[BAD BUZZ] Semences : la campagne mensongère de CARREFOUR

Les faits

Le Groupe Carrefour vient de lancer une vaste campagne publicitaire annonçant un partenariat avec des agriculteurs Bio bretons ainsi qu’une campagne visant à changer la réglementation sur les semences via une pétition en ligne.

Si le partenariat économique de Carrefour est à saluer, l’action politique avec pétition à l’appui comporte des intox qu’il faut dénoncer !

Décryptage

Intox 1 :

« Cest aberrant mais la loi vous prive daccéder à des milliers de fruits et légumes ». Le slogan publicitaire de Carrefour est un premier gros mensonge. Car rien n’empêche le distributeur de vendre « lartichaut « Camus du Leon » plutôt que « Camus de Bretagne« , loignon « Rosé dArmorique » et pas le « Rosé de Roscoff « , le « Haricot du Tregor« , et pas le « Coco de Paimpol« [1] ». C’est bien Carrefour qui choisit les produits de ses étals en fonction de la demande du marché.

Intox 2 :

Carrefour dénonce le catalogue officiel qui répertorie les semences. « Pour la plupart, les semences paysannes, qui ne sont pas considérées comme suffisamment stables et homogènes, ne sont pas référencées dans le catalogue et sont donc hors la loi » fustige Carrefour. Dans les salons parisiens, il est de bon ton de s’étonner que les agriculteurs ne puissent pas ressemer leurs propres récoltes. Rétablissons quelques vérités :

  • rien n’oblige un producteur à acheter chaque année de la semence à un semencier.
  • les producteurs peuvent tout à fait produire leurs semences eux-mêmes et commercialiser ensuite les produits issus du semis. Aucune loi n’interdit cette démarche!
  • les producteurs peuvent tout à fait multiplier leurs propres semences. C’est pourquoi rien n’interdit à Carrefour de commercialiser des fruits et légumes issus de ces variétés « dites paysannes ».


Intox 3 :

« Lapparition du catalogue officiel des Espèces et Variétés na pas arrangé les choses ». C’est la raison pour laquelle les fruits et légumes seraient « toujours plus standardisés » selon Carrefour. Passons sur le fait que dans la réalité, c’est la grande distribution qui impose des calibrages de fruits et légumes. Le problème ne vient pas des variétés ! Si problème d’uniformisation il y a, Carrefour ne peut s’en prendre qu’à lui-même ! En réalité, le catalogue officiel permet de garantir la grande diversité des semences. Chaque année, plus de 150 variétés nouvelles sont recensées. En 1971, il y en avait 500. Aujourd’hui 3 200.

 

Le vrai débat

La production agricole et maraichère a besoin de recherche, particulièrement dans le secteur de l’amélioration des plantes. L’agriculture française, y compris bio, a besoin de semences plus résistantes à des ravageurs, insectes et maladies. Et l’agriculture a besoin de variétés plus performantes.

Le débat que ne perçoit pas Carrefour est sous jacent : comment la recherche sur les semences peut-elle être financée ? Tout simplement par la vente de semences… Si demain, l’entreprise qui crée la semence n’a pas la possibilité de faire reconnaître sa création par un droit, la recherche et la sélection des variétés s’arrêteront. Sauf que… les producteurs et avec eux les filières de distribution ont besoin de nouvelles créations variétales. Pensons à la pastèque et aux clémentines sans pépin qui régalent les consommateurs ! Carrefour va d’ailleurs prochainement commercialiser des pommes bio issues de variétés plus résistantes à une maladie (la tavelure) qui nécessite des traitements, y compris en Agriculture Biologique. Heureusement que cette caractéristique a été obtenue par la recherche. En plantant ces variétés, le producteur paye un droit d’utilisation. Et ce au bénéfice de tous : moins de traitements phytosanitaires, y compris en production conventionnelle. Il n’y a rien d’anormal à cela.

 

Parlons clair

En exigeant que la loi sur les semences change, Carrefour joue un jeu très dangereux.

Un jeu dangereux pour les paysans

Car ce que propose très clairement la multinationale, c’est la fin d’une spécificité européenne qui est celle du financement de la recherche sur les semences. En réalité, le groupe Carrefour fait le lit du droit anglo-saxon (et demain chinois) au détriment du droit français. En Europe, le droit de création (ou d’auteur) est reconnu par le certificat d’obtention végétale. Carrefour pousse à la généralisation du brevet et donc d’un contrat qui ficèlera encore plus le paysan et surtout la recherche. De grandes multinationales ne peuvent que se féliciter de cette prise de position.

Au final, un jeu dangereux pour la culture et tous les artistes

La démarche de Carrefour pourrait très bien créer des dégâts collatéraux dans les rayons musique de ces hypers. Prenons l’exemple du CD « Allumer le feu«  de Johnny Halliday. En réalité, Carrefour milite pour que les droits d’auteur de Johny ne soient pas reconnus… Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour, vient de mettre le feu au secteur agricole. Sans doute par ignorance.

 

 

[1] Communiqué de presse du GNIS – 20/09/2017

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