Le cerveau, objet technologique (6/8) : Drogues, ondes et lumières…

Comprendre le fonctionnement du cerveau est l’un des enjeux de la convergence des technologies à la fois parce qu’il est devenu un objet de technologie, mais également parce l’étude de son fonctionnement permet d’envisager des technologies pour dépasser ses limites. C’est ce que va essayer de nous faire comprendre Rémi Sussan dans ce dossier d’InternetActu.

Lorsqu’on parle d’agir sur le cerveau, le moyen le plus ancien, le plus spectaculaire (ce qui ne signifie pas forcément le plus efficace) passe par la chimie. « Ce qui distingue l’homme de l’animal, c’est la pipe », disait déjà le poète Roger Gilbert-Lecomte (que l’abus de Laudanum allait tuer prématurément). L’un des premiers textes de l’histoire, le Rig Veda hindou, ne nous dit-il pas : « Nous avons bu le Soma, nous sommes devenus immortels, nous avons connu les dieux. » On s’interroge encore sur ce mystérieux Soma : pure métaphore ? Elaboré à partir de l’Amanite tue-mouche, de la psilocybine, ou du cannabis ? Dérivé de l’éphédrine, dans laquelle on a cru voir un moment un parfait exemple de « drogue intelligente » (ou smart drug, désignant des produits toniques avec une toxicité très faible) avant que ses dangers pour la santé n’apparaissent ? On ne saura sans doute jamais…

Toujours est-il que 3000 ans après, le sujet fait encore débat. Il a été relancé il n’y pas bien longtemps lorsque la revue Nature a publié un manifeste coécrit par une équipe de chercheurs sous la houlette du professeur de droit Henry Greely : « Pour un usage responsable des drogues d’amélioration cognitive chez les sujets sains » (.pdf).


Image : Si c’était si simple, par ZebraPaperClip.

Quelles drogues prendre ?

Le cerveau est une machine complexe, les différents produits agissent chacun à leur manière, altérant des fonctions variées.

Les cholinergiques, par exemple, agissent sur les récepteurs de l’Acethylcholine, un neurotransmetteur connu pour son rôle dans la mémoire. Le Piracetam est le plus connu et le plus ancien de ces produits. Un autre produit de cette famille, le Donépézil est utilisé en général pour atténuer les effets de la maladie d’Alzheimer.

Il est possible aussi d’agir sur la Dopamine, qui gère, entre autres, la concentration, le plaisir et la motivation. Parmi les nombreux ingrédients capables d’augmenter le niveau de cette précieuse molécule, on en mentionnera un qu’on trouve naturellement dans le thé, la L-Théanine, qui agit sur les niveaux de stress et augmente les capacités de concentration.

Aujourd’hui, de nouveaux produits font parler d’eux : au premier plan d’entre eux, la Ritaline. Ce produit est d’une efficacité certaine sur les enfants atteints de « Troubles du déficit de l’attention » ou hyperactivité. Mais quel est son effet exact sur des sujets sains ? Pour certains, s’il booste la concentration, ses effets sur la créativité seraient nuls, voire négatifs. Le Modafinil, surtout utilisé pour combattre la fatigue, fait également beaucoup parler de lui. Il agirait à la fois sur la Dopamine, la Sérotonine (qui aide au repos), et la Noradrénaline (qui aide à la concentration). Selon Anders Sandberg, du Future of Humanity Institute d’Oxford et grand spécialiste de ces « nootropiques » comme on appelle ces produits qui modifient la pensée, le Modafinil pourrait bien être considéré comme « la première drogue susceptible réellement d’augmenter l’intelligence« . Même si, là encore, cette drogue n’est pas sans effets secondaires (agressivité, anxiété, rôle sur le sommeil…), comme le rapportent certains de ceux qui l’ont testé.

Questions d’éthique ?

Dans leur article pour Nature, les auteurs du manifeste pour les drogues d’amélioration cognitive analysent les réticences à l’idée de généraliser cette classe de médicaments. Ils commencent par rejeter l’objection philosophique selon laquelle l’usage de méthodes chimiques d’amélioration ne serait pas « naturelle ».

« L’usage de drogues peut apparaître comme un type d’amélioration spéciale, parce que provoquant des altérations dans le fonctionnement du cerveau, mais on a pu montrer que c’était aussi le cas de toute intervention susceptible d’améliorer la cognition. De récentes recherches ont démontré l’existence de modifications neurales bénéfiques obtenues grâce à l’exercice, la nutrition, le sommeil, ainsi que par la lecture ou l’éducation. Bref, les drogues d’amélioration cognitives sont moralement équivalentes à d’autres méthodes plus familières d’amélioration. »

Reste que si les effets sont les mêmes, l’acceptation sociale des drogues, par rapport à d’autres techniques qui nécessitent des efforts ou de l’attention, est encore loin d’être admise.

Dans leur manifeste, les auteurs réclament également une politique responsable et libérale qui laisserait les individus choisir les produits qui leur conviennent, tout en mettant en place des structures politiques qui permettraient d’éviter la coercition (« obliger » certaines personnes à prendre ces drogues) et les fractures économiques (seules les riches auraient accès à ces molécules) ou les abus divers et variés. Ils proposent aussi la mise en place d’un programme de recherche sur l’usage de ces médicaments par des sujets sains. En effet, les auteurs ne versent pas dans l’angélisme. On ne sait pas encore bien quels pourraient être les effets secondaires à long terme de tels produits. De plus, des conséquences acceptables pour une personne malade le sont beaucoup moins pour une personne en bonne santé : par exemple, « un médicament qui restaurerait de bonnes fonctions cognitives chez des personnes atteintes de démence sénile, mais qui causerait de sérieux problèmes médicaux pourrait être jugé suffisamment sûr pour être l’objet d’une prescription médicale, mais les risques seraient inacceptables pour un individu sain cherchant une amélioration ».

Les auteurs semblent plus mal à l’aise avec le problème de la coercition. Peut-on forcer certaines personnes et notamment des soldats, ou pire encore des enfants, à prendre ces drogues ? Pour ces chercheurs il faut bien entendu éviter la coercition directe (sauf dans le cas où la prise du produit augmenterait la sécurité de celui qui la prend ou des personnes qui lui seraient associées, par exemple dans le cas d’une molécule qui augmenterait le talent d’un chirurgien lors d’opérations complexes), mais aussi la coercition indirecte, à l’école ou à l’entreprise. Sur ce point, leur recommandation nous semble appartenir au domaine des voeux pieux. Comment peut-on se prévenir de la coercition indirecte, c’est-à-dire de la pression sociale ou de ses pairs ? Comment éviter que les utilisateurs de drogues d’amélioration se trouvent avantagés au sein d’un milieu social où la compétition est la règle (et ce, même si ces produits s’avèrent destructifs à long terme, où s’ils produisent une modification de la personnalité indésirable pour l’usager !) ? Du reste, l’usage même du terme « d’amélioration » peut être interprété comme une forme de coercition indirecte, de pression : en effet, quelle personne saine d’esprit pourrait refuser de se faire « améliorer « ? Même si cela ne suffisait pas à résoudre toutes les questions que posent la polémique, un terme plus neutre, comme celui de « modification » ou « d’altération », permettrait peut-être un débat plus équilibré ?

Des puces aux ondes magnétiques… jusqu’à la lumière

Les amateurs de science-fiction imaginent volontiers une autre manière de changer le cerveau : y introduire des dispositifs électroniques, des implants qui changeraient notre rapport à l’intelligence et feraient de nous des cyborgs mentaux. Une approche dont Kevin Warwick s’est fait le champion, à coup de démonstrations spectaculaires, mais peu innovantes sur le fond (hormis le fait d’être introduites dans le corps).

Mais il existe déjà des technologies électroniques capables de produire des effets sur notre cerveau. Au premier plan desquelles on trouve la stimulation magnétique transcraniale (TMS). Cette opération consiste à envoyer des impulsions électromagnétiques à travers le crâne pour stimuler ou inhiber certaines parties du cerveau. Cette technique est de plus en plus en plus utilisée en thérapie, contre la dépression, et même, selon certaines recherches, comme traitement de l’autisme. Mais certains souhaitent aller plus loin : pour Allan Snyder du Centre pour l’esprit à Sidney, on pourrait utiliser la TMS pour stimuler la créativité. Dans une expérience impliquant 17 sujets, Snyder a ainsi affirmé avoir pu augmenter leur talent de dessinateurs en moins de 15 minutes !

Snyder a été inspiré par l’exemple des savants autistes, comme Kim Peek, qui inspira Rain Man. Ces personnages semblent en général complètement inadaptés à leur environnement, sauf dans un certain domaine dans lequel ils excellent. « Ma recherche », explique-t-il dans le New Scientist (.pdf), « part de l’idée que vous pouvez activer certaines capacités extraordinaires en débranchant une partie du cerveau ». Un « débranchement » qu’il obtient précisément grâce à la stimulation magnétique transcraniale.

Vous êtes sceptiques ? Moi aussi. Pourtant Snyder est une personnalité reconnue du monde scientifique – il est même l’un des quatre entrepreneurs à l’origine de la startup Emotiv systems qui commercialise Epok, l’un des premiers casques d’interface cerveau-machine dédié au grand public. Quoi qu’il en soit, la TMS ne pouvait que fasciner les « cognhackers » ! On ne s’étonnera donc pas de l’existence d’un projet openrTMS, qui se propose de construire et publier les spécifications d’un système de TMS en open source, à faire soi même !

Aux ondes magnétiques, on peut aussi rajouter l’influence de la lumière.

Ici encore, on frise apparemment la pseudo-science, mais il y a au moins un cas vérifié et bien documenté. En 1997, 618 adolescents sont hospitalisés à la suite du visionnage d’un épisode des Pokemon dans lequel Pikachu émet une série rapide d’éclairs rouges et bleus. 11 000 adolescents ressentiront un malaise.

Ces enfants sont en fait sujet à une forme assez rare épilepsie, l’épilepsie photosensible… C’est à cause de ce désordre nerveux qu’il existe aujourd’hui un avertissement sur tous les jeux vidéos.

En partant du principe que si quelque chose est assez puissant pour faire du mal aux gens, il peut aussi leur faire du bien (et réciproquement), peut-on utiliser la lumière pour améliorer notre cerveau ? De fait, la première machine de cognhacking fonctionnait sur un principe assez analogue à l’épisode des Pokemon. Créée dans les années 50 par le peintre beatnik Brion Gysin, grand ami de l’écrivain William Burroughs, la « dream machine » était constituée d’un cylindre perforé de divers orifices tournant sur un mécanisme (un tourne-disque 78 tours faisant l’affaire), de façon à exposer le spectateur, les yeux fermés, à 8 à 10 flashs lumineux par secondes. Selon Gysin et Burroughs, cette succession d’images lumineuses était susceptible de provoquer des effets hallucinogènes, voire des crises mystiques, chez les utilisateurs. Il existe aussi des Dream machines en ligne (aucun effet de mon côté, mais peut être n’ai-je pas attendu assez longtemps ?), mais attention si vous êtes sujets à l’épilepsie photosensible ! Environ 1 adulte sur 10 000 serait sensible à cette forme d’épilepsie et ce nombre doublerait chez les enfants.

En fait, Burroughs et Gysin avaient probablement redécouvert la méthode de Jan Purkinje, présentée par Jonah Lehrer dans le Boston Globe. Ce pionnier des neurosciences (1787-1869) avait coutume, lorsqu’il était enfant, de se placer face au soleil et de déplacer rapidement sa main devant ses yeux, les doigts légèrement écartés. Il pouvait alors faire apparaître des images mentales de plus en plus complexes et précises.

Certains nourrissent beaucoup d’espoirs sur le pouvoir de la lumière. Ainsi l’écrivain Terry Pratchett, bien connu des amateurs de fantasy pour ses livres à l’imagination débridée, a appris récemment qu’il était atteint de la maladie d’Alzheimer à l’âge précoce de 59 ans. Il est en train de tester une étrange machine projetant des flashs de lumière susceptibles, pensent ses concepteurs, de ralentir la progression de sa maladie. Espérons pour lui qu’il s’agit d’une recherche sérieuse, mais certaines analyses permettent d’en douter.

L’usage de ces technologies plus ou moins invasives n’a pas fini de susciter des interrogations, tant à propos de leur efficacité réelle que de leur danger supposé. Les peurs suscitées sont aussi intenses – et justifiées – que les espoirs qu’ils font naitre.Comme le disait dès 2004 le prix Nobel Alan Kandel, il se pourrait que « la capacité de l’humanité à altérer ses fonctions cérébrales pourrait bien transformer l’histoire autant que le développement de la métallurgie à l’âge de fer, de la mécanisation pendant la révolution industrielle ou de la génétique pendant la seconde moitié du XXe siècle. »

Toujours est il que, malgré les objections pertinentes des auteurs du manifeste de Nature, l’usage de produits chimiques apparait toujours comme une tricherie, contrairement à la mise en place d’un système d’apprentissage et l’usage d’exercices. L’usage de tels produits ne va-t-il pas mettre en danger tout notre échafaudage culturel basé sur la notion de travail, d’effort, de responsabilité ? Et si nos fonctions mentales sont susceptibles d’être si aisément manipulées, qu’en est il de la réalité de notre personnalité, de notre existence même en tant qu’individus ?

Rémi Sussan

Ce dossier est paru originellement de janvier à février 2009 sur InternetActu.net. Il a donné lieu à un livre paru chez Fyp Editions : Optimiser son cerveau.

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36 réponses sur “Le cerveau, objet technologique (6/8) : Drogues, ondes et lumières…”

  1. Cette article ne suscite pas de critique particulière. Il montre bien la voie que représente la chimie du cerveau dans la recherche de l’amélioration de l’intelligence. N’oublions pas que deux phénomènes vont se produire parallèlement : 1) une meilleure connaissance de cette chimie du cerveau; 2) un développement des biothérapie, thérapeutiques fondées sur des molécules n’existant pas dans la nature mais synthétisées en laboratoire dans un but précis découlant de la connaissance de la physiologie de leur cible. Cette conjonction permettra inévitablement de mettre au point des traitements efficaces et ayant peu d’effets contraires dans de nombreux domaines et pourquoi pas celui qui nous occupe.

    L’auteur n’adhère visiblement pas aux excentricités qui sont présentées dans la deuxième partie de l’article, surtout la technique électromagnétique. Il y a cette phrase désopilante « Vous pouvez activer certaines capacités extraordinaires en débranchant une partie du cerveau ». C’est comme si je vous racontais que je peut prédire l’avenir en activant la zone du cerveau dotée du pouvoir de clairvoyance en mettant ma tête dans le schmilblick des frères Fauderche (appareil aux multiples usages qui permet, à n’en pas douter, de débrancher et rebrancher le cerveau).

  2. Vous oubliez la révolution en cours de l’optogenetique, ou l’on active des neurones par la lumière. Karl Deisseroth est un des experts du sujet, et il est également médecin.

    1. Je comptais également laisser un commentaire sur Deisseroth, cependant ses recherches visent plus à comprendre le fonctionnement détaillé des circuits neuronaux qu’à « améliorer » le cerveau. Les résultats de ses expériences, entre autres sur la maladie d’Alzheimer, sont cependant très prometteurs en vue de la compréhension et la cure de cette maladie.

  3. Deux remarques :
    – les psychostimulants sont généralement des dérivés d’amphétamine, très utilisée pendant la 2de Guerre mais classés toxiques en 1971 par l’ONU.
    – il n’y a pas besoin d’aide chimique pour stimuler sa créativité en basculant vers une fonction précise du cerveau. C’est ce qu’a démontré Betty Edwards dans son livre : Dessiner grâce au cerveau droit.
    Dessiner juste, c’est comme savoir faire du vélo.On apprend une fois et après on sait.
    La tentation de l’aide chimique ne doit pas encourager la paresse intellectuelle. Oui, on peut exercer son cerveau comme on fait du jogging et rester souple d’esprit et performant intellectuellement.
    La chimie lourde, ça rouille les neurones.

    1. « les psychostimulants sont généralement des dérivés d’amphétamine, très utilisée pendant la 2de Guerre mais classés toxiques en 1971 par l’ONU. »: Faux faux et archi faux. Reportez-vous à la page wikipédia sur les psychotropes et à leur classification. Le cannabis peut être un stimulant, le café en est un, la cocaïne aussi, et aucun n’est dérivé d’amphétamine!

      Ce que vous affirmez par la suite sur l’entrainement n’est parfois pas dénué de bon sens (oui, les métaux lourds comme le plomb font rouillé le cerveau car ces éléments ne sont pas éliminés par les neurones et empêchent un correct fonctionnement de la cellule) mais dans l’ensemble totalement réactionnaire.
      Si on fait un parallèle avec le sport et les muscles comme vous le faites pour le vélo, on s’aperçoit aujourd’hui que des sportifs sont bien plus performants en prenant des drogues.
      D’ailleurs, en prenant l’exemple du vélo, vous discréditez votre discours, car l’on connait les problèmes de dopage dans celui-ci.
      Après, comme mentionné dans l’article, les études sont faites pour rechercher un dopage sain.

  4. Très belle article avec des références à beaucoup de film, etc…
    Mais N’avait vous pas oublier de faire une allusion à Deus Ex Machina, ce jeu vidéo récemment sorti reprend exactement cette question éthique, il aurait illustrer parfaitement ce propos !

    Aussi le film récent LimitLess avec Bradley Cooper ! Il prend une drogue qui lui permet d’utiliser 100% de ces capacités mentales au lieu des 5% habituelles ! A voir !

    1. Cette drogue qu’il prend est peut-être une métaphore d’une drogue qu’a pris à un instant de sa vie Alan Glynn (l’écrivain du livre The dark Fields qui a inspiré le film) et qui est un puissant stimulant source d’overdoses…

  5. Cette histoire du 5 % des capacités du cerveau (qui était plutôt 20 %) est fausse et a été démontée depuis longtemps. C’était un peu décevant de voir ça au début du film en effet.

    1. Exact.
      Pour la simple et bonne raison que le cerveau ne peut à la fois « faire du vélo, cuisiner, répondre au téléphone, changer bébé, résoudre la quadrature du cercle… ». On peut être multitâche mais la multiplicité des tâches ne permet pas toujours de bien se concentrer sur l’une d’entre elles.
      Il y a d’ailleurs plusieurs composantes à prendre en compte dans le « multitâche », dont le temps, l’espace et la technologie.
      Vous vous voyez sur un vélo d’appart avec comme guidon un plan de cuisine et un table à langer (attention à l’hygiène), un tableau noir en face de vous et le portable vissé à l’oreille?

  6. Le cerveau est un organe sensitif qui permet de juger l’eau sous contrôle ou l’eau de la nature. Nous sommes fait à 80% d’eau et c’est en partie ainsi que l’on se sent à plusieurs. Les préconçus du cerveau relatif à l’ADN sont les images mentales qui nous font rêver au moment du réveil dans l’adaptation à la réalité du réveil. Les images mentales sont aussi partie prenante dans la mémorisation, et il s’agit de se forger toute une panoplie de sons et d’images pour se faire halluciner soi-même avec sa propre voix, autrement dit penser. Vous pouvez consulter mon site web (http://laurent.horus.free.fr/) pour constater tous mes travaux dans ce domaine.

    1. Je ne sais pas ce que vous mettez dans votre eau, mais cela doit avoir une forte odeur d’anis…

  7. Au siècle dernier, j’avais écrit le petit texte qui va suivre, espérant sa publication dans une revue éphémère : Stupéfiant. Je ne pense pas que la situation ait beaucoup évolué depuis. Mêmes espoirs, mêmes blocages.

    Drogues Tertiaires

    Rappelons tout d’abord qu’ici comme ailleurs la prospective est risquée. Néanmoins, à la lecture de certains ouvrages et sites internet, il semble possible de dégager des tendances.

    Comme un musicien fait ses gammes, quiconque prétend se mêler d’écrire sur les drogues se doit d’abord de revenir à Huxley et à son concept d’expérience visionnaire (cf. la conférence du même nom dans Moksha), afin de bien poser la chose suivante : le produit actif — la « drogue » — n’est qu’un moyen parmi d’autres de vivre une expérience, rien qu’une technologie permettant d’atteindre un objectif d’altération de la conscience.

    Ceci dit, étant donné que les états de conscience modifiée ne sont accessibles spontanément qu’à très peu de gens, les personnes ordinaires qui souhaitent en faire l’expérience ont peu d’autres choix que le recours à ces technologies (ou à une poignée de méthodes naturelles), qu’il est intéressant pour envisager les progrès à venir de regrouper en trois types socio-économiques. Les drogues du secteur primaire, que nous ont léguées les siècles passés, sont les produits d’origine agricole (vin, marijuana, opium, etc.). Celles du secteur secondaire, que nous lègue le XXe siècle, sont les produits d’origine industrielle, qu’ils résultent de la transformation significative d’un produit végétal (héroïne, cocaïne, LSD, etc.) ou qu’ils soient des molécules entièrement synthétiques (X, GHB, kétamine, etc.). Les techniques du secteur tertiaire sont quand à elles d’origine informationnelle. Citons l’hypnose, le jeu, certaines méthodes de méditation, le caisson à isolation sensorielle, la playstation. C’est dans ce secteur, s’appuyant sur l’évolution de l’électronique et de l’informatique, qu’on peut entrevoir les développements les plus prometteurs du XXIe siècle (même si on ne doit pas négliger des positions comme celle de Maurice Dantec, qui fait pour sa part l’hypothèse d’un développement explosif des molécules hallucinogènes).

    La « drogue électronique » dont on peut prévoir la plus grande expansion est bien sûr la réalité virtuelle. Il y a une logique de drogue à l’œuvre partout où il y a de la fiction — dans la littérature, le cinéma, le jeu de rôles, le jeu vidéo — et cette logique est poussée presque à son terme avec le casque audio-vidéo à immersion totale. Comme les autres modes de fiction, mais de manière plus convaincante pour le plus grand nombre, la RV donne en effet accès à des environnements capables d’offrir plus de satisfactions, subjectivement de meilleure qualité, plus gratifiantes, que n’en fournit la réalité. Au vu des tendances actuelles, on peut affirmer sans grand risque d’erreur que les mondes virtuels sont les paradis artificiels du XXIe siècle. À ce propos, un combat essentiel se joue ici et maintenant : celui de l’indépendance politique de ces paradis artificiels. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser se reproduire avec le virtuel les mêmes rapports de force qu’avec le LSD, ceux qui ont mené dans les années 60 à l’exploitation étatique des drogues psychédéliques, puis à leur interdiction. Même si le danger semble lointain, les virtualistes se doivent d’apprendre à mettre le cyberespace hors d’atteinte de la souveraineté des États, en s’entraînant dès maintenant à manier de manière routinière les techniques qui permettent l’échange indétectable de documents : cryptographie et stéganographie.

    La réalité virtuelle mérite-t-elle bien, néanmoins, l’appellation de « drogue électronique » ? Il est possible de le contester, car elle ne fait que stimuler l’imagination, alors que l’altération de la conscience telle que la vivent par exemple artistes et mystiques comporte d’autres dimensions. Elle est cependant incontournable, aussi bien en elle-même que parce qu’il semble possible, avec des méthodes et techniques proches de celles que son succès fait connaître au grand public, de mettre en jeu l’ensemble du cerveau, plutôt que la seule imagination, et ceci sans apport de molécules extérieures toxiques et/ou illicites. Voici les trois directions de recherche qui semblent les plus intéressantes. 1/ L’isolation sensorielle (et du système respiratoire : qu’on se rappelle Huxley une fois de plus, et l’appendice négligé de Heaven & Hell sur l’expérience psychédélique significative produite sans apport d’aucun produit stupéfiant par l’inhalation d’un mélange gazeux de 70 % d’O2 pour 30 % de CO2). 2/ La mise au point d’informations autres que réalistes envoyées au cerveau par l’écran et les hauts-parleurs : figures géométriques en mouvement comme pour l’hypnose ou la relaxation, lumière stroboscopique comme dans la machine à rêver de William Burroughs, infra-sons, etc. 3/ La stimulation électrique de la boîte crânienne (CES, Cranial Electrical Stimulation), c-à-d l’application au cerveau de courants électriques et de champs magnétiques par l’intermédiaire d’électrodes judicieusement placées. Joèl de Rosnay évoquait déjà dans une interview à Libération datée de 1995 « l’apparition de systèmes de stimulation de certaines zones du cerveau par des pastilles collées sur les tempes qui transmettent une information qu’on pourra télécharger de différents endroits pour stimuler des zones de plaisir, d’émotion… Ce type d’application ne relève pas du fantasme : les expériences actuelles de “bio feed-back” montrent qu’il est possible de stimuler des zones précises du cerveau à partir d’une machine électronique. »

    Il est encore difficile d’avoir accès à des informations techniquement précises sur les recherches menées dans ces domaines. On ne peut que faire confiance aux quelques vulgarisateurs scientifiques qui n’écrivent que de trop rares lignes sur le sujet. Ce relatif silence s’explique sans doute par l’intérêt qu’ont les chercheurs de garder le secret sur leurs résultats encourageants en l’absence de percée décisive et rentable, ainsi que par la rareté ce type de recherches, qui ne sont guère faites pour attirer les investisseurs ou l’attention des médias. Sauf peut-être dans un milieu bien précis : on peut conseiller à un journaliste d’investigation qui voudrait s’attaquer au sujet de s’intéresser en premier lieu à la préparation des sportifs de haut niveau (techniques de visualisation, entraînement « assisté par ordinateur », stimulation électronique du cerveau en vue par exemple de faire fabriquer en grandes quantités par le corps les molécules dont l’apport extérieur est interdit) : le dopage électronique a un immense avenir, surtout si on combat enfin le dopage chimique avec efficacité, ce qu’il faut souhaiter bien sûr. C’est la médecine sportive qui semble actuellement capable plus que tout autre secteur de produire, en fonction de ses intérêts propres et avec l’argent des sponsors, les avancées technologiques qui deviendront les « drogues électroniques » du siècle à venir — le destin normal d’une invention étant d’être détournée de sa fonction d’origine.

    Au-delà de spéculations que d’aucuns jugeront hasardeuses, rendons-nous bien compte de la rupture décisive que peuvent amener les nouvelles technologies en médecine du cerveau et dans les domaines attenants. Comme dans les autres domaines de l’activité humaine, si l’information remplace la matière, des bouleversements radicaux surviendront. Il existe dès à présent un formidable espoir de voir les technologies d’altération de la conscience, les « drogues », ne plus être à l’avenir des produits mais des documents. Cette mutation, dont il est bien sûr impossible d’annoncer la date et l’heure, peut faire rêver d’une nouvelle révolution psychédélique. Un jour, on verra peut-être sur les consoles de jeu et les ordinateurs « familiaux » des logiciels favorisant l’accès à l’expérience visionnaire. Ce jour-là, le « trafic de drogues » se fera entièrement sur l’Internet, hors d’atteinte de la souveraineté des États, car les hallucinogènes les plus intéressants seront des documents multimédias ; ce jour-là, le commerce de produits stupéfiants sera pour les mafias occidentales aussi rentable que le textile ou la mine ; et ce jour-là, les prohibitionnistes auront perdu leur guerre culturelle.

    La chimie n’a sans doute pas dit son dernier mot, mais c’est l’informatique qui semble devoir offrir aux défenseurs de la liberté et de l’avancement psychique de l’humanité la chance la plus sérieuse d’en finir avec l’obscurantisme auquel nous a habitués le XXe siècle en matière d’expérimentation sur la conscience.

      1. Mia : quel dommage, vos arguments ont été bouffés par le net, is n’apparaissent pas à l’écran. Ne reste que votre conclusion. C’est vraiment trop ballot, parce que ces arguments étaient sûrement fouillés, pointus, et de grande qualité. Pouvez-vous refaire une tentative pour nous les comuniquer, SVP ?

    1. En termes de drogues électroniques, la plus forte est sans doute le viol niaiseux du terme virtuel depuis le début des années 90 par là.
      « des faibles se mettraient à -penser- sur la première lettre de l’alphabet, qui pourraient vite ruer dans la folie » disait Rimbaud, strictement rien de neuf.
      Après, c’est sur que tout l’imaginaire geek SF à la con, mythologies actuelles, éloigne aussi de pas mal de choses …

      1. Comme par exemple du fait que nous sommes aussi à l’époque de l’entrée dans la grande crise du pic de production pétrolier, et qu’en « parallèle » à l’explosion de la cybernétique, il y a aussi la fin de l’explosion de l’énergie pas chère … Voir par exemple :
        http://petrole.blog.lemonde.fr/2011/11/09/michel-rocard-nous-sommes-en-train-de-passer-le-pic-petrolier/#xtor=RSS-32280322
        Et au sujet de la cybernétique, certains avait vu les choses venir depuis un bon moment :
        http://iiscn.wordpress.com/2011/09/29/dali-et-la-cybernetique/

        1. Rocard : hors-sujet.

          Dali : très belle citation.

          Et alors ? Que voulez-vous démontrer à travers ces références, à part que Dali, quoique génial, n’en est pas moins un moraliste pontificateur, dans la grande tradition qui va de Ned Ludd à Eva Joly, en passant par Paul Virilio et Jean-Claude Guillebaud ?

          1. Dali un moraliste pontificateur à la Virilio ? Je crains que vous ne l’ayez pas lu …
            Mais mon propos de départ était plus sur l’utilisation idiote (ou viol) du terme virtuel qui est apparu en 92 par là, quand il n’y a absolument rien de fondamentalement nouveau dans tous les outils informatiques et compagnie, les échanges épistolaires ne datant pas d’hier, ni le fait de faire des plans d’objets.
            Et que ce viol n’est pas étranger à une certaine bêtise actuelle.
            Sinon, à propos de Rocard, ou plutôt du pic de production pétrolier, rien n’est vraiment hors sujet à ce propos, vrai tournant historique, et également raison fondamentale de la crise actuelle.

          2. PS: les propos de Dali n’ont strictement rien à voir avec une position Luddite, il faut aussi savoir lire ..

          3. 1/ Dali ? J’ai lu la citation sur votre blog. Elle m’a suffi à comprendre que le grand homme désapprouve superbement le désir de distraction et d’évasion de l’homme et de la femme ordinaires. Si ça ce n’est pas du moralisme, les mots n’ont pas le même sens chez vous et chez moi. Qu’on leur foute la paix, aux consommateurs de drogues électroniques et à ceux qui vient chercher « un orgasme mondain » à « la fête supracybernétique », au lieu de les juger avec mépris du haut de ce lieu élevé où prétend trôner l’Artiste.

            2/ L’utilisation violemment fautive du terme virtuel ? Que voulez-vous, quand on prétend faire du journalisme on écrit avec les mots de l’époque : c’est ce que j’ai fait fin 1999. Si je dois continuer à débattre avec vous, j’utiliserai un vocabulaire plus précis et je vanterai les mérites de l’indépendance du cyberspace et des mondes permanents plutôt que les mérites du virtuel.

            3/ Le pic de production pétrolier, pas vraiment hors-sujet ? Si vous voulez. Disons qu’il est hors-champ, alors, afin malgré tout de recentrer notre propos sur ce qui compte sur cette page : les drogues électroniques, les médicaments utilisables pour l’amélioration plutôt que pour le soin, voire les implants imaginés par les auteurs qui ont raconté le cyborg (je pense en particulier à Greg Egan).

          4. « Elle m’a suffi à comprendre que le grand homme désapprouve superbement le désir de distraction et d’évasion de l’homme et de la femme ordinaires.  »

            Que dire ? Vous avez entendu parlez d’avida dollars ? De galla ? Vous savez de quoi vous parlez ?
            Pas vraiment je pense …

            Note: je ne suis en rien un fan de Dali, je préfère Picasso, Picabia, ou « même » Duchamp

            Mais vous vous sentez un peu trop la frite …

          5. La frite, et le hamburger, et la bière, et le maroilles, et peut-être même le sundae aux fraises !

            Effectivement, il suffit souvent que j’ouvre la bouche pour flottent autour de moi les odeurs de ce peuple provincial qui mange gras, américain et populaire, et qui lit comme il mange. Ça fait toujours plaisir de voir que ces odeurs produisent des effets sur cette élite qui sait si bien défendre le bon goût et le raffinement dans les grandes capitales européennes et sur les sites des journaux de référence…

          1. Bonjour chère descendante.
            Vous devriez faire un tour sur le blog précédent (5/8) où Aurélien prétend que le jeu vidéo met KO la lecture pour le développement de l’esprit. Je crois savoir que cette question vous intéresse 🙂

  8. La personnalité est un consensus, pas une réalité, les anciennes philosophies de l’Inde le savent depuis longtemps.

    L’important n’est pas de chercher sa personnalité, mais d’en trouver l’architecte. Arrivera alors le Nirvâna, sans le moindre besoin en drogues ou autres béquilles.

  9. De récentes recherches ont démontré l’existence de modifications neurales bénéfiques obtenues grâce à l’exercice, la nutrition, le sommeil, ainsi que par la lecture ou l’éducation. Bref, les drogues d’amélioration cognitives sont moralement équivalentes à d’autres méthodes plus familières d’amélioration. »

    Tout est dans le bref. Voilà un exemple parfait de mauvaise foi intellectuelle. Comment peut-on comparer le fait de prendre une pilule pour soi-disant devenir intelligent avec le fait de lire ou de s’eduquer. Mon Dieu.

    Mais tout ces pseudos débats sur pour ou contre l’usage de drogue à but non récréatif offre une bien triste perspective à une humanité malade d’elle-même.
    On imagine dans quelques années ces hommes et ces femmes se droguant pour tout et n’importe quoi : « jai une réunion à 9h, vite un cachet anti-stress. Je dois travailler tard, vite un cachet boosteur de performance. Mince j’arrive pas a dormir, vite un somnifère. Je me sens triste, vite un antidépresseur.  »
    Un petit shot de red bull à 2€ les 20 cl ?
    Même chose pour leurs enfants qui auront bientôt une puce dans le cerveau lui permettant d’accéder à internet et surtout à Wikipédia n’importe ou, n’importe quand. Ainsi il saura tout sur tout. Mais il ne saura rien. Triomphe de la pensée « Google ».

    Triste perspective qui rejoint le dogme hygiéniste qui lentement s’installe. L’homme moderne se fume pas, ne boit pas. Il ne va pas à la messe. Le dimanche il fait son jogging. Il pense avant tout à retarder l’échéance. Après tout on dit bien qu’une cigarette = 10 minutes de vie en moins (suivez la logique).
    Il aime son corps, il se fait beau. Pas question de mettre une fessée à son enfant hyperactif (pseudo maladie, euphémisme de sale gosse mal élevé). Par contre il est prêt à le droguer des son plus jeune âge. Trop de responsabilité.

    Dernièrement un article expliquait qu’au bureau les gens se foutaient rien a cause de Facebook et Google. Pourtant on se sent tous indispensable. Tellement qu’on est prêt à utiliser tout sorte de substitut à notre fainéantise. A tel point que certains croient au pullule miracle pour maigrir sans voir l’arnaque derrière : bougez vos fesses et arrêter de manger du nutella vous verrez ça marche mieux.

    J’ai l’impression que cette pilule est du même acabit : lisez et dormez, vous serez plus intelligent.

    Ps : ce commentaire bourré de faute est écrit par un non fumeur occasionnel qui boit mais qui fait un peu de sport.

    1. Vous avez peut-être raison. Il vaut peut-être mieux faire des exercices qui ne servent à rien ou mettre des aimants sur la tête que d’inventer des molécules dont les effets biologiques réels entraîneront un usage généralisé et obligatoire pour ceux qui voudront rester aussi performants que les autres, comme nous l’avons vu dans le cyclisme.

    2. Il est vrai que c’est une perspective triste pour l’avenir de l’humanite quant au rapport avec la nature qui se fait de moins en moins sentir. Cependant ce qu’on constate c’est qu’une simple pillule nous fait economiser du temps (notre ennemi jure !), et permet de consacrer le temps gagne a une autre activite, le but est donc d’optimiser notre temps, notion qui est curieusement tres importante en informatique !
      Le but derriere ces recherches selon moi, n’est pas seulement de substituer des activites humaines par de simple pillules mais d’en augmenter les resultats grace aux pillules. Si, par exemple, on arrivait a faire autant d’operations a la seconde qu’un ordinateur, le monde serait bien different.

    1. Il n’y a pas de sémantique, mis à part le fait que vous soyez en vie et capable de parler, tout au plus …
      (en termes plus théoriques vous pouvez aussi regarder ce qu’en pense JY Girard par exemple)
      PS : pourquoi le design de ce genre de sites est toujours aussi affreux ?

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