Vivre pas cher: entre éconologie et consumérisme

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Vivre pas cher: entre éconologie et consumérisme




par Christophe » 13/06/08, 09:42

Dernier numéro du NouvelObs sorti hier se penche sur la question de la consommation, conseils à la fois éconologiques et consuméristes. Un numéro paradoxal au final.

Plongée dans a france de la débrouille

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Vivre pas cher : mode d'emploi

Crise du pouvoir d'achat, hausse des prix, flambée du baril de pétrole... De plus en plus de Français sont contraints de consommer différemment. Pour voyager, se loger, se meubler ou se nourrir. La vie low-cost n'est plus seulement une mode, mais un nouveau modèle économique. Avec ses bons plans et ses pièges

Signe des temps ? Quand, il y a quelques semaines, Jean-Pierre Coffe a décidé de consacrer son émission du samedi sur France-Inter, «Ca se bouffe pas, ça se mange», à la confection de repas à moins de 5 euros, son audience a explosé. Lui qui passe sa vie à arpenter les marchés affirme que «depuis la guerre» il n'a jamais vu pareille situation. De petites mamies bien chics qui achètent les asperges à l'unité sur les marchés huppés de la capitale. Des messieurs en cravate qui farfouillent dans les poubelles. Des commerçants qui bougonnent que «le porte-monnaie est fermé». Du fin fond de sa bibliothèque, l'apôtre éruptif d'une popote de grand-mère et de saison a ressorti les livres de cuisine édités au moment de la crise de 1929 ! Il concocte aujourd'hui des recettes - pas toujours affriolantes, admettons ! - faites de têtes de poisson («200 grammes par tête pour 1 euro, qui dit mieux ?»), de soupe de fanes de radis ou de ragoût de langues d'agneau. «Désormais, dit-il, plus question d'acheter au petit bonheur du Caddie !» Quand le pouvoir d'achat est en capilotade, quand les prix des produits alimentaires de base deviennent fous et qu'à la pompe les automobilistes ont l'impression de faire le plein de champagne, c'est toute une façon de consommer qui change, de la débrouille à la débine.
«Le «low-cost», un levier du pouvoir d'achat» ? C'est en tout cas le titre du rapport remis par Charles Beigbeder, président de Poweo, à Luc Chatel, le secrétaire d'Etat chargé de la Consommation et du Tourisme. Qui préconise tout simplement de généraliser le modèle économique low-cost à tous les secteurs pour permettre aux Français de faire des économies... Après l'invasion des easyJet et autres Ryanair qui ont révolutionné l'aérien, voilà Renault avec sa Logan, copiée désormais par tous ses concurrents (voir p. 16), Ikea avec ses meubles Do it yourself, ou encore les rois du hard discount, les allemands Lidl et Aldi (voir encadré p. 21), qui, dans un contexte morose, sont les seules enseignes à voir leur chiffre d'affaires progresser (de +5% à +10% sur le début de l'année). Auchan, Carrefour et compagnie les copient et ne jurent plus que par leurs rayons discount. Même les coiffeurs s'y sont mis, comme Tchip Coiffure, qui propose des forfaits sans shampooings à des prix imbattables. «En fait, toutes les entreprises tendent au low-cost, puisqu'elles cherchent à réduire leurs coûts. Une manière d'y arriver consiste à faire travailler le consommateur, cette main-d'oeuvre gratuite et disponible», remarque Marie-Anne Dujarier, sociologue du travail (1).

Pour Robert Rochefort (2), directeur du Crédoc (Centre de Recherche pour l'Etude et l'Observation des Conditions de Vie), le tabou du low-cost a sauté il y a une dizaine d'années. «Peu à peu, le consommateur s'est mis à se comporter comme une entreprise. Et à faire du «cost-killing», de la réduction de coût.» Même les riches n'ont plus honte de chasser la bonne affaire. «Avant, chez nous, on avait plutôt les pauvres. Maintenant, je vois des clients qui garent leur Audi devant le magasin», rigole cette responsable de magasin Lidl. «Les Français arbitrent. Ils remplissent leur Caddie chez leur hard discount pour pouvoir s'acheter un écran plat...», dit Olivier Géradon de Vera, directeur à l'institut de marketing Iri-Secodip. Arbitrage ? C'est le mot d'ordre du nouveau consommateur.

Autre moyen de préserver son pouvoir d'achat : le Net. Le e-commerce a ainsi bondi de 35% l'an dernier. A l'affût des bons plans, les cyberacheteurs passent des heures sur les comparateurs de prix (Kelkoo.com), sur les innombrables sites de notation de consommateurs (Ciao.com)... Voire se métamorphosent en vendeurs pour arrondir leurs fins de mois sur eBay ou PriceMinister. 15 000 Français empochent plus de 1 000 euros par mois grâce à ces sites. «Notre slogan, «Devenez radin», estime Pierre Kosciusko-Morizet, PDG de PriceMnister, n'a jamais été autant d'actualité. Les Français sont complètement décomplexés : notre meilleur mois de l'année, c'est janvier, quand les gens revendent leurs cadeaux de Noël !» Vous cherchez à vous débarrasser gratuitement du fumier de cheval qui empuantit votre grange ? D'un déambulateur «tout neuf» (100 euros), d'une biquette naine (55 euros), d'un tableau (1 euro) qui immortalise James Dean au point de croix ? Vous vendez des gâteaux «faits maison» ou des oeufs de poule à 4 euros la douzaine ? Leboncoin.fr, site de transactions entre particuliers créé en 2006, fonctionne comme un vide-greniers à l'échelle nationale. On y vend des voitures et des maisons, mais aussi, un jour, «un trèfle à cinq feuilles», raconte son fondateur Olivier Aizac. «Et même une boucherie abandonnée, dont la réouverture a redonné vie à un petit village de la Manche !» De 2 à 3 millions de biens sont proposés sur le site, 800 000 per sonnes - de plus en plus nombreuses dans les régions où le pouvoir d'achat est faible, comme le Nord - s'y connectent chaque jour. Depuis peu, le troc s'y développe.

«Tout le monde galère. Alors, puisque le gouvernement ne fait rien pour nous, il faut bien se débrouiller. Nous, on fait de la récup. Pour les fringues des enfants, les meubles, pour tout. Et autour de moi j'ai de plus en plus de copains qui font pousser leur potager», dit Grégory Gendre, 30 ans. Ce jeune père de deux enfants, bientôt trois, qui vit sur l'île d'Oléron, ancien de Greenpeace, est un écolo militant. «Etre écolo, c'est aussi très bien pour le pouvoir d'achat. Moi, par exemple, je vais au marché à vélo plutôt que de prendre la voiture pour aller à l'hyper.» A Toulon, Yohann, lui, n'a pas le choix : pour son travail, il doit utiliser la voiture. Alors il s'est mis à rouler à l'huile (voir p. 16). «C'est illégal, mais tout le monde a tellement de mal à joindre les deux bouts. Je ne connais personne qui ne flirte pas avec les règles. Il y a ceux qui travaillent un peu au black. Ceux qui truquent leur compteur EDF Ceux qui squattent l'abonnement internet de leurs voisins en partageant la même adresse IP Ceux qui téléchargent de la musique ou des films...» Internet, filon débrouille ? Depuis qu'elle est en congé maternité, la femme de Yohann passe ses journées à récolter échantillons gratuits et coupons de réduction : «Il y a de quoi devenir dingue !»
Une frénésie qui a bien profité à Jérôme Savatte : dans son petit studio du quartier de Belleville, à Paris, ce jeune homme de 33 ans pilote tout seul les sites Pasuneuro.com, Concours- gratuits.com, Lesmalins.com, Reduc-privileges.com et du blog Generation-debrouille.com, dont il est l'heureux fondateur. Ils lui procurent, grâce à la publicité, un revenu de 1 500 euros par mois. Cet ancien employé dans la restauration se passionne pour «le gratuit, le pas cher» depuis qu'à 14 ans il a gagné pour la première fois une montre grâce à un jeu-concours. Devenu grand, il a fait gratuitement le tour de la planète, gagné un scooter, un fauteuil d'auto-massage et des centaines de cadeaux, qu'il revend ou distribue à ses amis. Il fait partager à ses 600 000 abonnés toutes ses martingales pour récupérer des bons de réductions, des échantillons et des produits gratuits.
La «zéro euro attitude» est en passe de devenir une mode, voire une posture militante. Jacques Seidmann publie la troisième édition de son guide du Paris gratuit (3). Les ventes - 14 000 exemplaires - ne cessent de grimper. Ses 1 200 bons plans pour les astucieux se veulent «un manifeste contre la morosité». Même quand le pouvoir d'achat est en chute libre, «on peut garder la banane, prétend cet incorrigible optimiste. On n'est pas très loin, chez nous, de la déconsommation. On fait un pied de nez à la crise, en s'amusant.»
Le filon a désormais gagné la télévision. Et Julien Courbet, qui présente en prime time «les Rois du système D» depuis 2007 sur TF1, ne s'y est pas trompé. 6,5 millions de téléspectateurs se passionnent pour les «astuces» qu'il leur fait découvrir dans un étrange mélange des genres. Un concombre coupé frotté sous les bras ? C'est, paraît-il, un déodorant très économique, et même écologique ! Comme la peau de banane pour remplacer le cirage ou la farine en guise de shampoing... Plus douteux, le rayon bonnes affaires, où l'on vous conseille avec un parfait cynisme de vous ruer sur les ventes aux enchères de biens saisis pour vous offrir une télé ou même un pavillon, à prix évidemment cassés, sous l'oeil écoeuré de leurs anciens propriétaires.

Ancien président d'Emmaüs-France, aujourd'hui haut-commissaire aux Solidarités actives contre la Pauvreté auprès du gouvernement Fillon, Martin Hirsch a un peu de mal à s'intéresser au côté «fun» du système D, ou à se pâmer devant le chic du cheap. Ce qu'il voit, lui, c'est que la part contrainte des dépenses dans le budget des ménages est passée de 13% dans les années 1960 à 30% aujourd'hui. Que le recours au crédit à la consommation - jadis utilisé pour un achat ponctuel - est devenu un moyen structurel de boucler ses fins de mois. «Les dépenses qui pour certains ne sont même pas perceptibles (acheter un vêtement, s'offrir un dîner au restaurant) deviennent pour d'autres un facteur de déséquilibre. Quand certains, qui ne l'auraient pas envisagé il y a dix ans, peuvent s'offrir - low-cost, bien sûr - un voyage à Phuket, d'autres ne peuvent même pas payer un aller et retour en train Paris-Rennes. Les consommateurs sont divisés en deux classes de plus en plus étanches : ceux qui peuvent choisir leurs dépenses et ceux qui n'ont aucun choix.» Dans les magasins de hard discount, comptant soigneusement leurs coupons de réduction tout en poussant leurs chariots de moins en moins pleins, les consommateurs ont juste vu monter les prix. Low-cost ? C'est leur vie, désormais, qui est low-cost.


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