Connaître les Enfants du Pays...

Rédigé par le Docteur Gérard PERRIN-GOURON
Publié avec l'autorisation de l'Académie Delphinale de Grenoble.

 
Alphonse Eugène BEAU
(1815-1893)

Ses origines, son oeuvre scientifique, sa vie

Alphonse Eugène BEAU, qui se fera appeler BEAU de ROCHAS
naît à Digne
le 9 avril 1815
et meurt à Vincennes
le 27 mars 1893.

Alphonse Eugène Beau, dit Beau de Rochas,
Lauréat de l'institut (Académie des Sciences),
Titulaire de la Médaille d'Or pour l'Encouragement à l'Industrie créée par Napoléon en 1803
Les seuls bénéficiaires sont :
Pasteur , De Lesseps et, dans l'automobile Beau de Rochas et le Marquis De Dion

.

 

 

Thermodynamicien

Nous lui devons de très nombreuses propositions de génie civil et des études de thermodynamique couvrant les trois types de moteurs :
  • moteur à combustion externe
  • moteur à combustion interne
  • moteur à réaction.
  • Voici brièvement présentées, sa vie et son oeuvre en trois volets successifs :

      ses ascendants
        ses travaux
          enfin le " roman" de sa vie.

        Les ORIGINES :
        Fils d'Alexandre François BEAU, natif de Serres en Dauphiné, et de Lucrèce Thérèse Henriette JACQUES de ROCHAS, descendante d'une vieille famille dignoise, les JACQUES, Alphonse BEAU est le fruit d'un mélange de sang dauphinois et provençal.

        ** La famille BEAU est originaire du Bas-Dauphiné.

        On la trouve à NYONS, puis à SERRES.
        Dans cette dernière cité, Guillaume, négociant en grains et futur grand père du savant, épouse Dorothée AUGIER, au patronyme roturier cachant dans son ascendance de très grands noms du Midi :
        URRE, GLANDEVES, VITROLLES, PORCELLET, BEAUMONT.

        Le ménage a huit enfants.
        Le dernier garçon, Alexandre, naît le 8 février 1771. Nanti d'une solide formation, il voudrait se lancer dans la Poésie.
        Mais, esprit pratique, à 18 ans, il est à Saint-Domingue pour gérer les propriétés familiales sises dans cette île.
        La révolte des Noirs déclarée dans la nuit du 22 au 23 août 1791, le chasse.
        C'est un homme de couleur, un cocher, l'un des meneurs de l'insurrection, qui permet cette évasion, car il le considère comme un "bon blanc".
        Réfugié sur un navire qui regagne la métropole, le jeune homme aux idées avancées, échappe au naufrage de son bâtiment coulant sur les récifs devant ....Marseille
        Le voici de retour à Serres, en pleine Révolution.
        Il vit les idées de son temps.
        A 20 ans, il est le commandant de la Garde Civile de sa ville natale.
        Lorsque la Patrie est proclamée en danger, il s'engage dans l'Armée.
        Nous ignorons ses campagnes.
        Nous le trouvons, en 1803, à Digne, contrôleur aux Contributions Directes.

        En 1804, il publie un recueil de vers :
        poèmes amoureux
        strophes à la gloire de l'Empereur
        et un pastiche des "Embarras de Paris" de Boileau, transposé sur Digne...

        A 35 ans, en 1806, il se marie "confortablement".

        Notable par ses fonctions, sa fortune, il devient Conseiller Municipal.
        Parallèlement, il adhère à la Franc-Maçonnerie (il est trésorier de la loge Saint-Jean d'Ecosse de l'Orient de Marseille)
        et assume la charge de Secrétaire Général de la Fédération Bonapartiste des Basses-Alpes.
        En 1814, il signe, comme les autres conseillers municipaux, une pétition pleine de flagornerie adressée par la ville de Digne à Louis XVIII accédant au trône des Bourbons.

        En 1815, Napoléon quitte l'île d'Elbe. Alexandre BEAU retrouve ses convictions profondes, et conduit la petite délégation dignoise, tardivement alertée, qui va aux devants de l'Empereur.
        Quatre personnes en tout et pour tout.
        Avec lui, le directeur des Postes ROUSTAN,
        le receveur général du département LAVALETTE,
        un commis des Contributions Directes MORTENON.

        Ils signalent l'état d'indifférence et le désarmement de la ville, évoquent les possibilités...

        Ces choses dites, Beau rapporte que son épouse, après avoir perdu deux garçons morts en bas âge, est de nouveau enceinte.
        Le parrainage impérial proposé ou demandé, est alors accordé, sous réserve... que ce soit un garçon...
        Désormais son engagement bonapartiste est dominant.
        Il accompagne le général DROUOT chez l'imprimeur de la Préfecture Guichard, et relève de nombreuses erreurs d'écriture, notamment sur une phrase célèbre de la proclamation à l'Armée. "L'Aigle aux couleurs nationales, volera de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame".

        Quelques jours plus tard, devant les hésitations des responsables préfectoraux, Alexandre Beau somme le remplaçant du Préfet CLEMENT, et les Hauts Fonctionnaires réunis à l'Hôtel Départemental, de reconnaître l'autorité impériale, par écrit et séance tenante.

        Il propage largement le "Pacte Fédératif dit de Toulon", projet d'action politique favorable à l'Empire et satire très appuyée du récent retour à la Royauté et du gouvernement de Louis XVIII.

        Dans les premiers jours d'Avril, le 9 exactement, madame Beau donne le jour à un solide garçon.
        Le 11, celui-ci est présenté par son père, seul, et muni d'une autorisation écrite de l'évêque de Digne, à la Cathédrale Saint-Jérôme, pour y être ondoyé, simplement ondoyé, par le curé TURPIN.

        Les dignois, indifférents et las des promesses politiques non appliquées, désirant avant tout la paix, répondent fort mal aux demandes de la nouvelle conscription exigée par Paris.
        Des clans se forment. La ville connaît des heures d'agitation.

        Et puis, l'aventure impériale tourne court. Louis XVIII revient.

        Les fidèles de l'Empereur sont maintenant pourchassés.

        Le nouveau père se réfugie dans sa propriété des Grillets sur la commune d'Aiglun.
        Sise à quelques kilomètres en aval du chef-lieu, cette retraite permet de conserver un oeil sur Digne, et par le col de Fontbelle, de joindre facilement Sisteron, où le préfet impérial DIDIER s'est retiré avec quelques partisans.

        Une nuit, le repère aiglunois est cerné par la gendarmerie. Alexandre Beau, accusé d'espionnage, est arrêté et placé en résidence surveillée, avec d'autres bonapartistes, à Barcelonnette, petite sous-préfecture perdue de l'Ubaye.

        La détention est assez douce. Alexandre Beau échappe avec facilité à la surveillance policière et se présente devant... le préfet royaliste VILLENEUVE, affirmant son attachement au .... Roi, et sollicitant sa réintégration dans les Contributions.

        Il n'est pas entendu, et est démis de toutes ses charges municipales et professionnelles. C'est sa traversée du désert.
        Il doit attendre 1822, pour obtenir un poste de percepteur à Oraison, et 1824 pour revenir enfin à Digne. Cette fois-ci, définitivement.

        Mais il ne fait plus de politique. Percepteur municipal de la ville préfectorale, il devient aussi, en décembre 1842, le premier caissier de la Caisse d'Épargne nouvellement créée.
        Il se consacre à sa vie familiale attristé par la mort de son épouse en 1855, puis deux ans plus tard, par celle de sa fille, veuve laissant quatre enfants.

        En dépit de son âge avancé, il prend en charge l'éducation des orphelins.
        Il meurt en 1861, à 90 ans, après, pratiquement, soixante et douze années de vie professionnelle.

        ** Madame BEAU, née JACQUES (de ROCHAS) est de souche authentiquement dignoise.

        Dès le XIV° siècle, les Jacques sont apothicaires à Digne.
        En décembre 1651, ou janvier 1652, François Jacques - veuf deux fois - épouse Anne, l'héritière unique d'Antoine de Rochas, dernier seigneur d'Aiglun.

        Cette famille a donné quelques vingt cinq seigneurs à ce petit village dominant la vallée de la Bléone.
        Bâtie en 1555, l' église Sainte-Magdeleine domine toujours, seule aujourd'hui, le "rochas".

        Le petit-fils d'Anne, Jean-Antoine JACQUES, conseiller du Roy, épouse en 1742, Elisabeth de THORON de la ROBINES de SENIERES.
        Il se donne du Jacques de Rochas, et avec la complicité de son frère Jean-François, prieur de Beaujeu, entend transmettre frauduleusement à ses trois garçons avec le nom de la grand-mère, les avantages liés à la noblesse.

        Voici la Révolution Française.

      1. Jean-Joseph, l'aîné, avocat à Digne, s'enfuit.
        Arrêté à Saint-Tropez, libéré sur intervention de la municipalité d'Aiglun, il est reconnu officiellement roturier.
      2. Joseph-François, le second est prêtre de l'Oratoire à Orléans.
        Assermenté en 1790, il deviendra chanoine, professeur au Séminaire et secrétaire de l'Académie du Loiret.
      3. Le troisième, Henri-Justin, falsifiant les documents familiaux, entre dans la garde écossaise de Louis XVI, avant de devenir capitaine de gendarmerie puis de cavalerie, et chevalier de Saint-Louis.....

      4. Il fait un riche mariage, en épousant une orléannaise, Henriette de GOURDINEAU de CHANDRY.En fuite, il est révoqué officiellement en 1798.
        Puis il revient, retrouve ses biens, et entame une carrière politique.
        Maire de Cravant (village proche de Beaugency, où il possède le château de Laie), il est membre du Collège électoral du Loiret, administrateur des Hospices d'Orléans; il sollicite et obtient.... la Légion d'Honneur.

        Il réside à Orléans, tout près de la place du Martois.
        Veuf, sans descendant, il souhaite un héritier.

        Comme on peut le penser, les deux frères orléannais sont royalistes et férocement légitimistes.

        A Digne, Jean-Joseph a deux enfants :
        Un garçon qui deviendra, oubliant son patronyme, le docteur en médecine Joseph-Henri de Rochas de la faculté de Paris.

        Nous ignorons tout de sa carrière.Et une fille aux prénoms variables et fantaisistes, qui sera la mère de notre chercheur.

        Cette saga familiale va marquer Alphonse BEAU, et il nous faut la connaître pour comprendre ce nom créé de toutes pièces :
        "Beau de Rochas".

        Cette initiative sera mal acceptée des descendants puînés, mais bien les seuls légitimes, des Rochas d'Aiglun.

        Le colonel Albert de Rochas d'Aiglun, membre de l'Académie Delphinale et de la Société Scientifique et Littéraire des Basses-Alpes, ne nous dit rien, dans ses souvenirs familiaux, sur ce lointain cousin qu'il connaît, mais qu'il veut ignorer.
        Aujourd'hui encore, le rejet familial est de règle, malgré le sérieux de l'oeuvre scientifique.

        2° L'OEUVRE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE :
        Elle couvre deux chapitres
      5. l'un concerne les grands travaux de génie civil : architecture, mise en valeur de terrains, voies ferrées, digues et canaux
      6. l'autre la thermodynamique appliquée aux moteurs mécaniques de différents types.

        ** Formé sur le terrain, Alphonse Beau travaille d'abord à Digne.

      7. Il serait dit aujourd'hui architecte, ingénieur de travaux publics; il relève des plans :
          préfecture des Basses-Alpes
            cathédrale de Riez....
              prend la direction des travaux d'érection sur le pré de foire du monument de Pierre GASSENDI
                propose un endiguement élémentaire de la Durance.

        C'est à cette occasion qu'il rencontre un grenoblois, polytechnicien, responsable départemental de l'hydrologie :
        Philippe BRETON

        Les deux hommes partagent les mêmes idées philosophiques et sociales et resteront amis leurs vies durant.

        Puis, il commence à voyager et à travailler loin de Digne.
        En Arles où il étudie les possibilités de dessalement de la Camargue afin de permettre la culture des céréales
        en Corse où il met en route une carrière d'extraction de granit et porphyre, sans être indemnisé correctement.

        En 1850, avec Philippe BRETON, il étudie les causes de la rupture, le jour même de son inauguration, du câble télégraphique anglais Douvres-Calais.
        Les deux ingénieurs trouvent la cause du désastre, et définissent la théorie mathématique dite "de la chaînette" que l'on utilise aujourd'hui encore pour toute pose de câbles aériens ou sous-marins.
        Ils lancent le câble français à la Noël 1851.
        Ce dernier fonctionnera correctement plus de quinze ans.
        Rapport est fait à l'Académie des Sciences.

        Deux livres répandront cette technique, dont l'un imprimé à Grenoble, chez Maisonville sur les quais.

        En 1852, Beau de Rochas s'installe à Paris.
        Il prend son premier brevet de "plan-carnet", ancêtre de nos actuels guides urbains.
        Il en réalise l'édition pour la ville de Paris.

        Il est également appelé comme expert à Dijon, pour soutenir une proposition de construction de docks reliant routes, canaux et voies ferrées dans un unique complexe commercial.

        Deux promoteurs et propriétaires de terrains s'affrontent sur le choix de l'emplacement.
        La querelle durera dix ans, sans aboutissement.

        Au lendemain du rattachement de la Savoie et de Nice, en 1861, alors qu'il travaille pour la Société des Chemins de Fer du Midi, il propose un tracé de voie ferrée "Grenoble-Gap-Digne-Nice" avec deux raccordements :

        le premier par Tallard, la vallée de l'Ubaye, vers Cuni en Italie
        le second plus méridional, vers Avignon et la vallée du Rhône.

        Six ans plus tard, il dépose un brevet intéressant la navigation.

        Il entend économiser le transfert du fret par un système de "bateau-dock éclusé":
        ainsi la haute mer sera accessible aux péniches, et les canaux aux navires maritimes de taille moyenne.

        Il s'intéresse aussi au "Touage".
        Système qui en utilisant la force du courant d'une rivière, permet à une embarcation de remonter celle-ci, par l'intermédiaire d'une chaîne sans fin reposant sur le fond.

        En 1868, des industriels parisiens lui demandent d'étudier les répercussions financières d'un système d'assurances pour les accidents du travail.
        Cette oeuvre nous étonne par sa froideur et sa vision strictement financière d'un problème humain.
        Où est l'utopiste généreux que nous connaissons!....

        Nous préférons penser, avec Jacques PAYEN, à une commande et un travail .... de "type alimentaire".

        Le voici en 1881, conférencier devant la Société des Études Maritimes et Coloniales de Paris.
        Il expose trente années de recherches ... et de déboires, pour construire un tunnel sous la Manche entre Calais et Douvres, par assemblage de tubes métalliques montés sur la terre ferme puis immergés et tirés au large.
        Le texte imprimé de cet exposé est dédié à son ami de toujours Philippe Breton.

        1886 et 1887. L'ingénieur lance l'idée de conduire les eaux du lac Léman à Paris pour faire tourner des turbines électriques; peut-être en relation avec son ami Marcel DESPREZ, membre de l'Institut, qui étudie les possibilités de transport de courant continu sur de longues distances.

        Il se penche aussi sur la réalisation d'aménagements africains :
        barrages-retenues d'eau, création d'oasis artificielles, réseau ferré transsaharien.

        Il ne gagne à tout cela, qu'un surnom, celui d'Africain.

        Voici ce que nous connaissons, actuellement, de cette oeuvre d'ingénieur de grands travaux.

        Dans le contexte de développement de l'époque, il y a quelques grandes idées prémonitoires :

        le réseau ferré à travers les Alpesle tracé transsaharien (qu'empruntent aujourd'hui... les avions de ligne)les docks, le tunnel sous la Manche.

        Mais ce ne sont pas ces propositions pour avant-gardistes qu'elles soient qui font entrer le nom de Beau de Rochas dans l'histoire des Sciences,
        c'est en Thermodynamique Appliquée.

        Là, le chercheur va donner la quintessence de son génie.

        ** Le monde industriel du temps utilise de plus en plus le moteur mécanique comme source d'énergie :
        soit machines à vapeur puissantes mais lentes à mettre en route, devant être conduites et entretenues par des chauffeurs de métier
        soit moteurs à explosion de conception récente, alimentés au gaz de ville, fonctionnant à la pression atmosphérique, d'entretien simple, peu volumineux, pratiques par leur rapide montée en puissance, mais gourmands en carburant, et de faible rendement (moins de quatre chevaux).
        Leur succès dans les petites et moyennes entreprises est néanmoins considérable.

        Le 16 janvier 1862, Beau de Rochas dépose auprès de la Société de Protection Industrielle un brevet n°52-593
        "nouvelles recherches et perfectionnements sur les conditions pratiques de la plus grande utilisation de la chaleur et en général de la force motrice,
        avec application aux chemins de fer et à la navigation
        ".

        Ce très volumineux travail d'une cinquantaine de pages est plus une somme de connaissances scientifiques de pointe, qu'un brevet à visée industrielle et commerciale.

        Mais il permet de faire reconnaître formellement l'antériorité du texte.

        Ceci sans avoir à régler les annuités demandées pour sa protection juridique durant 15 ans.

        Beau de Rochas, désireux avant tout de "propriété intellectuelle", ne payera donc jamais ces dites annuités.

        Il en avait cependant, alors, les moyens.

        Dans cette étude, l'ingénieur définit de nombreux aménagements à apporter aux machines de divers types pour les rendre plus performantes.
        Abordant le moteur à combustion interne, appliquant la compression préalable du gaz, il donne, à la page 31, la définition du cycle à quatre temps :
        "dans une période de quatre courses consécutives:

      8. : aspiration pendant une course entière du piston
      9. : compression pendant la course suivante
      10. : inflammation au point mort et détente pendant la troisième course
      11. : refoulement des gaz brûlés hors du cylindre au quatrième et dernier retour"
      12. Beau de Rochas précise que l'inflammation du gaz détonnant préalablement comprimé, peut être provoquée par une étincelle ou bien spontanée par auto-allumage, le gaz explosant lorsque sa compression atteint des valeurs très élevées.

        Les principes fondamentaux des moteurs modernes sont ici définis sans équivoque.

        Mais il faut attendre 1878, 1883, et 1897, pour que Nicolas OTTO, Etienne LENOIR, Rudolf DIESEL enfin, réalisent des moteurs puissants, dépassant les 100 C.V., économes en carburant, d'un faible poids, capables d'intéresser les industriels et aussi de mouvoir des véhicules.

        Avec le cycle à quatre temps la voie est ouverte à la puissance industrielle, aux grands transports mécaniques terrestres et maritimes, et à la conquête de l'air.

        Les brevets 153-164 et 165-176 de 1883 et 1884, ainsi que l'additif de 1886, traitent encore de problèmes concernant les machines à vapeur, les moteurs à gaz.

        Il s'agit de perfectionnements dont certains encore non appliqués, interpellent les motoristes actuels.

        ** Le principe de propulsion par réaction est connu et exploité depuis l'antiquité.

        Nous le voyons avec les fusées chinoises, la "colombe" d'Architas de Tarente
        ( c'est, 350 ans avant J.C., et pour le plus grand étonnement des fidèles, une vessie animale gonflée d'air, recouverte de plumes, fixée au plafond du temple, et évoluant en tous sens, dès que lâchée )
        la pyrotechnie italienne, et surtout le "moteur à poudre" présenté devant l'Académie des Sciences à Paris, puis à Colbert, par Christian HUYGENS.

        Ce dernier avait pressenti la puissance extraordinaire d'un tel système et les voies ouvertes dans tous les domaines, mais n'avait pas poussé plus loin son expérimentation.

        A l'Exposition Internationale d'Electricité de Paris de 1881, Gaston TISSANDIER présente un dirigeable qui suscite l'intérêt des militaires désireux de matériels d'observation.
        Les possibilités de manoeuvre de cet engin aérien sont très limitées.
        Juste BUISSON et Alexandre CIURCU, deux journalistes passionnés de mécanique, suggèrent de diriger cet aéronef avec un propulseur à gaz comprimé muni de tuyères orientées.
        L'expérience n'est pas acceptée.
        Les deux hommes vont donc, plus prosaïquement, étudier leur moteur-fusée sur une barque.
        En août 1886, Buisson et Ciurcu font évoluer avec succès une embarcation sur la Seine.
        Ces tentatives sont suivies de près, surtout par le Ministère de la Guerre.
        Pour résoudre le problème de la mise en tension permanente du réservoir d'air sous pression, ils font appel à une machine à feu.
        Le 16 décembre 1886, l'engin construit assez légèrement, explose.
        Buisson est tué, ainsi que le jeune garçon qui tenait le gouvernail du bateau.
        Ciurcu peut se sauver à la nage.
        Traduit en justice pour homicide, il est acquitté.
        Il poursuit quelques temps ses travaux en utilisant des wagonnets sur rail dans une poudrerie de la banlieue parisienne.
        Puis, il abandonne ses recherches pour regagner son pays d'origine, la Roumanie.

        A Paris, on ne veut plus entendre parler de propulsion par réaction.

        Alors, une voix s'élève, celle de Beau de Rochas.
        Le 5 août 1887, il remet à l'Académie des Sciences un mémoire de 24 pages, pour que l'expérimentation soit poursuivie. "Conversion de l'énergie potentielle des fluides élastiques à haute tension en travail direct de translation"
        . Il s'agit d'une étude technique très poussée du fonctionnement du moteur à réaction, première approche mathématique du problème.
        Dans cette note, Beau de Rochas définit le "coefficient de propulsion" qui sera redécouvert quelques dix sept années plus tard, par l'académicien russe Constantin TSIOLKOWSKY...et ce dernier lui donnera son nom!

        Quant au manuscrit de Beau de Rochas il est rangé soigneusement sur les rayons de la bibliothèque de l'Académie des Sciences, et ... oublié pendant quatre-vingts ans.

        ** En 1890, Alphonse Beau pense à un moteur expérimental de laboratoire, sur lequel nous ne possédons aucune précision en dehors d'une très vague description donnée ultérieurement par deux ingénieurs alors débutants.

        Ce travail sera interrompu par la mort de son auteur.

        3° LA VIE de BEAU de ROCHAS :

        C'est un véritable roman.

        Avec des rebondissements inattendus, des ombres historiques prestigieuses, de grands mouvements politiques, un haut niveau scientifique, la solitude...... mais toujours une grande dignité, un stoïcisme parfaitement contrôlé.

        ** Tout commence à Digne, avec le parrainage impérial, l'ondoiement autorisé par Monseigneur de MIOLLIS (le Monseigneur MYRIEL de Victor Hugo), et jamais complété; aucun parrain ne pouvant remplacer l'Empereur.

        Suivront les premières années, difficiles, avec un père déchu et sans fonctions officielles, nourrissant sa famille des seules ressources foncières.

        Et voici qu'en 1823, l'oncle-chevalier Henri-Justin de Rochas, qui ignore, sans aucun doute, toute l'action politique d'Alexandre Beau, fait une très curieuse proposition.
        Il veut bien prendre en charge l'éducation de son petit-neveu, sous la condition qu'il porte les deux noms paternel et maternel.
        Il sera Beau de Rochas.

        Le vieil homme, maire de Cravant et membre du Collège Électoral du Loiret, incite sa nièce dans une lettre que nous possédons, à demander au Maire de Digne une... falsification d'état-civil.

        Pour lui, cela relève de la routine. Alphonse sera son unique héritier, et celui de son frère le chanoine.

        Cela sous entend que le garçonnet agé de sept ans quitte son père et sa mère pour Orléans.

        La proposition est acceptée, mais la pièce d'état-civil truquée n'est pas fournie, et au Collège Royal d'Orléans le jeune garçon entreprend, surmontant son bégaiement, d'excellentes études.
        Il figure chaque année au palmarès du collège, sous le seul nom d'Alphonse Beau, et brille dans toutes les disciplines.

        Un été, sa mère et sa soeur Elisabeth, séjournent quelques semaines au château de Laie.
        C'est, sans doute à cette occasion, que l'histoire paternelle est confirmée.
        Dans l'esprit du fils, l'admiration pour le père grandit, d'autant plus que les deux grands oncles, âgés, avec des idées légitimistes bien ancrées, et très sévères sur le chapitre de l'éducation, ne peuvent soutenir le parallèle.

        Alors, Alphonse cherche par lui même, à se faire une idée personnelle de son avenir.Et aussi de celui du monde.Il reprend, en les épurant, les grandes idées sociales que l'Empire a mis sous le boisseau.S'appuyant sur la Science, facteur de progrès, Alphonse entre en Utopie, comme beaucoup de grands réalisateurs de son temps.Il avance ses idées. Les grands oncles sont, bien entendu, effrayés de cette orientation.
        Le chanoine meurt en laissant la totalité de ses biens à sa gouvernante.
        Henri-Justin, furieux de ce manque de parole, mais plus patient, espère que ces velléités de jeunesse ne vont pas perdurer.
        Il se trompe.
        Et il finit par renvoyer à sa famille, et sans héritage à espérer, un jeune homme de seize ans
        qui vient de remporter le premier prix de mathématiques du Collège Royal d'Orléans.

        Alphonse étudie alors à Digne, la Géométrie, certainement avec un ami de son père, Joseph-Louis BEAUDUN.

        Lors du Conseil de Révision de 1835, il se déclare "artiste"
        (on dit aujourd'hui ingénieur).
        Grand (1,78 mètre), reconnu apte physiquement malgré son bégaiement, et ayant tiré un mauvais numéro, il fait un service militaire que nous n'avons pu préciser.
        Puis il revient chez lui.

        En 1842, un incendie éclate à Digne.
        Tout le monde se place sous les ordres de deux personnes.
        Un certain MAUREL, menuisier d'un certain âge.
        Et un jeune du pays, le "fils Beau".
        Le feu est maitrisé.
        Deux médailles d'Argent avec diplôme du Ministre de l'Intérieur sont accordées.
        Sur le parchemin d'Alphonse, est mentionnée la profession d'Ingénieur Civil.

        ** Sa réputation de technicien s'étend au département d'abord, puis plus loin.

        S'il conserve son adresse à Digne, au domicile paternel, il voyage pour son travail :
        Marseille
        Arles
        la Corse
        l'étranger peut-être aussi, puisqu'il parle dans sa correspondance de la Hollande, d'Angleterre, d'Espagne, et qu'il semble connaître ces pays.

        En 1848, il se lance en politique, et présente sa candidature aux élections législatives.
        Soutenu par le journal "le Socialiste des Basses-Alpes" :

      13. il défend la Liberté
      14. l'Honneur par le Travail
      15. la Souveraineté nationale par le suffrage universel
      16. l'Égalité pour tous : paysans, ouvriers, intellectuels
      17. la Propriété acquise par le seul travail
      18. l'Interdiction de la guerre (et en attendant... le Service Militaire pour tous)
      19. la Séparation de l'Église et de l'État
      20. l'Élection des Évêques par les prêtres...
      21. Il termine son programme par ce bel envol:
        "Plus de contrainte, plus de force, plus de violences, amnistie générale, oubli du passé, abolition de la peine de mort"

        Mais ces principes utopiques ne rencontrent pas l'appui escompté, et le fils Beau retire sa candidature.

      Sa profession de foi très personnelle, conservée dans les Archives Départementales, nous permet de juger, et d'admirer, la taille morale de son auteur.

      Au même moment la municipalité dignoise, comme c'en est la mode en France, élève un monument à la gloire de son grand homme, Pierre GASSENDI.
      Alphonse Beau en dirige l'érection au pied de la ville, entre le cours des Arès et le Pré de foire.
      Les travaux commencent en 1843, mais le financement prévu est couvert avec difficulté et lenteur.
      Pour accélérer les choses, des simplifications sont envisagées en 1851.
      Lésé dans ses conceptions initialement proposées et acceptées, blessé dans sa fierté, violent dans sa protestation, l'ingénieur jette sa démission.

      Le 2 décembre 1851, le Prince-Président dissout l'Assemblée et prolonge son mandat.
      Ce coup d'état est violemment rejeté par quelques rares départements, dont les Basses-Alpes.
      Alphonse Beau, à la tête d'une dizaine d'hommes, s'empare de l'Hôtel Préfectoral.
      Celui la même, où son père avait en 1815, fait reconnaître l'autorité impériale.

      Le lendemain, Digne est envahie par quelques dix mille révoltés en armes venant du sud du département.
      Pacifiste proclamé, Alphonse se retire.
      Il ne figurera pas dans le "Comité Central de Résistance".

      La force militaire, envoyée de Marseille, rétablit l'ordre dans le sang à la bataille des Mées.

      Et 1.548 bas-alpins sont arrêtés et traduits devant les tribunaux militaires.

      Beau, avec le matricule 906, est jugé le 15 février 1852.
      Peu engagé, d'une famille honorablement connue, sa condamnation est légère :
      déplacement et résidence surveillée.
      Mais la peine ne sera remise qu'avec l'amnistie générale du 15 août 1859.

      ** Alphonse Beau obtient de vivre à Paris, cela arrange finalement ses projets professionnels.

      Par ambition ou par défit, il se fait appeler Beau de Rochas, et timbre sa correspondance aux armes des Rochas d'Aiglun.
      Ce choix est assez curieux.
      Descendant, par sa grand-mère paternelle d'ancêtres prestigieux, déshérité par ses grands oncles qui avaient forgé ce patronyme en l'attirant à Orléans, pourquoi se rattacher aux Rochas d'Aiglun, petits seigneurs bas-alpins, dont les branches puînées vivent encore en Dauphiné ?...
      ignorance de la généalogie paternelle, déférence envers sa mère ?

      A Paris, Alphonse Beau de Rochas, maintenant connu pour la réalisation du câble sous-marin, et avec l'aisance financière que lui accorde sa famille, fréquente les bibliothèques scientifiques.

      En janvier 1857, sa soeur, Élisabeth LAUGERY, veuve en première noce d'Alexandre de LAMONTA, d'origine grenobloise, et dont elle a quatre enfants, meurt.
      Elle est célèbre dans le Midi pour des écrits poétiques qui lui ont valu le surnom de "Muse des Alpes".

      Frappé de condamnation, le jeune ingénieur, qui a toujours été soutenu moralement et même financièrement, par cette soeur d'une année sa cadette, laisse son père prendre, seul, la charge des orphelins.

      Le 5 août suivant, à Paris, Alphonse épouse Élisabeth LEMARIEE, de dix sept ans plus jeune.
      De bonne éducation, dessinatrice, aquarelliste, fille d'un négociant en vin du boulevard du Temple, la jeune mariée est de santé fragile, de celles qui, toujours maladives, n'ont pas d'enfants mais s'avancent dans la vieillesse.
      Admiratrice inconditionnelle et follement amoureuse de son mari, elle le soutiendra fidèlement dans les mauvais moments qui ne vont pas manquer au ménage.

      La même année Albert de Rochas d'Aiglun vient à Paris pour préparer l'École Polytechnique.
      Il intégrera dans la même promotion qu'Hippolyte Sadi Carnot, futur président de la République, et neveu de Nicolas Léonard Sadi CARNOT, fondateur de la Thermodynamique.
      Beau, en tant qu'ami de Philippe Breton, ou en tant que lointain cousin d'Albert, rencontre les élèves de la Grande École, et peut donc lire le livre fondamental de Nicolas Léonard Sadi Carnot de 1824 dont il n'existe plus qu'un seul exemplaire :
      "Réflexions sur la puissance motrice du feu" et les "notes ultérieures de 1831"

      ** C'est l'époque des grands travaux. L'Europe s'équipe d'usines, de voies ferrées. Hausmann reconstruit Paris.

      Le dynamisme industriel est formidable.
      La compétition est sévère.
      Beau de Rochas, ingénieur indépendant, farouchement solitaire, reconnu des milieux scientifiques et industriels parisiens de son temps, avec une certaine formation de base, bien que sans spécialisation d'école, ne manque pas d'atouts et espère la gloire et la fortune.

      Mais il n'a, en rien, le tempérament d'un homme d'affaire.
      Fier et ombrageux, gêné par son élocution, certainement trop bavard dans les conversations industrielles qui réclament une part de secret, il ne sait pas "se vendre".

      Il avance de grands projets :

      voies navigables
      chemins de fer
      tunnel sous la Manchele financement ne suit pas.
      Il regarde aussi les réalisations mécaniques de ses contemporains, et se réfèrant aux sources fondamentales qu'il connaît, fait de justes observations.
      Ces avis, les industriels, qui ne les lui ont pas demandés, les ignorent, ou bien les utilisent éhonteusement à leur seul profit, sans reconnaître à leur véritable auteur une quelconque rétribution.

      Ainsi, Étienne LENOIR fait construire par MIGNON et ROUARD dans leurs ateliers de la rue Oberkampf, un moteur deux temps, grand succès commercial - plus de deux cents exemplaires seront vendus - mais reste indifférent aux possibilités d'amélioration, que lui propose notre savant.

      Sur le plan financier, Beau de Rochas obéissant à ses espérances, plus qu'à la sagesse, fait aussi des investissements, toujours très risqués, comme l'achat de vastes terrains dans l'oued Rhir, en Algérie, où, selon lui, la construction d'une voie ferrée s'imposera.

      Ses disponibilités immédiates sont courtes.
      A ce régime, sa fortune, difficile à évaluer, mais certaine, va très sérieusement diminuer.

      Sans qu'il en arrive à la pauvreté absolue, que certains lui ont trop facilement prêtée pour des raisons qui n'ont rien d'historiques, la vie quotidienne n'est pas facile.

      Et dans sa propre famille, notre "inventeur de choses inutiles" se taille une solide réputation de "pique-assiette".

      ** La gloire espérée va venir de manière totalement inattendue.

      C'est la Justice qui fait appel à ses travaux, mais pour défendre d'autres intérêts que les siens.

      Voici comment.

      La guerre de 1870 s'est terminée par la mise à genoux de la France.
      Il faut payer, mais l'espoir de la revanche est déjà là.
      Bien entendu, les français boudent les produits allemands.

      Et voici qu'un ancien représentant de commerce germanique, bricoleur passionné, Nicolas OTTO, rêvant d'automobile, donc d'un moteur mécanique léger, puissant, peu gourmand en carburant, présente en 1878, après de longues recherches...
      et un séjour à Paris, un moteur à quatre temps qui répond à ces désirs.

      Ce moteur d'application d'abord industrielle, détrône les vieux moteurs à gaz.
      Le constructeur parisien, Étienne Lenoir, sourd aux propositions faites en 1862, voit ses affaires menacées.
      Il réagit et met sur le marché, en 1883, le premier quatre temps français, plus performant.

      Le représentant parisien des moteurs Otto, l'attaque en contrefaçon.

      Le tribunal de Paris, saisi en 1885, se penche sur le litige, et, faisant appel à des experts, déboute les allemands le 12 août 1885.

      Nicolas Otto avait bien pris des brevets, mais, en 1862, un français avait déjà défini le principe du cycle à quatre temps à compression préalable.

      L'antériorité est incontestable.

      Beau de Rochas devient alors une personnalité nationale. Sans contre-partie pécuniaire évidemment.

      "Ma seule gloire - écrit-il - est de voir mon nom mentionné dans les grandes inventions du siècle, à l'Exposition Universelle".

      De nombreux scientifiques connaissent l'ingénieur solitaire, ses recherches, sa fortune malmenée, sa gêne chronique, et pensent qu'il n'est pas juste de ne lui accorder que les honneurs.

      Un complot amical est alors ourdi, mais dans la plus grande discrétion, "car la fierté blessée de l'inventeur est redoutable".
      Ces intervenants sont nombreux, tant à l'Académie des Sciences, qu'à la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale.

      Ils ont noms :

    1. Joseph HIRSCH, professeur de mécanique appliqué au Conservatoire
    2. Marcel DESPREZ, physicien, membre de l'Institut
    3. Julien HATON de la GOUPILLIERE, inspecteur général et directeur de l'École des Mines
    4. Edouard PHILLIPS et Emile SARRAU, tous deux professeurs à l'École Polytechnique et membres de l'Académie des Sciences.
    5. Nous ne citons que ceux dont nous possédons les témoignages écrits.

      En 1890, le prix TREMONT de l'Académie des Sciences, porté au double de sa valeur habituelle (soit 2.000 francs-or) lui est remis pour l'ensemble de son oeuvre.
      L'année suivante, la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale lui offre, avec une médaille, le prix de mécanique d'une valeur de 3.000 francs-or.
      Beau de Rochas habite alors Vincennes, il a dépassé les soixante quinze ans; c'est un vieillard sec, fier, très droit, encore solide, ne redoutant pas la marche à pied, et toujours passionné d'étude.

      ** Victime d'une congestion pulmonaire consécutive à un refroidissement mal soigné, il meurt le 27 mars 1893 à son domicile vincennois.

      L'état civil enregistre le décès d'Alphonse Eugène Beau.
      Son convoi funèbre, civil, suivi par quelques célébrités scientifiques, le conduira au cimetière de Fontenay-sous-Bois.
      Aucune mention n'évoque sur la pierre tombale le travail accompli.

      Madame Beau survivra vingt sept ans à son mari, elle habite un appartement neuf, confortable, dans le même quartier; elle est servie par deux domestiques.
      Elle se fait nommer madame la Comtesse de Rochas, mais ne travaillera jamais à faire reconnaître l'oeuvre scientifique de son époux.
      Elle meurt en 1920, fâchée avec ses descendants, laissant ses biens à sa bonne, Victoire.
      Le registre des décès de Vincennes lui accorde ce nom devenu célèbre :

      Beau de Rochas.L'importance de l'oeuvre de ce chercheur solitaire et original ne peut être contestée.
      Mais la position scientifique de Beau de Rochas est curieuse sur un point.
      Alors que Christian Huygens avait eu, au XVII°siècle, la prémonition des possibilités extraordinaires du moteur-fusée, jusque dans l'espace, que la conquête de celui-ci avait commencé dès 1783, à Versailles, avec les aérostats des frères Montgolfier, l'envol du marquis d'Arlandes et de Pilatre des Rosiers, que les ballons se multipliaient, et posaient le problème de leur direction; pas une seule fois, Alphonse Beau ne tourne ses regards vers le ciel, il reste obstinément un terrien.
      Il place son moteur à réaction sur des rails, dans un tunnel, redoute les problèmes que peut poser au châssis de l'engin une telle puissance développée, envisage même des solutions techniques aux risques de rupture....
      Étonnant aveuglement d'un esprit aussi averti.... Il y a là...malgré un long séjour parisien.... du paysan bas-alpin.
      La notoriété d'Alphonse Beau de Rochas, décédé sans descendance entretenant le souvenir d'un père, vite oublié du monde industriel, va cependant renaître et presque par hasard.

      En 1936, deux vieux ingénieurs, Jules SALOMON et Marcel LUNET, évoquent publiquement leurs jeunes années et la silhouette du chercheur encore célèbre chez les motoristes.
      La Société des Ingénieurs de l'Automobile reprend leurs propos par le truchement d'André LABARTHE, qui prononce une conférence très imagée, sans fondement historique, mais qui a des suites.

      On peut voir à Paris :

      au musée du Conservatoire des Arts et Métiers, la stèle sculptée en 1938, par de BUS (un grand prix de Rome) à la demande des Ingénieurs et les Fabricants Français de l'Industrie Automobile
      au siège de la Société des Ingénieurs de l'Automobile, en place d'honneur, une reproduction au crayon d'un portrait photographique conservé à Philadelphie par "The Automotive Industries"
      dans l'entrée de l'hôtel de la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale, une plaque commémorative au nom du chercheur
      à Vincennes sur la façade de l'immeuble qui a vu ses derniers jours, un autre marbre posé dans le cadre du Centenaire de l'Industrie Automobile Française en 1984.
      L'Automobile Club de France, dans la série des médailles consacrées aux pionniers de l'automobile, n'a pas oublié le concepteur du cycle à quatre temps.
      Bordeaux a donné son nom à un lycée professionnel enseignant les techniques de construction automobile..

      La ville de Digne en a fait l'égal de son illustre prévôt Pierre GASSENDI.

      Elle a baptisé à sa mémoire :

      une rue
      un lycée d'enseignement professionnel
      une fontaine
      et un pont.
      Elle lui a élevé un monument en métal indaten avec les élèves de son lycée.
      Sous le Haut Patronage de l'Académie des Sciences, en 1982, se sont déroulées deux journées d'études et de recherches sur sa vie et son oeuvre, avec des intervenants de grandes sociétés savantes

      En 1993, de nombreuses cérémonies ont marqué le Centenaire de sa mort :

      des concentrations de voitures anciennes et modernes
      une exposition au Musée Municipal
      des conférences
      une flamme
      et une journée postales, une médaille, et, remerciement pour le mémoire si longtemps oublié sur la propulsion par réaction, le passage de la Patrouille de France, avec son panache tricolore, dans le ciel dignois.
      Cette année-là, nous avons fait deux découvertes.
      Nous avons relevé dans les brevets originaux prêtés par la Société de Protection Industrielle, l'usure appuyée de la couverture et des pages du brevet de 1862, preuve évidente de son intérêt, de son utilisation, de ses nombreuses consultations.

      Et reprenant, la veille même de l'exposition, les archives familiales, ses arrières petits neveux, ont trouvé un portrait photographique pris à Vincennes dans ses dernières années.

      Fermant les yeux le 27 mars 1893, au soir d'une longue vie, Alphonse Eugène BEAU, petit garçon ondoyé dans l'attente d'un parrain prestigieux :
      l'Empereur, pouvait, à juste titre, être fier de l'œuvre accomplie par Alphonse BEAU de ROCHAS.

      Rédigé pour l'Académie Delphinale par le docteur Gérard PERRIN-GOURON, ce travail est le fruit des recherches d'une équipe conduite par :

      Monsieur Pierre MAGOT-CUVRU, professeur honoraire du Conservatoire National des Arts et Métiers à Paris
      avec :
      Monsieur Marcel DUVERNOY, + 25 août 1976
      ingénieur-électricien, directeur technique de l'entreprise RAMUS - société hydroélectrique de la Durance - adjoint au maire de Digne
      Monsieur Jacques PAYEN, + 13 octobre 1993
      archiviste paléographe, responsable du Service d'Histoire des Techniques au Conservatoire des Arts et Métiers à Paris
      et moi-même.

      Nous avons bénéficié du concours de :

      Monsieur Raoul MARNATA de LAMONTA, + 4 juin 1998
      directeur commercial d'I.B.M-FRANCE à Paris, arrière petit-neveu de Beau de Rochas, conservateur des Archives Familiales,
      et nous avons eu recours au savoir faire de :
      Monsieur Gérard POIRIE, + 23 juillet 1993
      professeur de dessin au Lycée Professionnel Beau de Rochas, réalisateur du monument de Digne élevé par les élèves des promotions 1980-81 et 1981-82.
      Jacques PAYEN, archiviste-paléographe,
      responsable du Service d'HISTOIRE des TECHNIQUES du CONSERVATOIRE NATIONAL des ARTS et METIERS de PARIS

      " BEAU DE ROCHAS DEVANT LA TECHNIQUE ET L'INDUSTRIE DE SON TEMPS "
      (en français)

      HISTORY OF TECHNOLOGY, 1985, edited by Norman SMITH
      Imperial College, London

      MENSELL PUBLISHING LIMITED London & New York

      Références à l'UTOPIE pour BEAU de ROCHAS à ORLEANS (1822 – 1831)

      1515 – 1551 l'Utopie, roman de Thomas More.

      le Gouvernement des Savants, de Saint-Simon

      1814 Réorganisation de la Société Européenne, de Saint-Simon

      1825 journal "le Producteur" d'Enfantin

      le Nouveau Monde Industriel et Sociétaire, de Fourrier

      journal "le Globe"

      l'Économie Politique, d'Enfantin

      UTOPISTES :
      Thomas MORE
      Charles FOURIER
      Claude Henri de ROUVROY, comte de SAINT SIMON
      BAZARD SAINT AMAND
      Victor CONSIDERANT
      Barthélemy Prosper ENFANTIN
      Adolphe BLANQUI
      Michel CHEVALIER
      Les frères PEREIRE
      Ferdinand de LESSEPS

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