équilibre, c'est-à-dire où la puissance fusion qui serait dégagée en utilisant un mélange équiréparti de deutérium et de tritium est de l'ordre de la puissance injectée dans le plasma pour le chauffer. Parallèlement à cette progression de la performance, la durée des décharges dans les grands tokamaks a été étendue jusqu'à deux minutes (TORE SUPRA), ouvrant ainsi la voie vers le fonctionnement continu d'un futur réacteur. Un autre résultat majeur est la production concrète de 17 MW de puissance fusion, à partir de plasmas d'un mélange deutérium-tritium, obtenue dans le JET, en 1997. Ces avancées majeures sont la conséquence des progrès accomplis sur les tokamaks en une trentaine d'années, tant sur le plan de la maîtrise technologique que de la compréhension des phénomènes physiques.

Figure 7 : Triple produit (critère de Lawson) mesurant le rendement d'un réacteur à fusion contrôlée, en fonction de la température ionique centrale). La flèche en jaune montre les progrès accomplis au cours de la récente décennie 1989-1998. Les symboles creux correspondent à des expériences avec des plasmas de deutérium, et les symboles pleins à des plasmas d'un mélange de deutérium et de tritium.

 

6 - L'avenir : le projet ITER (décision de construction en 2003 ?)

La mise en oeuvre de la fusion thermonucléaire contrôlée pour la production d'énergie requiert d'aller encore au-delà des performances atteintes dans les tokamaks actuels : un facteur de l'ordre de 10 doit encore être gagné sur le triple produit nTt, et la durée des décharges doit être allongée afin de démontrer la possibilité d'un fonctionnement continu de l'installation. Ainsi, l'entretien de décharges performantes sur des temps longs (plus de 1000 secondes), où le plasma est chauffé majoritairement par les particules a issues des réactions de fusion, constitue un objectif crucial pour l'étape à venir. Ces nouveaux défis seront relevés par le projet de réacteur international  ITER, dernière étape de recherche avant la construction d'un prototype industriel de réacteur à fusion thermonucléaire contrôlée.

Le projet ITER

Figure 8 : dessin d'artiste du projet ITER

 

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