La LOA sur les HVP

La loi d’orientation agricole et code du commerce

Mots clés : huile végétale pure, brute, HVP, HVB, loi, europe, directive.

La France a-t-elle le droit d’interdire à ses agriculteurs de vendre de l’huile végétale carburant ? Le projet de loi d’orientation agricole autoriserait l’usage de l’huile végétale pure comme carburant agricole, mais uniquement sur la ferme où elle serait produite ce qui interdit toutes possibilités de commercialisation et ce qui est contraire aux règles de commerce et de liberté d’accès aux marchés de l’énergie.

Le projet de LOA (loi d’orientation agricole) ne va pas permettre le développement de l’usage des huiles végétales pures comme carburant. Il prévoit en effet de modifier le code des douanes dans l’objectif d’autoriser à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2007 les huiles végétales pures (HVP) comme carburant agricole, mais seulement dans les exploitations agricoles sur lesquelles elles auront été produites et à la condition que les HVP soient compatibles avec le type de moteur utilisé et les exigences correspondantes en matière d’émissions. Si ces conditions sont réunies, les HVP bénéficieront d’une exonération de la taxe intérieure de consommation (ex-TIPP), mais elles seront cependant interdites à la vente ou à la mise en vente pour la carburation, s’il n’y a pas d’autorisation spéciale par des arrêtés du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l’industrie. Les produits utilisés ou destinés à être utilisés en violation de ces prescriptions, c’est-à-dire pour un autre usage que l’activité agricole, sont assujettis à la taxe intérieure de consommation, indique le projet de loi. Toute infraction à ces dispositions que l’administration des douanes est chargée d’appliquer est passible d’amende prévue à cet effet.

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Le frein européen à la LOA.

Il n’est pas certain que ce projet de loi soit adopté en l’état.
Au niveau européen, la directive 2003/30/CE stipule que l’HVP provenant des plantes oléagineuses “obtenue par pression, extraction ou procédés comparables, brute ou raffinée, mais sans modification chimique, peut être également utilisée comme biocarburant, dans le cas où son utilisation est compatible avec le type de moteur et les exigences correspondantes en matière d’émissions”. Elle impose explicitement aux États membres d’adopter la législation nécessaire pour que les biocarburants représentent une part minimale des carburants vendus sur leur territoire. Elle rappelle la résolution du 18 juin 1998 qui préconise notamment une exonération fiscale des biocarburants. Elle demande enfin aux États membres de se conformer au plus tard avant le 31 décembre 2004 à cette directive.
Cette directive 2003/30/CE n’a été que partiellement transposée, mais pas pour des dispositions concernant l’HVP. En effet, l’article 32 de la loi de finances pour 2005 concerne les huiles minérales (et non végétales). La Commission a donc engagé une procédure de précontentieux pour défaut de transposition de cette directive depuis que la date limite de transposition est dépassée.

Les Allemands roulent à l’HVP sur nos routes

Une autre directive européenne, la 2003/96/CE, relative à la taxation des produits énergétiques prévoit une fiscalité spécifique pour les biocarburants. Elle demande en outre une harmonisation de la fiscalité sur les carburants pour éviter les distorsions de concurrence dans le domaine des transports et autorise les États membres à appliquer une exonération partielle ou totale de taxes sur les biocarburants (hors TVA) – la TIPP-TIC en France -, ce qu’ont déjà fait la Belgique et l’Allemagne. Ainsi les routiers français se retrouvent désavantagés par rapport à leurs homologues allemands et de l’Est qui roulent à l’HVP… et ils sont nombreux sur les routes françaises.
La directive 2003/96/CE n’a également pas été entièrement transposée en droit français, remarque le sénateur de l’Aube Philippe Adnot qui suit le dossier. Des arbitrages seraient en cours, écrit-il aux producteurs d’HVP, la Commission européenne ayant aussi lancé une procédure précontentieuse contre la France pour ce défaut de transposition de cette directive.

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Pratiques anticoncurrentielles

Enfin, à propos de l’interdiction qui est faite aux agriculteurs de revendre l’HVP, il s’agit de voir si ce projet de loi est conforme aux règles commerciales françaises et européennes. L’article 420-1 du code du commerce prohibe les pratiques anticoncurrentielles lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment lorsqu’elles tendent à limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises,(…) lorsqu’elles tendent à limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique et enfin à répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement. Cet article fondamental du NCPC ajoute cependant que les pratiques qui résultent de l’application d’un texte législatif ou d’un texte réglementaire pris pour son application ne sont pas soumises à cette règle. Ce qui serait le cas, en l’espèce, de l’HVP, tombant sous le coup de la LOA, si elle était adoptée.

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Absence juridique et défaut de transposition
Au niveau européen, cette disposition est cependant contraire à l’esprit de « libéralisation » de l’accès aux marchés de l’énergie, que l’on connaît déjà pour l’électricité, ce qui fait pencher la balance en faveur des agriculteurs. Dans l’attente, il faut donc s’en référer au Conseil européen du commerce pour voir si la France a le droit d’interdire à ses agriculteurs de vendre de l’huile végétale carburant. En absence de textes européens et de jurisprudence, la directive 2003/30/CE serait effective. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne a développé une jurisprudence générale qui rend effectives certaines dispositions de certaines directives sous certaines conditions (dispositions suffisamment précises par exemple) à partir de la date fixée par la directive pour sa transposition.

Au-delà des aspects juridiques, les agriculteurs s’interrogent sur les multiples barrages au développement économique et durable, surtout à l’heure où le maître mot du gouvernement est l’emploi.

David Lefebvre

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