Moyen-Orient. Ces voix turques qui s’inquiètent des exactions contre les alaouites en Syrie
La minorité alaouite de Syrie redoute de possibles discriminations après la chute de Bachar El-Assad. La Turquie, soutien du nouveau pouvoir syrien, compte elle-même une petite minorité alaouite et surtout des millions d’alévis, préoccupés par le sort de leurs voisins syriens.La Turquie a été, des années durant, le principal soutien des rebelles islamistes de Hayat Tahrir Al-Cham (HTC) et espère tirer les bénéfices de leur victoire sur le régime de Bachar El-Assad. Ibrahim Kalin, le chef des services de renseignements d’Ankara, s’est ainsi rendu en Syrie dès le 12 décembre pour y rencontrer le chef de HTC, Ahmed El-Charaa, alias Abou Mohammed Al-Joulani, suivi du ministre des Affaires étrangères, Hakan Fidan, le 22 décembre. Mais alors qu’Ankara tente de se concilier les faveurs des nouveaux maîtres de Damas – et de les persuader de lancer un assaut contre les forces arabo-kurdes –, une partie de la population turque s’inquiète du sort réservé aux minorités dans la nouvelle Syrie, indique notamment le quotidien Evrensel. (
https://www.evrensel.net/yazi/96136/hts ... -fay-hatti )
Les membres de la minorité confessionnelle alaouite, qui représentent environ 10 % de la population syrienne, sont particulièrement visés parce qu’assimilés au régime d’Assad. De nombreuses vidéos authentifiées circulent sur les réseaux sociaux turcs, montrant des alaouites rudoyés, passés à tabac ou même exécutés.
Cette situation crée l’émoi en Turquie où vit une minorité alaouite de quelques centaines de milliers de personnes, dans la région d’Antioche. Le pays compte également une communauté alévie de quelque 10 millions de personnes (de 10 à 15 % de la population). Adeptes d’un islam hétérodoxe inspiré du chiisme duodécimain, ils se sentent solidaires des alaouites – ces derniers sont d’ailleurs souvent familièrement nommés “alévis arabes” en turc.
Avant que la situation ne dégénèreLes principales associations alévies de Turquie et de la diaspora européenne ont ainsi publié un communiqué dénonçant les “attaques des djihadistes contre les alaouites de Syrie”, rapporte l’agence de presse alévie Pirha. On notera qu’elles vont jusqu’à assimiler les alaouites à des alévis dans l’extrait suivant : “Alors que des millions d’alévis sont citoyens de Turquie, nos autorités politiques ne peuvent pas garder le silence sur l’oppression dont sont victimes les alévis de Syrie, au risque d’encourager les agresseurs.” Dans la région d’Antioche, de nombreuses manifestations de solidarité ont lieu ces derniers jours, un rassemblement s’y est ainsi tenu le 29 décembre, poursuit l’agence.
Özgür Özel, le chef du principal parti turc d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), qui capte traditionnellement une majorité de l’électorat alévi, est allé jusqu’à proposer de déployer des forces armées pour les protéger. Ces soldats sont présents dans la zone d’Idlib depuis des années pour aider les rebelles à tenir tête aux troupes d’Assad. Özel a dit craindre “une attaque des groupes salafistes dans la zone qui pourrait dégénérer en guerre civile ou en génocide”, reprend le média en ligne Diken. (
https://www.diken.com.tr/ozel-lazkiyede ... isesi-var/ )
“Si, comme l’a déclaré Donald Trump, la Turquie détient les clés de l’avenir de la Syrie, alors elle doit faire ce qu’elle peut pour empêcher des massacres, pour mettre en garde le pouvoir de Damas aveuglé par sa haine confessionnelle, pour l’avenir de la Syrie mais aussi pour protéger une Turquie laïque et démocratique”, assène le quotidien d’opposition de droite Yeniçag. (
https://www.yenicaggazetesi.com.tr/suri ... 72624h.htm )
Les médias progouvernementaux, de leur côté, balaient ces craintes. Pour le quotidien Sabah (
https://www.sabah.com.tr/yazarlar/melih ... p-solculug ) , il s’agit de fausses nouvelles créées ou amplifiées par l’Iran, qui n’accepte pas la défaite du régime qu’il a soutenu durant les treize années de guerre civile. “Le nouveau pouvoir syrien gère les choses avec beaucoup de maturité, ils ont tiré les leçons des transitions qui ont eu lieu en Afghanistan ou en Irak”, estime le quotidien.
“Les alévis de Turquie et les alaouites de Syrie ne pratiquent pas la même religion, il s’agit d’un plan perfide de l’Iran pour tenter de diviser la Turquie”, s’indigne également un éditorialiste du quotidien Star (
https://www.star.com.tr/yazar/iran-suri ... i-1914539/ ).
Courrier international