Le gulf Stream, arrêt programmé?

Scénario noir à la Maison-Blanche. Si le Gulf Stream s’arrête…

Réchauffement climatique + fonte des pôles = arrêt du courant océanique + panique sur la planète.

C’est l’équation remise par deux chercheurs américainsà George W. Bush, qui s’est empressé… de l’enterrer!

Certains rapports font froid dans le dos. Celui qu’ont écrit Peter Schwartz et Doug Randall à la demande du Pentagone a pour titre: «Pensons l’impensable». On n’aurait normalement jamais dû en entendre parler: George Bush ne voulait pas qu’il soit publié. Mais il y a toujours des fuites. «L’impensable» a donc été dévoilé fin février. En deux mots : il va faire froid et ça va chauffer sur la planète. Le froid, c’est pour le climat. Le chaud, ce sont les énormes conflits que ce refroidissement risque d’entraîner.

A ceux qui croiraient naïvement que nous sommes dans une période de réchauffement climatique qui entraînera dans le futur des canicules à répétition, rappelons, comme le font Schwartz et Randall, que rien n’est simple en matière de climat. Et qu’il est déjà arrivé dans le passé que des épisodes de chaleur provoquent des températures sibériennes en Europe et ailleurs. C’était il n’y a pas bien longtemps: 12600 ans à peine, une période que les géologues appellent le Dryas récent. Le climat était alors à peu près le même qu’aujourd’hui, même si le niveau des mers était sensiblement plus bas. Mais les eaux chaudes du Gulf Stream baignaient déjà les côtes d’Europe jusqu’en Norvège, et tout allait bien. Trop bien, car avec la chaleur les glaces de l’Arctique se sont mises à fondre. Et se sont répandues d’un coup, gigantesque débâcle glaciaire, dans tout l’Atlantique Nord. Avec une conséquence inattendue: cet apport d’eau douce a bloqué le Gulf Stream, ce «gigantesque tapis roulant hydraulique» qui parcourt les océans de la planète tantôt en surface, tantôt en profondeur, selon l’expression du paléoclimatologue français Jean-Claude Duplessy (1).

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Rendues plus légères par cette pellicule d’eau douce, les eaux du Gulf Stream cessèrent de se mélanger avec les eaux plus denses des fonds marins. Le célèbre courant, qui ne pouvait plus plonger pour continuer sa course océanique, fut considérablement ralenti. Conséquences immédiates: en moins de soixante-dix ans, l’Europe se retrouva plongée en pleine période glaciaire. Les îles Britanniques connaissaient le climat de la Sibérie. Et les glaces, l’hiver, descendaient au large des côtes du Portugal! L’épisode dura un bon millier d’années, avant que le grand courant calorifère ne se remette en marche.

C’est exactement ce que nous annoncent les experts du Pentagone : un nouveau Dryas, un coup de froid sévère sur l’Europe, avec toutes les conséquences qui s’ensuivraient, dans le monde entier. Car le froid entraînerait la sécheresse, perturberait les moussons jusqu’en Asie du Sud-Est. La famine menacerait 400 millions de personnes. On se battrait alors pour la survie, y compris à coups de bombe nucléaire, pour l’eau, pour la nourriture, jusqu’à ce que la population mondiale, écrivent les auteurs, soit revenue à un niveau compatible avec les capacités alimentaires très altérées de la planète…

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On vous passe les détails de ce scénario catastrophe que Schwartz et Randall font démarrer en 2010. Leur préconisation : transformer les Etats-Unis en une sorte de forteresse capable de résister à l’assaut des populations affamées du reste de la planète. Mais pas un mot sur la nécessité de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre dont les Etats-Unis sont les principaux responsables.

Ce silence pudique n’a pas suffi à George Bush, pour qui toute évocation des conséquences d’un réchauffement climatique global est une hérésie. Il a donc mis le rapport au panier, comme il le fait régulièrement – le député démocrate Henry Waxman a dénombré 21 cas au moins – quand des scientifiques payés par le gouvernement vont contre les idées ou les intérêts du président.
Faut-il redouter la quasi-guerre mondiale que nous annoncent les experts du Pentagone? Pas sûr. Eux-mêmes prennent quelques précautions, parlent d’hypothèses plausibles. Mais, ajoutent-ils, ils étudient tous les scénarios.

Jean-Claude Duplessy, lui, aurait tendance à qualifier ce genre de littérature de «délire militaire». Mais il reconnaît toutefois que «ça bouge dans l’Atlantique Nord». D’abord parce que la salinité des eaux y a baissé. Ensuite parce que dans un des trois détroits par lesquels s’engouffre le Gulf Stream dans la mer de Norvège, la vitesse du grand courant océanique a baissé de 20% depuis le milieu des années 1990. Ailleurs, les mesures n’ont pas encore été faites. Ajoutons à cela que les glaces du Groenland pourraient bien se mettre à fondre si les températures montaient de plus de 2 °C, prévision la plus optimiste pour cette fin de siècle… Allons-nous condamner nos petits-enfants à vivre un nouvel âge glaciaire? Difficile à dire. Comme le souligne Jean-Claude Duplessy: «C’est la première fois dans l’histoire connue de la planète que nous allons passer d’une période chaude à une autre, plus chaude encore. Et là, nous manquons totalement de repères!»

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(1) Auteur de «Quand l’océan se fâche: histoire naturelle du climat» aux Editions Odile Jacob, 1996.

Par Gérard Petitjean, Nouvel Observateur n°2059, 22/02/05 : NouvelObs

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